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Rapport relatif à la dignité des conditions de détention à la maison d’arrêt de Guéret (Creuse)

Rapport relatif à la dignité des conditions de détention à la maison d’arrêt de Guéret (Creuse)

Observations du ministère de la justice – Dignité des conditions de détention – Maison d’arrêt de Guéret

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

SYNTHÈSE

La maison d’arrêt de Guéret (Creuse) relève de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux ; elle est située dans le ressort du tribunal judiciaire de Guéret. L’établissement dispose de vingt-quatre cellules dont une destinée à la prise en charge des personnes bénéficiant d’une semi-liberté.

Cinq contrôleurs ont examiné les conditions de prise en charge des personnes détenues du 6 au 10 février 2023.

Quarante-sept personnes détenues y étaient hébergées dont une qui bénéficiait d’un aménagement de peine en semi-liberté.

1. La suroccupation chronique est relativement maîtrisée par une politique attentive de transferts des personnes condamnées, dans des délais raisonnables, par la direction interrégionale

1.1 La densité carcérale à hauteur de 152 % ne permet pas l’encellulement individuel mais n’entraîne pas l’installation de matelas au sol

Le CGLPL a relevé 31 places opérationnelles selon les termes de la circulaire de la direction de l’administration pénitentiaire du 17 mars 1988, incluant la cellule-dortoir destinée au quartier de semi-liberté.

Au premier jour de la visite des contrôleurs, 47 personnes sont hébergées. Seules 3 d’entre elles bénéficient d’un encellulement individuel. La densité carcérale est de 152 %.

La séparation des prévenus et des condamnés se révèle impossible et, en conséquence, les affinités entre personnes détenues sont privilégiées.

1.2 Les personnes détenues, majoritairement condamnées à des peines de moins d’un an, sont en situation de précarité

La population pénale est composée de 33 condamnés – dont 4 sont condamnés-prévenus – et de 14 prévenus. Les peines de moins de 6 mois représentent 30,3 %. La durée moyenne de séjour est de 4 mois. La politique de transferts de la direction interrégionale permet de maitriser la suroccupation.

Les incarcérations (prévenus et condamnés) dans le cadre de violences intrafamiliales représentent 32 % des infractions et 23 % sont prévenus dans le cadre de procédures criminelles, majoritairement pour des crimes sexuels.

La tranche d’âge la plus représentée est celle de trente à trente-neuf ans.

Une part importante de la population pénale est en situation de précarité : 40 % des personnes détenues ont bénéficié d’une aide matérielle et financière lors de la dernière commission d’attribution.

2. Malgré la suroccupation, les ressources humaines disponibles permettent une prise en charge individualisée

Malgré la suroccupation, en raison d’un absentéisme mineur et de la collaboration de tous les niveaux hiérarchiques, la prise en charge des personnes détenues est individualisée. En journée, un poste de surveillant polyvalent permet d’assurer la surveillance des promenades ainsi que de multiples tâches transversales.

3. La capacité de l’établissement est insuffisante pour accueillir la population pénale

3.1 L’espace individuel en cellule est indigne

L’espace individuel réellement disponible après retrait de l’équipement sanitaire et des meubles varie de 1,07 m² à 2,78 m², en conséquence inférieur à la surface minimale de 3 m² préconisée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Que les personnes détenues soient hébergées seules ou à plusieurs selon les cellules, la structure du bâtiment ne permet pas de répondre aux critères de surface et conduit à des conditions de détention indignes.

3.2 Le mobilier est en bon état mais les espaces de rangement sont insuffisants

L’équipement des cellules, en bon état, n’est cependant pas adapté au nombre d’occupants. Les lits superposés ne disposent pas d’échelle dans la quasi-totalité des cellules, entraînant des difficultés pour les personnes ayant du mal à se mouvoir et des risques de chutes.

3.3 Si l’ensemble des locaux est bien entretenu, l’éclairage naturel fait défaut

La lumière naturelle fait défaut imposant l’utilisation d’un éclairage artificiel en permanence.

L’empilement des dispositifs de sécurité (barreaudage et caillebottis) et des brises-vues dans certaines cellules accentue le manque de luminosité. Les fenêtres n’offrent pas de véritable perspective visuelle.

Deux cellules dites « cellules des condamnés à mort » dont les fenêtres sont au ras-du-sol sont particulièrement sombres et indignes. L’entretien des locaux est assuré, toutefois le lavage des couvertures n’est pas organisé.

4. Dans le cadre d’un régime portes fermées, l’essentiel du temps passé hors cellule est constitué par la promenade

4.1 Le régime unique est en portes fermées

4.2 La moitié du temps potentiellement passé hors de la cellule est constitué par les promenades

La cellule destinée à l’hébergement des personnes en semi-liberté compte six lits. Pour éviter l’installation de matelas au sol en détention ordinaire, des détenus ne bénéficiant pas d’aménagement de peine y sont hébergés. Ils subissent les restrictions d’accès à la promenade et aux activités appliquées aux semi-libres dans un souci de cloisonnement avec les autres détenus.

Les données recueillies portent sur l’offre potentielle d’activités (nombre de places disponibles et non le nombre de personnes détenues présentes). Le temps moyen potentiellement passé hors cellule est de 4 heures mais constitué par moitié par les promenades qui, en pratique, sont peu fréquentées par les personnes détenues.

5. L’intégrité physique des personnes détenues n’est pas compromise mais il est porté atteinte leur intimité et au secret médical

5.1 La protection des personnes est assurée

Le faible nombre de violences résulte d’une prise en charge humaine attentive. Il ne se dégage pas de climat d’insécurité à l’établissement.

5.2 La conception des locaux et la suroccupation portent atteinte à l’intimité

Il est pratiqué au minimum une fouille à chaque tour de parloir soit en pratique une personne sur quatre. Les 353 fouilles n’ont abouti qu’à une seule saisie. En outre, ces fouilles sont réalisées avec respect mais dans un local inadapté (couloir sans rideau de protection dans des conditions attentatoires à l’intimité des personnes).

5.3 L’accès aux soins, globalement assuré, n’est pas respectueux du secret médical et de l’intimité

L’accès aux soins est garanti mais le secret médical est compromis par la conception de l’unité sanitaire et la présence de surveillants à immédiate proximité.

Par ailleurs, dans le cadre des extractions, l’usage systématique des moyens de contrainte (menottes et entraves), même pour les personnes de plus de 70 ans, lors du transport et pendant les soins est attentatoire à la dignité. La présence de l’escorte durant les soins viole le secret médical.

6. Le maintien des liens avec l’extérieur et l’accompagnement dans l’aménagement des peines favorisent la préparation à la sortie

6.1 Les liens avec l’extérieur sont facilités mais les conditions matérielles sont indignes

Une certaine souplesse prévaut dans l’octroi des parloirs. En revanche, l’établissement n’offre aucune possibilité de parloir le week-end. Les visites se réalisent dans des conditions matérielles non satisfaisantes du fait de l’exiguïté des boxes.

6.2 Le partenariat entre les différents acteurs du parcours d’exécution des peines est au service d’une population pénale qui s’en saisit peu

Une proximité et une fluidité (détention, SPIP, JAP) entre les différents acteurs a été observée. Le SPIP est très présent dans le cadre de l’accompagnement des personnes détenues en milieu fermé. La forte proportion de personnes condamnées pour des faits de violences intrafamiliales et les risques de récidive liés à ce type d’infraction limitent l’octroi des aménagements de peine.

L’exécution de la peine est individualisée mais se heurte à une forme de passivité de la population pénale.

7. La mise à l’écart ne concerne que l’encellulement disciplinaire

7.1 La prise en charge médicale n’est pas assurée de manière règlementaire

Il n’existe pas de quartier disciplinaire (QD) proprement dit, l’établissement est doté d’une seule cellule disciplinaire située à côté des cellules des arrivants. La cour de promenade spécifique est dépourvue de tout équipement. Les personnes détenues placées en cellule disciplinaire peuvent prendre trois douches hebdomadaires, dans les douches collectives du rez-de-chaussée.

En l’absence de cabine téléphonique, les personnes détenues sont conduites dans la grande cour de promenade en dehors des plages de fréquentation ou dans une cellule destinée aux arrivants inoccupée.

L’unité sanitaire ou le centre 15 est informé de chaque placement disciplinaire. Le médecin ne se déplaçant qu’une fois par semaine à la maison d’arrêt, les deux visites médicales hebdomadaires règlementaires ne sont pas assurées. En outre, les conditions de réalisation des entretiens médicaux au travers de la grille ne sont pas respectueuses de la dignité des personnes détenues et du secret médical.

7.2 Il n’existe pas de quartier ou de cellule d’isolement

8. Les conditions de détention, connues des autorités, ne donnent pas lieu à des recours par les personnes détenues

8.1 Les réunions du conseil d’évaluation sont suivies d’une visite de l’établissement

8.2 Aucun recours pour conditions de détention indignes n’a été intenté par les personnes détenues

Les autorités et les professionnels ont connaissance de la loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention. Dès lors, les directeurs de l’établissement et la juge de l’application des peines ont travaillé en commun sur des réponses à apporter dans l’éventualité d’un recours.

Au jour de la visite des contrôleurs, aucun recours motivé par les conditions de détention n’a été intenté devant les juridictions. Les trois personnes détenues qui ont sollicité une information complémentaire à l’affichage apposé en détention ont renoncé, ne souhaitant pas être transférées.