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Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Lille-Loos-Séquedin (Nord)

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Lille-Loos-Séquedin (Nord)

Observations du ministère de la justice – centre pénitentiaire de Lille Sequedin (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

Synthèse

Dix contrôleurs ont effectué un contrôle inopiné du centre pénitentiaire de Lille-Loos-Sequedin (Nord), du 1er au 5 et du 8 au 10 février 2021. L’établissement avait fait l’objet d’une précédente visite en mars 2010.

Un rapport provisoire a été adressé, le 4 juin 2021, au directeur du centre pénitentiaire, au président du tribunal judiciaire de Lille, à la procureure de la République près le même tribunal, au directeur général du centre hospitalier universitaire de Lille et à l’agence régionale de santé des Hauts-de-France. Le centre hospitalier et la procureure de la République ont fait part de leurs observations par courriers en date du 25 juin 2021 ; le président du TJ, le 21 juillet 2021 ; et la directrice par intérim du centre pénitentiaire, le 23 juillet 2021.

Construit dans le cadre du « programme 4 000 », le site de Sequedin a été mis en service en tant que maison d’arrêt rattachée au centre pénitentiaire de Lille-Loos en avril 2005. Il a connu plusieurs évolutions, notamment un quartier pour mineurs jusqu’à l’ouverture, en 2007, de l’établissement pour mineurs de Quiévrechain (Pas-de-Calais) puis un quartier maison centrale, aujourd’hui disparus. Par ailleurs, le site de Loos a fermé en 2011 tout en continuant à être administrativement rattaché au centre pénitentiaire, dont le centre névralgique s’est, de facto, déplacé à Sequedin.

L’établissement, comprenait au moment du contrôle : un quartier maison d’arrêt des hommes composé de deux bâtiments et incluant un quartier « arrivants » ; un quartier maison d’arrêt des femmes ; un quartier « d’évaluation et de prise en charge » regroupant deux unités : une unité pour détenus violents et un centre national d’évaluation ; un quartier disciplinaire et un quartier d’isolement. Un quartier « spécifique » venait d’être créé au moment du contrôle. Sa vocation était encore à définir entre secteur pour « vulnérables » et secteur d’isolement non avoué, voire zone de confinement sanitaire.

Hors les murs, le centre pénitentiaire comprend également un quartier de semi-liberté, une unité hospitalière spécialement aménagée et une unité hospitalière sécurisée interrégionale. Ces structures déconcentrées, ainsi que le centre national d’évaluation, ne faisaient pas partie du champ du présent contrôle.

En gestion déléguée (prestataire GEPSA), l’établissement dispose des moyens pour fonctionner correctement et est en très bon état général, à l’exception notable de nombreuses cellules de la maison d’arrêt des hommes dont la décrépitude contraste avec le reste des bâtiments.

Il bénéficie également d’un personnel à même de faire face aux missions, en nombre comme en expérience.

L’établissement souffre d’une suroccupation chronique de son quartier maison d’arrêt pour hommes que ni les mesures « Covid » ni les dispositifs de régulation tentés localement ne parviennent à endiguer. Le flou entretenu sur la capacité d’accueil – en cours de redéfinition du fait des modifications de structures – ne contribue pas à mesurer avec précision le taux d’occupation réel, au demeurant très variable selon les quartiers. Au moment du contrôle, le taux d’occupation de la maison d’arrêt pour femmes était d’environ 61 % (91 femmes accueillies pour 148 places), alors que celui de la maison d’arrêt pour hommes approchait les 148 % (615 détenus pour 417 places opérationnelles). Chez les hommes, l’encellulement double est de rigueur et les matelas au sol sont fréquents.

L’ambiance en détention est apparue comme faussement calme avec de récurrentes allégations de violences – entre détenus principalement mais avec, parfois, la complicité passive de surveillants – passées sous silence. L’absence totale d’activités, suspendues par mesures sanitaires, ne contribue pas à détendre le climat, compliqué par les dissensions interpersonnelles au sein de l’équipe de direction et de la chaîne de commandement.

Le régime de détention est en « portes fermées » mais un régime de « respect », étrangement suspendu pour raison sanitaire au moment de la visite, est mis en place chez les femmes en temps normal.

La prise en charge des personnes détenues est globalement satisfaisante lors de leur arrivée. Il en est de même des prestations hôtelières durant leur séjour.

Les détenus peuvent accéder à leurs droits civiques et sociaux dans de bonnes conditions. Le maintien des liens familiaux et les relations avec l’extérieur sont pénalisés par les mesures sanitaires et, de façon plus chronique, par l’absence d’unité de vie familiale ou de salons familiaux. L’établissement a engagé une réforme de l’organisation du circuit du courrier qui ne permettait pas de garantir la confidentialité des correspondances. De même pour l’enregistrement des requêtes.

Si les possibilités de travail et de formation professionnelle – comme d’enseignement – sont satisfaisantes, la rémunération des détenus n’est pas conforme sur certains postes.

L’offre de santé est remarquable mais l’accès aux soins est contrarié par l’organisation des mouvements. Le passage à la promenade quotidienne unique, qui a été mise en œuvre durant le contrôle, est présenté par la direction comme de nature à fluidifier les mouvements et faciliter ainsi l’accès aux soins et aux activités. Les bénéfices de cette nouvelle organisation, qui réduit les possibilités de promenade des détenus notamment pour les travailleurs, mériteront d’être réévalués.

Si l’action disciplinaire est apparue comme maîtrisée, dans un contexte où peu d’incidents graves sont recensés, l’utilisation des moyens de contrainte dans l’établissement (fouilles, mise en prévention au quartier disciplinaire) et lors des extractions, n’est pas toujours proportionnée aux risques et au profil de la personne détenue.

L’hyper sécurisation de l’unité pour détenus violents nuit à la prise en charge des détenus, peu nombreux et mal sélectionnés. Son rattachement au quartier regroupant également le centre national d’évaluation vise à développer des interactions susceptibles de donner davantage de contenu à la prise en charge, pour l’instant peu consistant. Ce dispositif national mériterait de faire l’objet d’une évaluation globale.

Les éléments fournis par la nouvelle direction – le chef d’établissement étant parti en retraite et son adjoint ayant été muté quelques mois après la visite – ont permis de considérer que près de la moitié des recommandations figurant dans le rapport provisoire étaient prises en compte ou ne nécessitaient plus qu’un suivi au niveau local.