Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de quatrième visite de l’établissement pénitentiaire pour mineurs La Valentine à Marseille (Bouches-du-Rhône)

Rapport de quatrième visite de l’établissement pénitentiaire pour mineurs La Valentine à Marseille (Bouches-du-Rhône)

Observations du ministère de la justice – Etablissement pénitentiaire pour mineurs de Marseille (4e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

Synthèse

Trois contrôleurs ont effectué un contrôle annoncé de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Marseille (Bouches-du-Rhône), du 12 au 15 septembre 2022.

Cette mission constituait une quatrième visite faisant suite à trois contrôles réalisés respectivement en janvier 2011[1], en mars 2015[2] et en mars 2018[3].

Un rapport provisoire a été adressé le 1er décembre 2022 à la directrice de l’EPM, au président du tribunal judiciaire de Marseille et au procureur de la République près ce tribunal, au directeur général de l’assistance publique-Hôpitaux de Marseille, au responsable de la mission locale de Marseille, à l’inspecteur de l’Education Nationale des Bouches-du-Rhône et au directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse des Bouches-du-Rhône. Seule la directrice de l’EPM a répondu au rapport provisoire. Au regard des constats et recommandations formulées, le CGLPL déplore n’avoir reçu aucune réponse de la protection judiciaire de la jeunesse.

Depuis l’entrée en vigueur du code de justice pénale des mineurs (CJPM) en octobre 2021, l’établissement habituellement en suroccupation se trouve occupé à 70% en moyenne. Au premier jour de la mission, quarante-trois mineurs s’y trouvaient hébergés pour cinquante-neuf places, 50% sont condamnés – contre 10% des effectifs en 2018. Par ailleurs, les détenus sont aussi plus jeunes.

L’EPM est composé de sept unités : une unité « arrivants », une unité REPARE (module de confiance), une unité à régime renforcé, quatre unités à régime dit « traditionnel ». Lorsque les mineurs réintègrent leur cellule le régime est en porte fermée.

L’établissement s’est enfin doté d’un projet d’établissement (PE), travaillé par les quatre acteurs (administration pénitentiaire AP, protection judiciaire de la jeunesse PJJ, éducation nationale EN et unité sanitaire US), lisible et complet instaurant de nombreuses instances de réflexion pluridisciplinaires.

Globalement, plusieurs recommandations émises en 2018 sont prises en compte et les bonnes pratiques sont maintenues. Cependant, lors du contrôle, une dégradation du partenariat AP/PJJ a été constatée, obérant le quotidien des mineurs.

Le taux d’absentéisme toutes causes confondues du personnel de ces deux institutions est supérieur aux autres établissements de la direction interrégionale. Le directeur territorial de la PJJ a été contacté ainsi que le directeur interrégional de la DISP sur ce sujet dans la mesure où il a un fort impact sur la prise en charge des mineurs.

Les conditions matérielles d’incarcération ont été globalement améliorées depuis la visite de 2018. Le prestataire GEPSA assure désormais le nettoyage systématique des cellules libérées. De plus, une commission restauration a été instaurée ainsi qu’une évaluation du « taux de prise ».

Sur le droit à l’éducation, la complémentarité des dispositifs Education nationale, protection judiciaire de la jeunesse et Mission locale relève de la bonne pratique. En effet, l’accès à l’enseignement est prioritaire et se traduit notamment par la mise en place de l’emploi du temps scolaire individualisé (entre 18h30 et 23h30 hebdomadaires), un bilan pédagogique est partagé à l’arrivée avec les partenaires et la psychologue de l’EN dispose d’outils de diagnostic de troubles des apprentissages permettant d’adapter l‘orientation du mineur et les outils employés dans le cadre des apprentissages, de détecter un besoin d’orientation vers des dispositifs relevant du handicap. La mission de lutte contre le décrochage scolaire intervient également. De plus, le développement des ateliers habitat, cuisine (nouveauté depuis 2018) et vente sont un atout.  Par ailleurs, une conseillère de Mission locale, à temps plein, suit la moitié des mineurs de l’EPM en complémentarité des dispositifs de l’éducation nationale. Enfin, le pôle d’activités de remobilisation et d’insertion (PARI) de la PJJ prend en charge tant les mineurs qui sont dans un refus scolaire répété (module de remobilisation), qui sont aussi ceux qui sont générateurs d’incidents en milieu scolaire (module accompagnement spécifique individualisé.

En outre, depuis la dernière visite, la traçabilité des fouilles intégrales a été améliorée, grâce à une dynamique impulsée par la direction de leur limitation à ce qui est strictement nécessaire. De plus, l’organisation du circuit du traitement des incidents a permis de réduire les délais de traitement des incidents et le passage en CDD et l’administration de la preuve a été améliorée avec la possibilité de visionner l’enregistrement de vidéosurveillance pendant la CDD.

Néanmoins, au moment du contrôle, la crise du partenariat entre l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse obère le quotidien des mineurs et se traduit notamment par un fonctionnement inefficient du binôme surveillant-éducateur. En effet, excepté à l’unité de confiance, le binôme n’existe pas dans les autres unités faute de présence suffisante des surveillants et des éducateurs. Ainsi, les repas collectifs sont l’exception, la promenade n’est pas organisée, l’observation du mineur arrivant est compromise. Lors de la mission les contrôleurs ont fréquemment constaté l’absence du binôme dans les unités. De plus, le projet d’établissement prévoit l’organisation d’activités par ce binôme dans les quatre unités au régime dit « traditionnel », ce qui reste théorique.

Par ailleurs, le régime différencié dit renforcé a interrogé les contrôleurs puisque l’affectation dans ce régime ne passe pas par la CPU. La PJJ a refusé de signer le protocole relatif au fonctionnement de cette unité.

Un travail de concertation a été mis en place par la direction de l’EPM à la suite de la visite des contrôleurs pour réviser les modalités du partage d’information des régimes différenciés et les prises de décision quant à l’affectation des mineurs.

Des activités diverses sont mises en place, mais d’une part elles pâtissent de l’absentéisme des éducateurs et des surveillants et d’autre part, elles ne bénéficient qu’à un nombre limité de jeunes et leur la pertinence n’est pas réévaluée par la PJJ.

Enfin, comme lors de la dernière visite, l’accès aux soins est garanti, des actions d’éducation à la santé déployées ; de plus, une bonne articulation entre les psychologues de l’US, EN et PJJ est relevée. Le partage d’information sur la prévention du suicide est efficient. Néanmoins, les niveaux d’escorte décidées lors d’une CPU dédiée mise en place depuis le début de l’année 2022 ne sont pas toujours adaptés à l’état de santé du mineur. De plus, les escortes assistent toujours aux consultations médicales en violation du secret médical, malgré les recommandations précédentes du CGLPL.

Dans le cadre de la procédure contradictoire, la direction de l’EPM, soucieuse d’améliorer la prise en charge des mineurs incarcérés, a pris en compte les observations des contrôleurs très rapidement après la mission.

[1] CGLPL, Rapport de la 1ère visite de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Marseille, janv. 2011.

[2] CGLPL, Rapport de la 2ème visite de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Marseille, mars 2015.

[3] CGLPL, Rapport de la 3ème visite de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Marseille, mars 2018.