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Rapport de la troisième visite du centre pénitentiaire de Saint-Etienne-La Talaudière (Loire)

Rapport de la troisième visite du centre pénitentiaire de Saint-Etienne-La Talaudière (Loire)

Observations du ministère de la justice – Centre pénitentiaire de Saint-Etienne-La Talaudière (3e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

Synthèse

Cinq contrôleurs, assistés d’un photographe et d’un stagiaire, ont effectué un contrôle du centre pénitentiaire de Saint-Etienne-La Talaudière (CPSE), situé dans le département de la Loire, du 5 au 9 et du 12 au 16 septembre 2022. Cette mission constituait une troisième visite faisant suite à deux précédents contrôles réalisés en 2012[1] et 2019[2]. Le rapport provisoire, rédigé à l’issue de la visite, a été transmis le 14 février 2023 au directeur du CPSE, aux chefs de juridiction de Saint-Etienne, à l’agence régionale de santé d’Auvergne-Rhône-Alpes et au directeur général du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne. Seul le chef d’établissement du CPSE a fait valoir ses observations en retour, qui ont été intégrées dans le présent rapport définitif.

Mis en service en 1968 en tant que maison d’arrêt pour hommes, femmes et mineurs, le CPSE s’est vu adjoindre un bâtiment B en 1990, puis un quartier de semi-liberté en 2008. Depuis 2011, l’établissement n’accueille plus de mineurs. Il a été dénommé centre pénitentiaire, en remplacement de l’appellation maison d’arrêt, en juillet 2016.

La capacité théorique de l’établissement est de 327 places, dont 40 au quartier de semi-liberté (QSL), 269 au quartier maison d’arrêt des hommes (QMAH) (réduite à 247 au moment de la visite du fait de la neutralisation de plusieurs cellules en cours de réfection) et 18 au quartier maison d’arrêt des femmes (QMAF). S’y ajoutent une cellule de protection d’urgence (CProU) et huit cellules disciplinaires. Il n’y a pas de quartier d’isolement.

Le 1er septembre 2022, 430 personnes détenues étaient hébergées, soit un taux d’occupation global de 141 %. Si le QSL et le QMAF étaient sous-occupés (taux d’occupation respectivement de 92,5 % et 83,3 %), au QMAH le taux d’occupation était de 153 %. Ce taux dépassait même les 172 % au bâtiment A. Deux matelas au sol étaient déplorés et l’encellulement individuel était partout impossible.

Cette suroccupation aggravait l’indignité des conditions de détention – et de travail – induites par l’état de délabrement avancé, la vétusté et l’exiguïté des locaux, notamment les bâtiments A et le QMAF. Un projet de relocalisation, longtemps envisagée, a été abandonné fin 2018 au profit de lourds travaux de réhabilitation. L’installation de douches en cellules et la rénovation de celles-ci étaient en cours au bâtiment B au moment de la visite ; elles ne seront pas achevées avant mi-2026 pour le bâtiment A. La restructuration devrait ensuite porter sur la destruction-reconstruction du « petit quartier », l’extension du secteur socio-culturel, la création d’un nouveau bâtiment pour les services administratifs et la restructuration de l’actuel pour accueillir notamment des salles d’enseignement scolaire, l’extension des bureaux du SPIP dans le bâtiment du QSL, la réfection de la porte d’entrée principale, etc. Les arbitrages sont en cours pour cette phase qui devrait s’étaler sur plus de 10 ans.

Ces conditions indignes sont accentuées par l’état de saleté indescriptible des cours et abords du grand quartier. Certains locaux de douches collectives et le quartier disciplinaire sont également particulièrement sales.

Au-delà de la structure immobilière inadaptée et de la suroccupation, la prise en charge des personnes détenues, en régime de portes fermées, est affectée par une communication déficiente au sein de la détention et vis-à-vis de la population pénale, des mouvements fréquemment bloqués, des délais de livraison des cantines trop longs, des restrictions sanitaires persistantes injustifiées au niveau des parloirs, un traitement non organisé et aléatoire des requêtes, et une offre d’activités sportives et de travail insuffisante pour tous et notamment pour les femmes.

Les contrôleurs ont, en outre, déploré le nombre et le cadre juridique illégal des fouilles à nue et des atteintes à la dignité et au secret médical lors des extractions médicales.

En revanche, la continuité de l’enseignement proposé, l’offre de soins et la politique dynamique en matière d’exécution et d’aménagement de peine sont apparues comme des éléments positifs.

Les conditions de prise en charge au sein du quartier de semi-liberté, globalement favorables à la réinsertion sociale et la préparation à la sortie des condamnés, souffrent toutefois d’une amplitude horaire d’accès inadaptée aux exigences d’une vie professionnelle.

Enfin, un climat de violences entre personnes détenues et de tensions vis-à-vis du personnel a été fortement ressenti durant la visite et confirmé par les nombreux témoignages recueillis. Si des mesures ont été engagées, notamment la création d’un étage « vulnérable » au sein du QMAH, elles ne suffisaient pas pour endiguer ce phénomène aggravé par la suroccupation et la conception des locaux qui limitent les possibilités de gestion de la détention. La persistance de cette violence se confirmait par les témoignages transmis au CGLPL après la visite et les incidents graves survenus en fin d’année 2022 (dont l’homicide d’une personne par son codétenu au quartier de semi-liberté).

L’absence de prise en compte des recommandations issues des visites précédentes, voire la dégradation constatée de la situation, ne manquent pas d’inquiéter quant à l’évolution des conditions de détention dans cet établissement qui relèvent des critères de l’indignité au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Le plan de rénovation des cellules ne peut être qu’un élément positif, malgré sa durée de réalisation excessivement longue et les nuisances générées en site occupé. Il ne saurait toutefois suffire s’il n’est pas accompagné d’une réduction drastique du taux d’occupation au QMAH et d’une politique volontariste de la direction de l’établissement pour actionner les leviers dont elle dispose pour améliorer la prise en charge. La teneur des réponses apportées par le directeur du CPSE au rapport provisoire ne manque pas d’inquiéter sur ce dernier point, ne laissant transparaître aucune volonté de prendre en compte les recommandations émises.

[1] CGLPL, Rapport de la 1ère visite du centre pénitentiaire de Saint-Etienne, juin 2012 (en ligne).

[2] CGLPL, Rapport de la 2e visite du centre pénitentiaire de Saint-Etienne, fév. 2019 (en ligne).