Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Recommandations en urgence relatives au centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy (Yvelines)

© CGLPL

16 décembre 2022

 

Au Journal officiel du 16 décembre 2022 et en application de la procédure d’urgence, la Contrôleure générale a publié des recommandations relatives au centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy (Yvelines).

L’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 permet au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lorsqu’il constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de saisir sans délai les autorités compétentes de ses observations en leur demandant d’y répondre.

Le ministre de la justice a apporté ses observations en réponse, également publiées au Journal officiel.

 

Lire les recommandations du CGLPL accompagnées des observations du ministre de la justice

Voir des photographies de la visite

La troisième visite du centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy, réalisée du 7 au 16 septembre 2022 par la Contrôleure générale et six contrôleurs, a donné lieu au constat de conditions de détention indignes qui ne permettent de garantir ni la sécurité des personnes écrouées, ni celle des personnes qui travaillent au centre pénitentiaire.

Une surpopulation endémique

Le quartier maison d’arrêt du centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy hébergeait au premier jour du contrôle 833 personnes, pour 503 cellules individuelles et 19 cellules doubles (165% d’occupation). 466 détenus étaient hébergés à deux dans des cellules individuelles et 201 détenus à trois.

La durée des peines mises en œuvre au centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy est courte : 37% des condamnés effectuent des peines inférieures à 6 mois, 44% effectuent des peines dont la durée est comprise entre 6 mois et un an. Cette situation perdure en dépit d’une information régulière des magistrats par l’administration pénitentiaire de la surpopulation.

Des conditions de détention attentatoires à la dignité

Les détenus ne disposent pas d’un espace suffisant en cellule. Après retrait de l’emprise au sol du mobilier, l’espace personnel est de 2,92 m2 dans les cellules simples hébergeant deux détenus et d’1,4 m2 dans celles hébergeant trois détenus.

Le système électrique de l’établissement ne permet pas d’équiper les cellules d’un réfrigérateur ou de plaques chauffantes. Pour conserver leurs aliments au frais ou chauffer leurs repas, les détenus ont recours à divers expédients : d’onéreuses glacières de camping dont l’efficacité est aléatoire, des dispositifs de « chauffes » bricolés à l‘aide de cannettes, de tubes de sauce tomate et de mouchoirs imbibés d’huile auxquels on met feu. Ces pratiques entraînent fumées et coupures régulières du courant ; source de risque important d’incendie, elles mettent en cause la sécurité des détenus.

La cuisine est insalubre : murs et revêtement en carrelage brisé, peinture écaillée, moisissures et local poubelle non ventilé source d’odeurs pestilentielles. Elle compromet la sécurité sanitaire des détenus.

De nombreuses atteintes aux droits fondamentaux

Aux conditions d’hébergement dégradées s’ajoute le désœuvrement de la population carcérale : à part deux heures de promenade par jour, la plupart des détenus passent l’essentiel de la journée en cellule. L’offre de travail ne bénéficie qu’à 220 détenus (un peu plus du quart de l’effectif). L’offre d’activités n’est pas inexistante en théorie mais la population détenue en ignore la quasi-totalité, faute d’en être informée.

Les difficultés d’organisation entravent l’accès aux soins. L’absence de surveillants freine voire paralyse l’organisation des mouvements et jusqu’à 40% des rendez-vous médicaux ne sont pas honorés.

La surpopulation entraîne également une réduction de la durée des parloirs à trente minutes. Les parloirs doubles ne sont plus autorisés.

Un personnel pénitentiaire désorienté

De nombreuses coursives sont vides de surveillant jusqu’à plusieurs heures par jour, ce qui entraîne un risque grave pour la sécurité des détenus, livrés à eux-mêmes. L’absence de surveillants ralentit les mouvements, ce qui est source de tension parmi les détenus. Cette carence résulte d’un cumul de facteurs, dont une situation de sous-effectif, un absentéisme notable et un nombre important de congés bonifiés. Ce sous-effectif est aggravé par d’importantes carences d’organisation.

Le personnel a fait état de son désarroi face à cette situation et les contrôleurs ont été confrontés à l’expression d’une souffrance au travail de nombreux fonctionnaires.

Une gestion sécuritaire attentatoire aux droits

Les détenus sont soumis à de nombreuses mesures de contrôle et de contrainte. 88% d’entre eux font l’objet de niveaux d’escorte avec systématisation des moyens de contraintes et sont donc toujours menottés ou entravés lors des extractions (y compris pour des détenus de plus de 70 ans ou ayant bénéficié de permissions de sortie). Les escortes assistent systématiquement aux consultations et examens médicaux à l’hôpital.

Les fouilles intégrales, nombreuses, sont régulièrement mises en œuvre dans des lieux inadaptés (douches, salles d’activité), faute de salles dédiées en détention ordinaire.

La gestion des incidents donne lieu à des pratiques infra-disciplinaires. Au moment du contrôle, plus de 1 300 comptes-rendus d’incidents étaient « en attente » depuis deux ans. Des comptes-rendus d’incidents prescrits motivent régulièrement des refus de classement ou sont mentionnés dans des avis de l’administration pénitentiaire destinés aux juges d’application des peines. Ainsi, des comptes-rendus d’incidents non établis, fautes d’avoir fait l’objet d’une enquête et d’une décision de la commission disciplinaire, sont susceptibles d’entraîner des refus de classements aux activités ou des rejets de réductions de peine.

 

Au regard des atteintes aux droits fondamentaux des détenus du centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy, le CGLPL a formulé les recommandations suivantes :

  • garantir aux détenus le respect de leur santé et de leur intégrité physique ; à cette fin, diligenter l’inspection des services vétérinaires et une visite de la commission départementale de sécurité incendie ;
  • suspendre les incarcérations jusqu’à ce qu’une inspection générale de la justice confirme que la sécurité des détenus est assurée et que leurs conditions de travail permettent aux surveillants d’assurer l’ensemble de leurs missions ;
  • garantir aux détenus l’accès, dans leur cellule, à une plaque chauffante, un réfrigérateur et à l’eau chaude ainsi qu’à une douche quotidienne.