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Rapport de visite du pôle de psychiatrie du groupe hospitalier Sud Ile-de-France à Melun (Seine-et-Marne)

Rapport de visite du groupe hospitalier Sud Ile-de-France à Melun (Seine-et-Marne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Six contrôleurs ont effectué une visite du Groupe Hospitalier Sud Ile-de-France (GHSIF) à Melun (Seine-et-Marne) du 2 au 6 mai 2022. Cette mission constituait un premier contrôle de l’établissement.

Le rapport provisoire relatif à cette visite a fait l’objet d’échanges contradictoires avec le directeur de cet établissement, la directrice générale de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France et avec les chefs de juridiction du tribunal judiciaire de Melun dont les observations ont été prises en compte, ainsi qu’avec le préfet de la Seine-et-Marne qui n’a pas fait valoir d’observations.

Le service de psychiatrie du GHSIF est composé de quatre unités d’hospitalisation pour les adultes pour une capacité affichée de 103 lits. Il comprend un secteur de psychiatrie infanto-juvénile dépourvu de lits d’hospitalisation.

Lors de leur mission, les contrôleurs ont constaté des violations graves et multiples des droits des patients et de leur dignité.

En effet, les patients sont hébergés dans des locaux neufs mais qui ont été mal conçus et comportent une dimension sécuritaire. Rien n’a été pensé pour la vie quotidienne et collective : impossibilité d’accéder librement au second niveau qui comprend la bibliothèque, la salle de sport et la plateforme de réhabilitation sociale, nombre important de chambres doubles, patios non végétalisés et qui ne comprennent pas d’abri pour se protéger du soleil ou de la pluie, espaces pour rencontrer les familles insuffisants et ne garantissant aucune intimité, locaux sombres, sinistres où il est difficile de se repérer, absence de boutons d’appel et de verrous de confort aux portes des chambres.

La liberté d’aller et venir est abusivement restreinte, y compris pour les patients en soins libres ce qui est illégal (portes fermées, système de « permissions »). En l’absence de placards « opérationnels », les patients ne peuvent garder leurs affaires en sécurité et sont parfois contraints d’entreposer leurs affaires à même le sol, parfois à côté des toilettes.

Sans organisation de vestiaire de secours et sans machine à laver, beaucoup de personnes se trouvent contraintes à porter un pyjama et ne sont pas non plus encouragées à s’habiller.

Si la présence médicale est assurée malgré les postes vacants, la cohérence de l’équipe soignante est parfois défaillante dans certaines unités et les activités proposées largement insuffisantes.

Le service dispose d’un nombre de chambres d’isolement très important, très supérieur à ce que l’on constate dans les établissements similaires, de l’ordre de ¼ de la capacité globale. Ces chambres d’isolement et chambres dites fermables sont d’ailleurs à tort comptabilisées dans la capacité d’hébergement du service. Malgré des locaux récents, les chambres d’isolement sont indignes, ne comportant aucun des équipements requis : la personne ne peut appeler les soignants faute de bouton d’appel, elle ne peut ouvrir la fenêtre – même partiellement – pour aérer la pièce, elle ne peut fermer elle-même les volets, éteindre ou allumer la lumière, elle a parfois froid faute de chauffage suffisant, dans les chambres sans sas elle n’a pas accès à une horloge lui permettant de se repérer dans le temps, sa dignité et son intimité ne sont pas respectées car les toilettes sont visibles du fenestron.

Les patients en soins sans consentement en isolement et en contention ne font pas l’objet d’un examen somatique systématique dans les 24h mais uniquement à la suite d’une demande du soignant ou du patient si celui-ci présente des symptômes.

Des prescriptions de traitements psychotropes injectables en « si besoin » ont été observées.

Dans ce contexte, la prise en charge des mineurs est apparue particulièrement indigne : hospitalisés avec des adultes, enfermés dans des chambres d’isolement, sans prise en charge adaptée à leur âge en matière de repas, de scolarité, d’activités notamment.

Depuis la visite, un certain nombre d’actions ont été engagées par l’établissement : un lave-linge et un sèche-linge ont été installés, les fenestrons des portes permettant de voir le patient dans sa chambre et aux toilettes ont été condamnés, des verrous de confort équipent toutes les chambres depuis septembre 2022 et des cadenas sont apposés aux placards, les services de sécurité incendie de l’établissement sont désormais informés de l’isolement et de la contention des patients et des chambres où ils se trouvent, les mineurs ne sont plus hospitalisés dans des chambres d’isolement et il leur est remis un dispositif d’appel. D’autres sont en cours comme la mise en place de formations à destination des agents sur les droits des patients et les alternatives à l’isolement et à la contention, la création d’une chambre d’apaisement en 2023 et des travaux visant à améliorer la qualité hôtelière de l’ensemble des chambres.

Néanmoins, le nouveau projet prévoit un nombre important de chambres d’isolement et les recommandations sur la liberté d’aller et venir et sur les prescriptions si besoin n’ont pas l’air d’avoir été comprises dans leur entièreté. Surtout, aucune unité d’hospitalisation spécifique n’a vu le jour dans le département.