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Rapport de troisième visite de la maison centrale de Poissy (Yvelines)

Rapport de troisième visite de la maison centrale de Poissy (Yvelines)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Cinq contrôleurs et une stagiaire ont réalisé une visite inopinée de la maison centrale de Poissy (Yvelines) du 4 au 14 septembre 2023, laquelle avait fait l’objet de contrôles en 2009 et 2014.

La maison centrale de Poissy, située en centre-ville, a la capacité d’accueillir 240 détenus. Elle était occupée à 100 % le dernier jour du contrôle. Les effectifs sont globalement adaptés et les nouveaux professionnels sont accompagnés dans leur prise de poste.

L’architecture des lieux impose de traverser deux grandes cours de promenade afin de se rendre en détention et assister à des activités, ce qui favorise la communication et une forme d’autorégulation.

L’établissement compte de nombreux atouts que le présent rapport met en valeur au titre des bonnes pratiques.

Les activités culturelles et sportives sont diverses, adaptées aux besoins des personnes, en libre accès, en autonomie et avec des détenus référents à qui des responsabilités sont confiées. Les initiatives des détenus sont valorisées, ce qui créé une dynamique. L’expression collective s’adresse à tous les détenus. Le déploiement du numérique en détention permet aux détenus de formuler et suivre leurs demandes.

Les responsables du travail, de la formation et de la scolarité veillent à travailler de concert et à proposer un parcours cohérent. 80 % des détenus disposent d’une activité rémunérée.

L’établissement se distingue par une approche pédagogique de l’autorité. Les commissions de discipline, les audiences aléatoires organisées par les gradés ou encore les médiations sont l’occasion de rappeler les règles du vivre-ensemble et de faire le point sur la situation de la personne. Les fouilles sont individualisées, à deux exceptions près : la fouille intégrale systématique en sortie d’unité de vie familiale et des auxiliaires travaillant en dehors de la zone de détention.

Les instances de communication entre les professionnels et intervenants en détention sont opérationnelles. Elles permettent une excellente connaissance du public accueilli et de porter attention aux plus vulnérables. Le dispositif des codétenus de soutien est en place de manière adaptée. L’unité sanitaire en milieu pénitentiaire veille à développer des temps d’échange avec les patients. Si l’offre de soins somatiques est large, hormis en addictologie, les soins psychiatriques souffrent d’un manque de temps de psychiatre et de psychologue.

Alors que les dispositions légales s’appliquant aux personnes incarcérées en maison centrale entravent la progressivité d’un parcours d’exécution de peine et que les délais d’attente pour être transféré en établissement pour peine ou vers une antenne du centre national d’évaluation découragent les bonnes volontés, l’établissement et l’autorité judiciaire coopèrent, notamment afin d’organiser des autorisations de sortie sous escorte. Ces sorties accompagnées par différents professionnels permettent d’évaluer en temps réel les capacités de réadaptation des personnes détenues et de les soutenir dans leur autonomisation.

En revanche, la maison centrale de Poissy est en difficulté dans trois domaines. Le système de commande et de distribution des cantines ne fonctionne pas et génère la facturation de produits non livrés ainsi que des temps d’attente conséquents avec rupture de la chaîne du froid. Les repas sont de piètre qualité et de faible quantité depuis qu’ils sont assurés par la cuisine centrale de Fresnes. Un nouveau marché avec un prestataire local entre en vigueur le 2 octobre. Enfin, le bâtiment d’hébergement est tellement dégradé qu’il n’est plus possible de l’entretenir alors même que le nettoyage est réalisé et que le service de la maintenance se montre réactif. Les cellules de 8m2 ne disposent pas de douche et leur porte ouvre directement sur les WC. Sans système d’aération, il y fait chaud en été et l’humidité règne en hiver. Sauf quartier spécifique, aucune cellule n’est équipée d’un interphone. Dans les espaces collectifs, les sols des couloirs sont dégradés, des murs sont gondolés, des plafonds portent d’importantes traces de brûlé. Les douches collectives sont dans un état de dégradation avancé et d’une saleté repoussante. L’établissement ne compte toujours pas de salon famille et les parloirs ne permettent pas d’avoir un minimum d’intimité et de confidentialité.

Alors que la question de l’avenir de l’établissement était déjà posée lors du contrôle de 2014, il est temps que l’administration se positionne clairement et se donne les moyens d’une rénovation d’envergure. Il est également inadmissible que des détenus reçoivent l’information erronée que l’établissement est devenu un centre de détention ou qu’il est en passe de l’être, ce qui génère évidemment des frustrations lorsqu’ils constatent qu’ils sont soumis à un régime de maison centrale, qu’il s’agisse de leur détention ou des possibilités de demander des permissions de sortir ou aménagements de peine.

Si, à bien des égards, la maison centrale de Poissy est un modèle dans son organisation architecturale favorisant la rencontre humaine, un modèle dans les dispositifs institués qui offrent aux personnes détenues une possible mise en activité et un modèle en ce que les professionnels font équipe avec les détenus pour définir un parcours d’exécution de peine, il reste que l’administration centrale doit assurer un hébergement respectant la dignité des personnes détenues.

Les constats exposés lors de la réunion de restitution ont été accueillis de façon constructive.

Le rapport provisoire a été adressé le 21 novembre 2023 à l’établissement, aux autorités judiciaires du tribunal de Versailles, au bâtonnier du barreau de Versailles et à l’Agence régionale de santé Ile-de-France pour une période d’échange contradictoire d’un mois à l’issue de laquelle les observations de la directrice de la maison centrale et du bâtonnier de l’Ordre des avocats ont été intégrées.

L’établissement compte des professionnels mobilisés, communiquant aisément entre eux et soucieux de remplir leurs missions de service public.

Le CGLPL encourage les équipes de la maison centrale à poursuivre leur engagement et à réaliser les ajustements préconisés.