Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier Simone Veil de Cannes (Alpes-Maritimes)

Rapport de visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier Simone Veil de Cannes (Alpes-Maritimes)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la santé et de la justice auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, cinq contrôleurs ont effectué une visite du centre hospitalier Simone Veil de Cannes (département des Alpes-Maritimes) du 2 au 5 mai 2023.

L’établissement est intégré dans le groupement hospitalier du territoire (GHT) des Alpes-Maritimes qui est composé de cinq établissements : Nice, Antibes, Menton, Grasse et Cannes. En termes d’importance, c’est le deuxième après Nice. Il est constitué en huit pôles (dont celui de santé mentale) et assure une offre de soins complète pour un territoire de 160 600 habitants.

Le pôle de santé mentale (PSM) connaît une situation sinistrée en matière de ressources humaines qui a conduit l’établissement à fermer – entre autres – 18 lits et le centre d’accueil des urgences psychiatriques (CAUP). Il ne dispose plus par ailleurs d’unité d’hospitalisation complète de psychiatrie infanto-juvénile. Il n’y a pas de projet de pôle.

L’activité est soutenue mais sans suroccupation, un tiers des patients sont admis en soins sans consentement (SSC). Le pôle comprend une unité intersectorielle fermée dédiée aux patients en soins sans consentement de 12 lits et deux unités sectorisées de 23 lits recevant patients en soins libres et en SSC.

L’accueil au service des urgences est assuré par une équipe de liaison bien identifiée mais l’examen somatique n’est pas systématique pour les troubles identifiés comme relevant de la psychiatrie et la fermeture des huit lits du CAUP prive de toute observation longue avant une orientation.

L’architecture des locaux est adaptée à la psychiatrie, avec une majorité de chambres individuelles, propres, qui disposent d’une salle d’eau avec toilettes mais ne garantissent pas suffisamment l’intimité des patients. Les locaux de soins et espaces collectifs sont également adaptés et les trois unités disposent de patios extérieurs. En revanche, six chambres de l’unité intersectorielle, minuscules et dénuées d’équipement, ne doivent plus être considérées comme des chambres hôtelières jusqu’à leur restructuration.

Les soins psychiatriques sont assurés dans toutes les unités mais avec des inquiétudes dans un avenir proche. Il n’y a plus aucun somaticien, les consultations étant actuellement – mal – assurées par des médecins extérieurs au pôle. Le suivi en addictologie n’est pas accessible lors de l’hospitalisation, pas plus que des actions d’éducation thérapeutique. Un poste de psychologue est vacant (un par unité en principe). Les activités sont organisées au sein des unités sans intervention de professionnels spécialisés tels psychomotricien, ergothérapeute, art-thérapeute … Elles sont déployées dans une visée plus occupationnelle que thérapeutique. Les patients au long cours ne bénéficient pas d’actions de réhabilitation psycho-sociale.

La formation et l’accompagnement des nouveaux soignants est organisée mais la supervision trouve peu d’écho, le comité d’éthique ne se réunit plus et il n’est pas proposé d’analyse des pratiques. La complexité du droit des patients en SSC nécessiterait des formations plus poussées sur cette thématique pour pouvoir informer utilement les patients.

Les patients en soins libres subissent des restrictions à leur liberté d’aller et venir incompatibles avec leur statut. Une des deux unités sectorielles était fermée lors de la visite.

Ceux en soins sans consentement ne sont qu’incomplètement informés sur leurs droits et les outils de mise en œuvre de la recherche du consentement, tels les directives anticipées ou plans de prévention des crises en psychiatrie et les médiateurs pairs de santé ne sont pas mobilisés.

S’agissant des pratiques d’isolement et de contention, si elles font l’objet d’un questionnement réel au sein du pôle, elles ne sont pas tracées dans un outil fiable, et donc pas analysées au sein des unités ni au niveau du pôle. Les chambres dédiées à l’isolement (deux dans chacune des unités) sont loin de satisfaire aux exigences réglementaires minimales et nécessitent des travaux urgents (absence de bouton d’appel, d’horloge, accès à l’eau inexistant ou inadapté etc.). Les unités 2 et 3 destinent chacune une de leur chambre à l’apaisement, sans qu’aucun équipement adapté ne permette de satisfaire à cette fonction. Enfin il est pratiqué des isolements en chambre hôtelière, parfois pour des patients en soins libre dont il n’est pas permis de s’assurer du changement rapide de statut en l’absence d’outil fiable de traçabilité des mesures.

Le contrôle judiciaire, entravé en raison de ces défauts de traçabilité, s’exerce dans des conditions inadaptées, les patients étant conduits au tribunal de Grasse, avec un temps de trajet et d’attente dépassant quatre heures.

La commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) comme le préfet, le président et le procureur du tribunal judiciaire ou encore le maire n’ont procédé à aucun contrôle au cours des quatre dernières années au moins. En revanche les usagers, dont certaines associations plus particulièrement actives dans les soins de psychiatrie, sont bien intégrés dans la commission des usagers.

Faute d’unité d’hospitalisation en pédopsychiatrie, les jeunes patients sont admis en service de pédiatrie. Ceux dont l’état ne le permet pas, et les quelques patients mineurs en soins sans consentement, sont hospitalisés en unités pour adultes, sans prise en charge par une équipe spécialisée. Même si la situation est rare, ils peuvent être parfois isolés ou contenus, pour ceux en soins dit libres (sur décision des titulaires de l’autorité parentale) en toute illégalité et sans aucun contrôle extérieur.

Enfin l’établissement accueille quelques patients détenus chaque année. Ils sont le plus souvent placés à l’isolement à raison de leur seul statut, hors considération de leur état clinique. Le protocole passé entre l’hôpital et l’établissement pénitentiaire, révisé en 2021, qui organise le maintien de certains droits, tel celui de communiquer avec l’extérieur, n’est pas mis en œuvre.

Il convient de préciser qu’au moment de la visite, l’établissement avait plusieurs projets de nature à améliorer à court terme les prises en charge : travaux de rénovation des locaux et notamment des chambres d’isolement, aménagement d’une salle de sport et de chambres d’apaisement, recrutement d’un infirmier de pratique avancée, mise en œuvre d’un nouveau registre des mesures d’isolement et de contention et exploitation des données dans le cadre d’instances soignantes et institutionnelles etc. Le JLD a également indiqué envisager dans l’année de tenir ses audiences au sein de l’hôpital.

Un rapport provisoire a été adressé le 19 décembre 2023 au directeur du centre hospitalier, aux chefs de la juridiction judiciaire de Grasse, au préfet et à l’agence régionale de santé pour une période d’échange contradictoire d’un mois. Seuls le directeur et le président de la commission médicale ont fait valoir des observations communes en retour. Ils confirment qu’un certain nombre des recommandations figurent déjà dans le programme d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins (PAQSS) du pôle santé mentale, par exemple la réouverture de l’EMPP et du CAUP, les travaux d’aménagement de salles d’apaisement qui démarrent ce mois (janvier 2024) ou encore le projet d’humanisation des chambres d’isolement. D’autres recommandations portant sur les pratiques ont été discutées en équipe « dans l’optique d’une recherche d’un équilibre à trouver entre le respect des libertés et de la dignité du patient d’un côté et la sécurité des professionnels, s’agissant notamment des caméras dans certains espaces de soins ».