Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la troisième visite du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses (Haute-Garonne)

Le CGLPL a réalisé une deuxième visite du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses (Haute-Garonne) du 31 mai au 11 juin 2021. Au regard des constats effectués sur place, la Contrôleure générale avait considéré établie une violation grave des droits fondamentaux des personnes incarcérées et publié au Journal Officiel du 13 juillet 2021 des recommandations en urgence, sans attendre la finalisation du rapport de visite, conformément à l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007.

Rapport de la troisième visite du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses (Haute-Garonne)

Observations du ministère de la justice – CP de Toulouse-Seysses (3e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations.

 

Synthèse

La troisième visite du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses, réalisée par dix contrôleurs du 31 mai au 11 juin 2021, a donné lieu au constat d’un nombre important de dysfonctionnements graves. Les recommandations formulées lors de la visite de 2017 n’ont pas été prises en compte et la situation ne cesse de se dégrader au point que le CGLPL a formulé des recommandations en urgence publiées au Journal officiel le 13 juillet 2021 : le centre pénitentiaire de Toulouse- Seysses doit faire l’objet, d’une part, de mesures urgentes concernant la surpopulation pénale, la rénovation des cellules, la désinfection, l’accès aux soins somatiques et d’autre part, d’une reprise en mains du fonctionnement de l’établissement, notamment afin de faire cesser le climat de violence ainsi que de garantir au personnel des conditions normales d’exercice de sa mission et aux détenus le respect de leur dignité, de leur intégrité physique et de leurs droits fondamentaux. Il est demandé aux ministres de la justice et de la santé de faire procéder à une inspection approfondie de l’établissement et d’informer le CGLPL de ses conclusions ainsi que du suivi du plan d’action qui en découlera.

Faisant suite aux recommandations en urgence, le garde des sceaux, ministre de la justice et le ministre des solidarités et de la santé ont communiqué des observations qui sont intégrées au présent rapport et ont été publiées en accompagnement des recommandations en urgence.

Le rapport provisoire a été adressé à la directrice du centre pénitentiaire, au président et au procureur de la République du tribunal judiciaire de Toulouse, au directeur général du centre hospitalier Gérard Marchant, au directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse et au directeur général de l’agence régionale de santé Occitanie. Les observations du 10 novembre 2021 du directeur et chef de pôle du centre hospitalier Gérard Marchant ont été intégrées au présent rapport.

Mis en service en 2003, le centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses comprend dans la zone extra-muros un quartier pour courtes peines (QCP) et un quartier de semi-liberté (QSL). Il comporte intra-muros un quartier maison d’arrêt des hommes avec un quartier pour vulnérables (QV) et une unité pour détenus violents (UDV), un quartier maison d’arrêt des femmes, et lui sont rattachés l’unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI), l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) et le pôle de gestion des personnes placées en détention à domicile sous surveillance électronique.

Le centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses souffre d’une surpopulation carcérale dramatiquement élevée : 186 % en maison d’arrêt des hommes, 145 % en maison d’arrêt des femmes. Au moment de la visite, 200 matelas sont posés à même le sol ce qui représente près du quart du nombre de matelas au sol pour l’ensemble des établissements pénitentiaires en France. Les personnes qui se trouvent à trois en cellule ne disposent chacune que d’1,28 m2 d’espace de vie, et de 2,70 m2 si elles sont deux. Cette situation est inacceptable.

La surpopulation pollue l’ensemble de la prise en charge des personnes détenues : processus arrivant dévoyé, entassement dans des cellules vétustes et sales, difficultés d’accès aux activités et aux soins dans des délais raisonnables, mouvements entravés voire annulés, absence d’accompagnement individualisé, affectation en cellule sans considération du profil de la personne. Les problèmes liés à la présence de nuisibles dans les cellules et cours de promenade sont en outre insuffisamment pris en charge et des mesures de dératisation et de désinsectisation d’une ampleur adaptée à la situation, avec obligation de résultat, devraient être mises en œuvre.

Les détenus entrent et sortent de détention à un rythme soutenu et restent en moyenne 4,5 mois en détention, rendant leur incarcération au mieux inutile, au pire, nocive : perte de travail ou de formation, de logement, rupture de soins ou d’accompagnement. La maison d’arrêt regorge de courtes peines d’emprisonnement et la pénalisation des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière aggrave encore la situation.

L’autorité judiciaire ne prend pas en considération l’état de surpopulation et ne semble pas mesurer l’indignité des conditions de détention. Les magistrats ne se rendent pas en détention, ne rencontrent quasiment plus les détenus. Les instances de contrôle comme le conseil d’évaluation n’ont plus été réunies depuis 2018.

Le lien avec les familles est illégalement restreint s’agissant de certaines catégories de personnes ; l’ensemble des détenus et leurs proches sont abusivement soumis à un régime de parloir hygiaphone.

L’établissement est en manque chronique de personnel de surveillance et le traitement des demandes des personnes détenues n’est pas assuré.

La violence règne au sein de l’établissement, ce que tout le monde sait. Les violences entre détenus sont fréquentes et banalisées. Un membre de l’encadrement a confié aux contrôleurs craindre qu’un drame ne survienne. La quasi-totalité des détenus fait état de la violence verbale du personnel de surveillance et des gradés, de brimades, parfois de violences physiques. Les contrôleurs ont d’ailleurs saisi le procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.

Les soins somatiques fonctionnent de manière archaïque et ne bénéficient pas du soutien logistique du CHU de Toulouse. Les échecs des extractions médicales découragent les patients mais aussi les praticiens hospitaliers qui restreignent considérablement leurs déplacements et consultations.

L’ambiance générale est délétère, marquée par les dissensions entre les professionnels de la direction et ceux du SPIP. Ainsi, aucun projet n’est travaillé en commun. La direction de l’établissement est absente de la détention où elle ne délivre plus de directive claire, n’effectue pas suffisamment de contrôles, d’entretiens avec les détenus, de cadrage du personnel intermédiaire et de surveillance. Chacun édicte ses propres règles et des dysfonctionnements massifs s’installent.