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Rapport de troisième visite du centre éducatif fermé de Sainte-Menehould (Marne)

Rapport de troisième visite du centre éducatif fermé de Sainte-Menehould (Marne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la justice auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Trois contrôleurs ont effectué une visite inopinée du centre éducatif fermé (CEF) de Sainte-Menehould du 12 au 15 juin 2023. L’établissement avait déjà été contrôlé par le CGLPL en octobre 2011 et en juin 2017.

Le CEF, ouvert en 2009, a une capacité d’accueil de douze garçons et filles âgés de 14 ans révolus jusqu’à 18 ans. Il s’agit d’un CEF habilité, géré par l’association la Sauvegarde 51. Cette association accompagne environ 800 à 900 mineurs et leurs familles en milieu ouvert et 200 pré-adolescents et adolescents en hébergement et activités de jour.

Le CEF est bien inséré dans le territoire de la commune, néanmoins celle-ci n’est plus desservie par le train mais uniquement par car (cinq par jour en provenance de Châlons-en-Champagne et cinq par jour en provenance de Verdun).

La situation n’a plus rien à voir avec celle décrite lors de la précédente visite. En effet, en 2017, son fonctionnement portait atteinte aux droits fondamentaux des mineurs : la prise en charge reposait sur des sanctions arbitraires, des atteintes au droit à l’intimité des mineurs et au droit à la confidentialité et à la sécurité lors de la distribution des médicaments ainsi que sur l’institutionnalisation de pratiques d’immobilisation et de contention. A la suite de ces constats, un courrier avait été adressé par la Contrôleure générale au ministre de la Justice, le 3 juillet 2017, demandant de procéder à une inspection de fonctionnement. L’inspection générale de la Justice a exercé son contrôle du 23 janvier au 13 février 2018 et a adressé son rapport au ministre en juin 2018. Ce dernier a confirmé que si des améliorations avaient eu lieu depuis la visite du CGLPL, des fonctionnements restaient critiquables, la sanction occupant toujours une place centrale avec un usage excessif des pratiques de contention. Il précisait par ailleurs qu’un nouveau directeur avait été nommé et un plan d’action établi intégrant les recommandations des deux contrôles. Un contrôle de fonctionnement de la direction interrégionale, programmé pour le premier trimestre 2019, a eu lieu comme prévu.

La visite de 2023 permet de caractériser une évolution très positive s’expliquant notamment par la nomination d’une nouvelle équipe de direction (directeur, directrice adjointe et un chef de service). Des outils pédagogiques ont été mis en place respectant les droits fondamentaux (projet d’établissement, livret d’accueil) et la politique de prise en charge est désormais en adéquation avec ce qui est prévu dans ces outils. Les contrôleurs ont néanmoins relevé que les sanctions appliquées ne sont pas toutes prévues dans le protocole des sanctions, ce qui constitue une pratique arbitraire. Il est à noter que le nombre d’incidents est faible.

L’établissement peine toujours à recruter des éducateurs formés (six éducateurs ne le sont pas) ce qui crée un point de fragilité, que l’établissement essaye de pallier en imposant à l’arrivée et au cours de l’exercice de nombreuses formations portant sur les missions éducatives.

Depuis 2018 et le rachat du bâti de l’établissement par l’association la Sauvegarde 51, les rénovations des chambres et des salles de bains ont permis d’augmenter le confort des mineurs et d’étendre les espaces collectifs : réalisation de deux ateliers puis création de la maison des familles, équipements favorisant l’insertion et le maintien des liens familiaux. Les parents restent néanmoins encore trop souvent insuffisamment impliqués dans le suivi de leur enfant durant son séjour au CEF. Un seul point a été relevé comme posant difficulté concernant les conditions de vie, s’agissant de l’hygiène et de la maintenance de la cuisine qui ne sont pas satisfaisantes.

La prise en charge du jeune est désormais respectueuse de ses droits, aucune fouille n’est pratiquée ni sur le mineur ni dans sa chambre. Il est écouté individuellement mais également collectivement lors de la réunion hebdomadaire entre jeunes et éducateurs. L’enseignement et l’insertion fonctionnent bien, les activités éducatives comme occupationnelles proposées sont nombreuses. Concernant les soins, le CEF ne dispose que d’un mi-temps d’infirmière ce qui est insuffisant et la confidentialité et la traçabilité des soins par les éducateurs n’est pas pleinement assurée.

Un rapport provisoire de visite a fait l’objet d’échanges contradictoires avec le directeur du CEF, le président de l’association et la Sauvegarde 51 gérant le CEF, la direction départementale de la sécurité publique de Reims (qui a indiqué ne pas être concernée en raison de la situation géographique du CEF situé dans le ressort de compétence de la Gendarmerie de la Marne), la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse de la Marne et des Ardennes, le groupement de gendarmerie de la Marne, le président et le procureur de la République du tribunal judiciaire de Châlons en Champagne.

Seuls le directeur du CEF et le président de l’association Sauvegarde 51 ont fait valoir des observations en retour, mentionnées dans le présent rapport. La qualité des réponses apportées et la prise en comptes de nombreuses recommandations démontrent l’implication de l’association et de la direction du CEF pour une prise en charge efficiente et respectueuse des droits des mineurs.