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Rapport de visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier Emile Muller à Mulhouse (Haut-Rhin)

Rapport de visite du centre hospitalier Emile Muller à Mulhouse (Haut-Rhin)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Cinq contrôleurs ont effectué du 5 au 9 juillet 2021 une visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier Emile Muller qui fait partie groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace (GHRMSA). La visite a été annoncée à la direction ainsi qu’aux chefs de juridiction du tribunal judiciaire de Mulhouse la semaine précédente. A l’issue, un rapport provisoire a été adressé à la directrice du GHRMSA, à l’agence régionale de santé Grand-Est ainsi qu’aux autorités judiciaires et administratives du département. Seuls le président du tribunal judiciaire de Mulhouse et la directrice de l’établissement ont fait valoir en retour des observations, reçues respectivement le 21 octobre 2022 et le 14 novembre 2022, et intégrées dans le présent rapport définitif.

Le centre hospitalier Emile Muller est le plus important des sept établissements membres du GHRMSA. Ce groupement qui dispose d’une capacité d‘accueil de 2 591 lits et places dont 150 en psychiatrie et 23 en maison d’accueil spécialisé (MAS), couvre le territoire de santé de Mulhouse et du sud de l’Alsace soit un bassin de population de 480 000 habitants.

Au jour du contrôle, la psychiatrie est préservée malgré le contexte financier déficitaire du GHRMSA qui le conduit à négocier un contrat de retour à équilibre financier. Les urgences psychiatriques sont prises en charge sur le site de l’hôpital Emile Muller. Les unités d’hospitalisation en psychiatrie sont localisées sur le site du Hasenrain. Le pôle de psychiatrie dispose pour l’hospitalisation complète de patients adultes de deux unités ouvertes, d’une unité fermée et d’un pavillon spécialisé en gérontopsychiatrie pour une capacité totale théorique de 77 lits.

Les constats effectués font ressortir les éléments suivants :

  1. Le droit à un hébergement digne est globalement assuré

Les patients, hospitalisés dans des locaux de qualité, bénéficient de chambres individuelles équipées de sanitaires, à l’exception des chambres de l’unité de gérontopsychiatrie. Les chambres ne disposent toutefois ni de bouton d’appel ni de verrous de confort. Les patients n’ont pas accès à un service adapté et gratuit de lavage et séchage de leur linge.

Les locaux collectifs des unités nécessitent des travaux bâtimentaires plus conséquents en l’absence de cafeteria, de salons pour les visites, de salles d’entretien infirmiers, de fumoirs, de douches, de préaux et de matériel pour les activités physiques extérieures.

  1. Les quelques restrictions aux libertés individuelles existantes sont guidées par l’état clinique individuel et actualisé pour chaque patient

Si les mesures sanitaires dues à l’épidémie de la Covid ont, pendant un certain temps, ont réduit la libre circulation des patients, elles n’ont pas perduré au-delà des périodes de confinement strict.

Les restrictions sont très limitées dans la gestion de la vie quotidienne : accès libre au tabac, au téléphone, recours rarissime au port du pyjama et uniquement sur prescription médicale, fourniture de wifi et possibilité de détenir un ordinateur. Aucun lien n’est établi entre statut légal d’admission et affectation en unité fermée, ce qui est correct pour les patients en soins sans consentement.

  1. L’information fournie aux patients en soins sans consentement (SSC), complète et détaillée dans les documents remis aux patients ainsi que lors de la notification des décisions les concernant, doit cependant mieux s’accompagner d’explications pédagogiques adaptées à l’état du patient

Les nombreuses informations écrites remises aux patients en SSC (livret d’accueil, plaquette destinée exclusivement aux patients en SCC détaillant le parcours et les droits spécifiques de l’hospitalisation sans consentement, voies de recours) ainsi que les décisions jalonnant leur parcours de soins ne sont pas toujours accompagnées d’explications orales pédagogiques adaptées à l’état clinique du patient. De même, les certificats médicaux fondant ces décisions ne sont pas systématiquement remis aux patients. Or, les professionnels du pôle de psychiatrie de l’établissement sont insuffisamment formés aux droits des patients en SSC. Beaucoup ne connaissent pas le rôle de la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP). En leur état actuel, les registres ne permettent pas de s’assurer de la complète information des patients.

  1. Les modalités de contrôle des droits des patients sont lacunaires à plusieurs titres

La commission départementale des hospitalisations psychiatriques (CDSP) n’exerce plus ses missions depuis février 2020. Par ailleurs, aucune des autorités énoncées à l’article L3222-4 du code de santé publique (CSP) n’effectue de visite annuelle aux fins de contrôler les conditions de prise en charge des patients hospitalisés sans leur consentement.

  1. La qualité de prise en charge est perceptible dans l’organisation des soins malgré la difficulté de recrutement des psychiatres et le départ des IDE expérimentés

Le rythme des entretiens psychiatriques est au moins hebdomadaire et adapté à chaque situation clinique. Une attention particulière est accordée aux familles des patients, systématiquement rencontrées par le psychiatre. Les processus d’alliance thérapeutiques peuvent être favorisés par le recrutement de médiateurs pairs de santé et la mise en œuvre des directives anticipées incitatives en psychiatrie. Les activités occupationnelles et thérapeutiques dans l’unité de soins sans consentement sont nombreuses et variées. La maison des ateliers (MDA), dotée d’une équipe pluridisciplinaire particulièrement dynamique, contribue grandement à la qualité des soins psychiatriques dispensés, au maintien du lien social et à la réhabilitation des patients.

La prise en charge somatique des patients est effective et garantit au mieux la continuité des soins par l’adresse au médecin traitant dès  l’admission du patient d’un courrier l’informant de son hospitalisation et de son état clinique.

En revanche, de façon globale, les modalités de distribution des médicaments ne respectent pas le secret médical. Par ailleurs, des pratiques de prescriptions « si besoin » de traitements injectables perdurent.

  1. Le pôle de psychiatrie a mis en œuvre une politique pertinente de réduction des pratiques d’isolement et de contention

Les équipes ont recours aux pratiques d’isolement et de contention en dernière intention et dans le respect des droits des patients et des dernières évolutions législatives. Ces pratiques sont tracées et adaptées à l’état clinique du patient qui conserve sa chambre hôtelière pendant la durée de la mesure. Toutefois, les patients placés en chambre d’isolement ne bénéficient pas d’un bouton d’appel accessible. Le port systématique d’une blouse de modèle chirurgical porte atteinte à leur dignité et leur pudeur. La politique de réduction des pratiques d’isolement et de contention est volontariste et pertinente dans la mesure où elle associe formation du personnel et évaluations des pratiques professionnelles avec la mise en œuvre concertée et uniformisée d’outils alternatifs.

  1. La prise en charge des mineurs est problématique

L’absence d’unité de pédopsychiatrie au sein du GHRMA ne permet pas une prise en charge satisfaisante des mineurs du département atteints de troubles psychiatrie : les plus jeunes du secteur sont hospitalisés en unité de pédiatrie et les dispositifs pour les adolescents (ADO’sphere et CESAME), aux capacités d’accueil limitées, sont rapidement saturés emportant leur hospitalisation en unités pour adultes.

Or, un mineur ne doit pas être hospitalisé au sein d’une unité de psychiatrie pour adultes[1]. Il paraît donc indispensable que le département soit mieux doté en structures spécialisées pour les mineurs dont l’état clinique nécessite une hospitalisation complète.

En conclusion, le pôle de psychiatrie du GHRMA est encouragé à poursuivre ses efforts et ses réflexions en faveur d’un plus grand respect des droits fondamentaux des patients.

Les observations formulées par l’établissement aux recommandations du CGLPL – dont plusieurs sont d’ores et déjà prises en compte et d’autres en cours de prise en compte – démontrent un réel engagement en faveur de l’amélioration de la qualité de prise en charge des patients et de la garantie de l’exercice de leurs droits.

[1] Cf. les rapports thématiques du CGLPL « Les droits fondamentaux des mineurs en établissement de santé mentale », novembre 2017 et « Les droits fondamentaux des mineurs enfermés », février 2021