Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite de l’établissement public de santé mentale de l’agglomération lilloise à Saint-André-Lez-Lille (Nord)

Rapport de visite de l’établissement public de santé mentale de l’agglomération lilloise (Nord)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Suivi des recommandations à 3 ans – Etablissement public de santé mentale de l’agglomération lilloise

 

Synthèse

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), sept contrôleurs ont visité l’établissement public de santé mentale de l’agglomération lilloise entre le 2 et le 12 décembre 2019.

Un rapport provisoire a été adressé à la direction de l’établissement, au directeur de la délégation territoriale de l’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France, au président du tribunal judiciaire de Lille ainsi qu’au directeur de cabinet du préfet du Nord. Les observations formulées par la direction de l’établissement et par la procureure du tribunal judiciaire de Lille ont été prises en considération pour la rédaction du présent rapport. Il convient de préciser que l’établissement a d’ores et déjà tenu compte d’une partie des recommandations émises par le CGLPL. Ainsi, des mesures visant à améliorer notamment les modalités de connaissance et d’exercice des droits des patients ont été mises en place. Elles sont mentionnées dans le rapport.

L’établissement public de santé mentale de l’agglomération lilloise (EPSM-AL) intervient sur le ressort de l’arrondissement de Lille, soit une population d’environ 540 000 habitants. Il regroupe huit secteurs de psychiatrie générale et trois secteurs de psychiatrie infanto juvénile. Il fait partie d’un groupement hospitalier territorial (GHT) destiné à la psychiatrie.

L’EPSM-AL est réparti géographiquement sur deux sites distincts : la clinique de psychiatrie de Lille située à Saint-André-Lez-Lille, site principal (également dénommé site Lommelet ou pôle lillois) et l’hôpital Bonnafé implanté en plein cœur de la ville de Roubaix. Il est organisé en pôles, chacun correspondant à un secteur, qui disposent de moyens identiques bien que la population desservie soit inégale. L’établissement pâtit de l’absence d’une politique coordonnée, qui se traduit notamment par des approches médicales et des fonctionnement différents au sein des deux sites, pouvant nuire à la prise en charge des patients et induire des inégalités de traitement. La communauté médicale envisage une reconfiguration polaire qui sera déclinée dans le futur projet d’établissement en cours de réflexion lors de la visite du CGLPL.

La structure compte donc au total 332 places d’hospitalisation à temps complet, quarante places en maison d’accueil spécialisée ainsi que des structures ambulatoires. L’EPSM-AL comprend également une clinique pour adolescents, récemment reconstruite, accueillant des mineurs âgés de 12 à 16 ans. Les mineurs âgés de plus de 16 ans sont, dans leur majorité, pris en charge dans les unités d’hospitalisation pour adultes. Cette population fait l’objet d’une attention particulière de la part des soignants. Il n’en demeure pas moins que le nombre de mesures d’isolement ─ 118 en 2018 ─ est élevée et doit conduire la communauté médicale à s’interroger. Le CGLPL rappelle que l’isolement d’un adolescent ou d’un enfant doit être évité par tout moyen.

L’établissement a développé un dispositif extra hospitalier important afin de proposer aux patients des alternatives à l’hospitalisation. A cet égard, la file active des patients en soins sans consentement est suivie, dans sa majorité, en milieu extra hospitalier. Il convient également de souligner la mise en place de projets novateurs au travers d’un dispositif intersectoriel étoffé. En témoigne le centre psychiatrique d’accueil et d’admission (CPAA), adossé au service d’accueil des urgences de l’hôpital Saint-Vincent de Lille. Il joue un rôle essentiel en limitant les admissions en soins sans consentement au cours de la période d’observation durant laquelle l’adhésion aux soins est recherchée. Ainsi donc, 60% des admissions en soins sans consentement sont levées dans les 72 heures qui suivent la procédure d’admission.

De même, les soins prodigués dans les unités visent à limiter la durée d’hospitalisation des patients admis en soins sans consentement. Les patients bénéficient d’un suivi médical régulier grâce à la présence quotidienne des médecins et les familles sont associées à la prise en charge. Des sorties de courte durée sont accordées dans les plus brefs délais, y compris pour les personnes admises sur décision du représentant de l’Etat. Enfin, les unités sont étroitement articulées avec les structures extra hospitalières et des solutions de réinsertion pour les patients chroniques sont identifiées.

La communauté médicale a engagé une réflexion institutionnelle sur de nombreux thèmes en vue d’améliorer la prise en charge et le suivi des patients mais certaines pratiques, relevées par le CGLPL, contreviennent à la philosophie humaniste des soins prônée au sein de cet établissement.

Ainsi donc, la liberté d’aller et venir est très limitée en raison de préoccupations sécuritaires qui priment sur le droit à la liberté de circulation des patients. Au moment de la visite, toutes les unités d’hospitalisation étaient fermées. Le CGLPL rappelle qu’aucune disposition législative n’impose l’enfermement pour les patients admis en soins sans consentement. La liberté d’aller et venir à l’intérieur de l’établissement devant être la règle. En outre, les patients admis en soins libres ne peuvent être hébergés dans des unités fermées. La direction a, depuis la visite, engagé une réflexion et des expérimentations ont été initiées dans certaines unités. Cependant elles n’ont pas encore donné lieu, jusqu’à présent, à l’ouverture définitive des unités.

Enfin, dans le cas d’indisponibilité d’une chambre d’isolement, un protocole élaboré par la communauté médicale prévoit le recours à l’isolement associé à une mesure de contention systématique en chambre ordinaire. Depuis la visite du CGLPL, l’établissement s’est engagé à mettre fin à cette pratique attentatoire aux droits fondamentaux. Il n’en demeure pas moins que le nombre de mesures d’isolement pratiquées dans un espace spécifique est élevé et doit interpeler l’ensemble des professionnels de santé.