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Rapport de la deuxième visite de l’établissement public de santé de Ville-Evrard – Site de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis)

Rapport de deuxième visite de l’établissement public de santé de Ville-Evrard – site de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Une équipe du CGLPL, constituée de huit contrôleurs, a effectué une deuxième visite du site historique de Neuilly-sur-Marne de l’établissement public de santé séquano-dionysien de Ville-Evrard (EPSVE), de ses antennes d’urgences psychiatriques au sein des services des urgences des centres hospitaliers Avicenne à Bobigny et Delafontaine à Saint-Denis, et de l’unité pour adolescents de Montreuil, du 3 au 14 octobre 2022. La première visite, ancienne, date du mois de décembre 2011. Un rapport provisoire a été adressé par courrier le 16 mars 2023 à la cheffe de l’établissement, au préfet de la Seine-Saint-Denis, à l’agence régionale de santé Ile-de-France, au président et au procureur de la République du TJ de Bobigny pour une période contradictoire de quatre semaines. Le président du TJ et la cheffe d’établissement ont fait valoir des observations par courrier, les 17 et 19 avril respectivement, qui ont été prises en compte et intégrées, dans une police de couleur distincte.

Le site historique est accessible en voiture, ou en bus depuis la gare de RER A de Neuilly-Plaisance, par un trajet d’une durée de 16 min. Ses bâtiments, ouverts en 1868 et inaugurés en 1875, présentent une architecture pavillonnaire et sont situés dans un vaste parc arboré, de part et d’autre d’un axe central. L’EPSVE comprend par ailleurs les trois sites relocalisés d’Aubervilliers, Bondy et Saint-Denis, qui font l’objet de visites et de rapports distincts. Il est doté d’une capacité totale de 423 lits, destinés à la prise en charge de l’ensemble des pathologies psychiatriques de personnes réparties dans trente-trois des quarante communes du département, soit 75 % de la population séquano-dionysienne, excepté celles des trois secteurs rattachés au centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d’Aulnay-sous-Bois. La population desservie par l’établissement se distingue notamment par sa diversité, sa densité et sa pauvreté monétaire.

Le projet de restructuration complète du site historique de Neuilly-sur-Marne de l’EPSVE, prévu entre 2023 et 2030, comprend une amélioration de la qualité de l’hébergement et de l’accès aux soins, mais pourrait répondre insuffisamment aux enjeux, en l’absence, d’une part, d’un recrutement adéquat pour le fonctionnement des unités de soins et, d’autre part, du développement d’une prise en charge spécifique des patients hospitalisés au long cours et de solutions d’aval efficaces pour favoriser leur sortie.

Dans l’attente de la réalisation de ce projet, les constats du CGLPL démontrent que demeurent des atteintes spécifiques aux droits fondamentaux des patients hospitalisés en soins sans consentement sur le site historique, dans un contexte de tension capacitaire continue.

L’insuffisance de la dotation populationnelle en lits et les difficultés de recrutement du personnel médical comme paramédical ne permettent pas à l’établissement l’exercice serein de ses missions et un accès adapté des patients aux soins, et ce malgré une utilisation du budget qui les priorise. L’indignité des conditions de leur attente dans les services départementaux d’accueil des urgences est inacceptable. La prise en compte de l’adéquation des ressources nécessaires à la réalité des patients hospitalisés au long cours, et la création de partenariats efficaces avec les structures d’aval impliquées dans le processus de leur sortie, restent également un enjeu. Enfin, l’hospitalisation de mineurs dans les unités pour adultes, sans spécificité de prise en charge, requiert des solutions organisationnelles pour y mettre un terme.

Les patients subissent des conditions d’hébergement inappropriées dans des locaux vétustes, dégradés et insuffisamment entretenus. La limitation de leur liberté d’aller et venir dans des unités toutes fermées sauf une est marquée, malgré des restrictions mesurées et individualisées dans la vie quotidienne. Les patients concernés ont insuffisamment accès aux prises en charge pertinentes relatives à leur réhabilitation psychosociale. Le processus d’alliance thérapeutique et la prévention de la ré-hospitalisation en soins sans consentement nécessitent le développement de l’utilisation des directives anticipées et la généralisation de l’implication des médiateurs de santé pairs. La désignation de la personne de confiance n’est que très peu suivie de son association au projet de soin.

L’évolution des pratiques d’isolement et de contention, et leur traçabilité, sont insuffisamment inscrites dans le cadre de l’évolution des dispositions législatives, au motif notamment du défaut d’une formation adaptée, régulièrement dispensée et destinée à l’ensemble du personnel soignant.

L’existence de chambres d’isolement nombreuses et indignes et l’absence de salons d’apaisement reflètent la mise en œuvre d’une politique faible d’alternatives à ces pratiques.

Le défaut d’un professionnel responsable du département d’information médicale requiert un recrutement urgent, s’agissant notamment d’un recueil pertinent et statistiquement exploitable des données concernant l’activité liée aux soins sans consentement et aux pratiques d’isolement et de contention.

L’information des patients est lacunaire, s’agissant des modalités d’hospitalisation en soins sans consentement et de leurs voies de recours, recours notamment impossible auprès de la commission départementale des soins psychiatriques, inexistante. Le renseignement du registre de la loi ne respecte pas les dispositions légales.

Toutefois, la qualité du dialogue entre l’administration et les soignants, également impliqués dans leurs missions respectives, favorise avec pertinence la qualité des soins psychiatriques dispensés, malgré des contraintes permanentes d’effectifs et de disponibilité des lits. Le pôle de soins somatiques assure une réponse adaptée aux besoins et le comité « SIDA sexualité prévention » garantit une prise en compte de la santé sexuelle rarement observée.

Le CGLPL encourage l’ensemble des équipes soignantes à poursuivre leurs indéniables efforts mis en œuvre pour soutenir cette qualité des soins, ainsi que l’établissement dans l’adaptation de son projet de restructuration, vers une logique d’amélioration des parcours de soins, individualisés et respectueux des droits fondamentaux des patients.