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Rapport de visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier François Quesnay à Mantes-la-Jolie (Yvelines)

Rapport de visite du centre hospitalier François Quesnay de Mantes-la-Jolie (Yvelines)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Une équipe du CGLPL constituée de six contrôleurs a effectué une première visite, annoncée la semaine précédente, du pôle de psychiatrie et de l’antenne d’urgences psychiatriques au sein du service d’accueil des urgences du centre hospitalier de Mantes-la-Jolie, du 3 au 7 avril 2023.

Le centre hospitalier François Quesnay (CHFQ) de Mantes-la-Jolie, ouvert en 1997, implanté aux abords du quartier prioritaire du Val Fourré et accessible depuis le centre-ville au moyen de deux lignes de bus, fait partie du groupement hospitalier de territoire (GHT) Yvelines-Nord, dont le centre hospitalier intercommunal Poissy/Saint-Germain-en-Laye constitue l’établissement support. Il est organisé en sept pôles et dispose de 492 lits et places. Les locaux du pôle de psychiatrie, conçus par une agence d’architecture spécialisée en association étroite avec l’équipe médicale et ouverts en 2008, sont implantés en périphérie du site du CHFQ. Le pôle de psychiatrie est doté de 46 lits d’hospitalisation complète, destinés à la prise en charge de l’ensemble des pathologies psychiatriques des adultes d’une population qui présente une précarité socio-économique marquée.

La situation budgétaire du CHFQ a nécessité la mise en œuvre d’un contrat de retour à l’équilibre financier (CREF) pendant la période 2015-2017, impliquant la fermeture de 140 lits et une diminution des effectifs de 230 équivalents temps plein. Lors de la visite, l’établissement accuse un déficit avoisinant dix millions d’euros, supérieur à celui ayant justifié le CREF. Le pôle de psychiatrie a fermé six lits au mois de janvier 2022, puis quatre au mois d’aout 2022, en raison d’une pénurie majeure, sans perspective de recrutement, de l’effectif médical seulement pourvu à 34 %, et d’une vétusté partielle de locaux n’ayant bénéficié d’aucun travaux de réhabilitation.

La pénurie extrême de l’effectif de psychiatres a nécessité une réorganisation rigoureuse mais fragile de l’organisation des soins, qui ne pourrait être maintenue en cas de départ d’un seul des médecins présents. De même, l’effectif de généralistes du pôle de psychiatrie ne permet pas une réponse adaptée aux besoins d’évaluation, de traitement et de suivi des patients. La pérennité de l’accès aux soins psychiatriques des patients souffrant de troubles mentaux dans le territoire des Yvelines-Nord constitue une préoccupation majeure, en l’absence de solutions adéquates proposées et mises en œuvre par le CHFQ et l’ARS d’Ile-de-France.

L’établissement n’a pas développé les outils informatiques indispensables à l’efficacité de l’exercice du pôle de psychiatrie, s’agissant notamment d’un dossier patient informatisé et de logiciels de recueil et d’analyse des données concernant l’activité de soins sans consentement et les pratiques d’isolement et de contention. Le CHFQ n’a ainsi pas été en mesure de communiquer aux contrôleurs des données fiables et statistiquement exploitables concernant ces deux thématiques. L’activité de soins sans consentement sur décision du directeur d’établissement a fait apparaître une prééminence des procédures dérogatoires, au détriment de celle classique qui garantit une double évaluation médicale initiale et une voie de recours supplémentaire en la personne du tiers.

Les patients bénéficient de conditions de vie adaptées dans des locaux ergonomiques et lumineux, avec l’assurance d’une hygiène individuelle et collective, et d’une alimentation qui réponde aux besoins. La liberté de circulation des patients en soins libres n’est toutefois pas garantie, en raison de la fermeture systématique des portes du bâtiment donnant sur l’extérieur, de la nécessité d’obtention d’une prescription médicale ad hoc, et de la sollicitation obligatoire d’agents de sécurité ou de soignants pour sortir. Les restrictions appliquées dans la vie quotidienne sont peu nombreuses et individualisées et l’accès aux droits spécifiques en matière de communication extérieure, de vote, et de culte est respecté.

La prise en charge des situations d’urgences psychiatriques, protocolisée et pertinente, fait l’objet d’une mission de l’unité de crise et de négociation des soins. La recherche du consentement, au service de l’alliance thérapeutique du patient, est mise en œuvre dans cette unité qui accueille des patients exclusivement hospitalisés en soins libres pour une période brève avant une orientation ambulatoire ou hospitalière. Elle est moins développée dans les unités de soins à temps complet, en l’absence d’intervention de médiateurs de santé pairs et d’utilisation de directives anticipées incitatives en psychiatrie. Des équipes particulièrement solidaires et investies y dispensent cependant des soins psychiatriques de qualité, dans la limite liée aux contraintes de l’effectif de médecins et d’intervenants spécialisés, qui n’assurent notamment plus un accès adapté aux activités thérapeutiques.

L’information orale et écrite du patient et la qualité de la formation de l’ensemble du personnel pour l’effectuer sont insuffisantes, s’agissant des éléments communiqués concernant le rôle de la commission des usagers, des décisions de soins sans consentement et de leurs voies de recours, et de la remise des documents spécifiques. Le contrôle des droits des patients hospitalisés en soins sans consentement est notablement insuffisant, en raison du faible nombre d’entre eux se rendant accompagnés à l’audience du juge des libertés et de la détention, qui n’est pas tenue dans l’établissement.

Les conditions matérielles des chambres d’isolement ne respectent pas l’intimité et la dignité des patients isolés. L’intervention systématique d’un agent de sécurité lors du déroulement de la mesure d’isolement ne garantit pas l’encadrement exclusivement soignant ni le respect du secret professionnel inhérents à cette procédure. Les mineurs et les patients hospitalisés en soins libres peuvent être concernés par l’isolement et la contention. La définition et la mise en œuvre d’une politique de réduction de ces pratiques, et la production d’un rapport annuel les concernant, par la direction, font défaut.

Le CGLPL encourage l’ensemble des équipes soignantes à poursuivre leurs indéniables efforts mis en œuvre pour soutenir la qualité des soins, ainsi que l’établissement dans le développement de solutions qui garantissent la pérennité d’un accès des patients à des soins psychiatriques respectueux de leurs droits fondamentaux.

Un rapport provisoire a été adressé par courrier le 25 juillet 2023 à la directrice générale du GHT des Yvelines-Nord, au préfet du département des Yvelines, à l’ARS d’Ile-de-France et aux chefs de la juridiction judiciaire de Versailles pour une période d’échange contradictoire d’un mois.

Seule la directrice générale du GHT des Yvelines-Nord a fait valoir des observations en retour, le 22 septembre 2023, prises en compte et intégrées au présent rapport.