Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de troisième visite de la maison d’arrêt de Nevers (Nièvre)

Rapport de troisième visite de la maison d’arrêt de Nevers (Nièvre)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Cinq contrôleurs accompagnés d’une magistrate judiciaire en formation continue ont effectué une visite inopinée de la maison d’arrêt de Nevers du 5 au 9 juin 2023. Cet établissement avait été contrôlé une première fois en 2011 et une deuxième fois en 2016.

Cette maison d’arrêt de centre-ville, d’une capacité théorique de 118 places, a ouvert ses portes en 1857 et est construite selon un plan classique pour l’époque, en forme de croix sur trois niveaux avec une rotonde centrale. L’établissement accueille uniquement des hommes, les femmes et les mineurs sont incarcérés à Bourges. Le projet de le fermer définitivement en raison de sa vétusté, pour construire un centre pénitentiaire à Dijon regroupant les détenus des maisons d’arrêt de Côte-d’Or et de la Nièvre, annoncé en 2010, a été abandonné. En 2016, lors de la deuxième visite du CGLPL, la maison d’arrêt était en attente d’une complète restructuration et les contrôleurs avaient constaté que les conditions de détention étaient extrêmement dégradées. Depuis lors, des travaux d’ampleur ont été réalisés, certains étant encore en cours ou programmés au moment de cette troisième visite du CGLPL.

L’établissement compte un quartier de semi-liberté d’une capacité théorique de six places, un quartier maison d’arrêt d’une capacité théorique de 112 places ainsi que deux cellules disciplinaires et autant de cellules d’isolement.

A la date du 5 juin 2023, 102 personnes étaient incarcérées dont 40 % étaient prévenues. Le taux d’occupation était par conséquent de 86,4 %. La maison d’arrêt n’a plus connu de situation de surpopulation depuis 2019 et sert même d’établissement de désencombrement, notamment pour les maisons d’arrêt de Tours, Blois et Orléans en acceptant des condamnés ayant moins de six mois de détention à purger et dépourvus de permis de visite. Au moment du contrôle, six détenus présentant ce profil étaient incarcérés à Nevers.

L’absence de surpopulation de cette maison d’arrêt, qui fait figure d’exception dans le paysage carcéral français, n’empêche pas que le droit à l’encellulement individuel est peu respecté.

Une mission de l’Inspection générale de la justice sur le fonctionnement de l’établissement venait de s’achever et son rapport attendu au mois de juillet 2023. De façon globale, les contrôleurs ont constaté que la prise en charge des personnes détenues est protocolisée, bienveillante et l’ensemble des équipes semblent avoir à cœur d’essayer de faire au mieux. L’ambiance en détention est apparue sereine. Pour autant, le taux d’absentéisme de 8,75 % parmi les surveillants en 2022 est un point d’alerte et de vigilance.

Depuis la précédente visite, les cellules du quartier maison d’arrêt ont été rénovées, sont propres et dépourvues de parasites. Elles disposent désormais d’eau chaude et les problèmes électriques constatés ont été résolus. Pour autant, il reste bien des points d’amélioration (par exemple : fenêtres en hauteur permettant peu de perspective visuelle vers l’extérieur et un éclairage naturel insuffisant, absence de cellule pour personne à mobilité réduite etc.).

Par ailleurs, les recommandations du CGLPL, formulées en 2016, relatives à l’aménagement du quartier de semi-liberté, sous-utilisé en raison des horaires, dégradé et sous équipé, ainsi que des cours de promenade, sont restées lettre morte.

Au moment du contrôle, plus aucun groupe de réflexion ouvert aux détenus n’est effectif et les programmes de prévention de la récidive sont inexistants. Les notes d’information affichées dans les coursives ainsi que le livret d’accueil, qui doit être actualisé, et le règlement intérieur sont uniquement en langue française.

Les personnes dépourvues de ressources sont bien identifiées et perçoivent en conséquence des aides financières et matérielles. Toutefois, les personnes de nationalité étrangère ne peuvent pas recevoir ou envoyer de l’argent par Western Union comme dans la plupart des maisons d’arrêt. Les contrôleurs n’ont pas constaté de pratiques disproportionnées dans la politique disciplinaire. En revanche, à chaque retour au quartier de semi-liberté (QSL), les semi-libres sont soumis à une fouille intégrale, sans qu’il soit fait recours à l’usage des moyens de détection ou à la fouille par palpation à titre préalable. Il en est de même pour les retours de permission et avant toute extraction.

Les moyens de contrainte ne sont pas individualisés lors des extractions : tous les détenus subissent le même niveau de contrainte, quel que soit leur niveau d’escorte. Les menottes ne sont d’ailleurs pas retirées lors des consultations médicales auxquelles les surveillants peuvent assister, contrevenant au respect du secret médical.

Comme en 2016, les conditions de réalisation du droit de visite sont à améliorer. L’attente avant l’entrée dans le bâtiment pâtit de l’absence d’un abri famille. En revanche, une fois entre les murs, l’accueil des familles, confié à des surveillants dédiés, est bienveillant. La salle des parloirs, inchangée depuis 2016, ne respecte pas l’intimité des personnes détenues et de leurs proches même si les contrôleurs ont pu constater que les visites s’y déroulaient dans une atmosphère sereine et sans un niveau sonore excessif.

L’un des axes majeurs d’amélioration est certainement le développement du travail en détention notamment par la recherche active de concessionnaires aux fins de réouvrir les ateliers. Les activités socioculturelles et sportives sont insuffisantes pour tromper l’ennui, malgré le recrutement d’un moniteur de sport.

L’accès aux soins somatiques et psychiatriques est globalement bon. Les contrôleurs ont constaté la forte implication des équipes médicales, la fluidité globale des relations avec les surveillants et l’administration, la plus-value du surveillant dédié à l’unité sanitaire, la réfection des locaux (peinture, mobilier) ainsi que la mise en place de quelques outils informatiques depuis 2016. Toutefois, les locaux de l’unité sanitaire – couloir de passage pour l’accès à de nombreuses activités, portes battantes – ne garantissent pas pleinement la confidentialité des soins. Il en est de même lors des extractions médicales du fait de la présence systématique de l’équipe de surveillance durant les consultations et les examens. Les dossiers des patients-détenus ne sont pas informatisés ce qui ne permet ni une sécurisation optimum des ordonnances ni un suivi fin du dossier médical du patient a fortiori en cas de transfert, ni un contrôle des prescriptions par le pharmacien de l’hôpital. Au moment du contrôle, les personnes détenues n’avaient plus accès à des soins dentaires ni à des soins d’addictologie. En 2022, 33 % des extractions médicales ont été annulées (35 % depuis le début de l’année 2023) avec la difficulté, si ce n’est l’impossibilité, de reprogrammer le rendez-vous avant la libération ou le transfert de l’intéressé qui, de fait, n’aura pas été soigné.

Un rapport provisoire de visite a été adressé, le 5 décembre 2023, au chef d’établissement de la MA, à la présidente du tribunal judicaire de Nevers et à la procureure de la République près ce tribunal, au directeur du centre hospitalier de l’agglomération de Nevers, à la directrice de l’établissement public de santé mentale de la Nièvre (centre hospitalier Pierre Lôo) et au directeur général de l’Agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté, les invitant à faire valoir leurs éventuelles observations en retour dans le délai d’un mois. Les observations du chef d’établissement et de la directrice du centre hospitalier Pierre Lôo sont intégrées au présent rapport définitif.