Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Perpignan (Pyrénées-Orientales)

Le CGLPL a réalisé une deuxième visite du centre pénitentiaire de Perpignan du 3 au 11 avril 2023. Au regard des constats effectués sur place, la Contrôleure générale avait considéré établie une violation grave des droits fondamentaux des personnes incarcérées et publié au Journal Officiel du 16 décembre 2022 des recommandations en urgence, sans attendre la finalisation du rapport de visite, conformément à l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007.

Rapport de deuxième visite du centre pénitentiaire de Perpignan (Pyrénées-Orientales)

Observations du ministère de la justice – Centre pénitentiaire de Perpignan (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

Synthèse

La Contrôleure générale et une équipe de neuf contrôleurs ont visité le centre pénitentiaire (CP) de Perpignan, situé dans le département des Pyrénées-Orientales (66), du 3 au 14 avril 2023. Cette mission constituait une deuxième visite, faisant suite à une première visite réalisée en 2014. Une équipe de quatre contrôleurs avait réalisé un contrôle uniquement de la maison d’arrêt du 6 au 10 mars 2023, dont les constats sont intégrés au présent rapport.

A l’issue de cette visite, la Contrôleure générale a adressé, le 6 juin 2023, au ministre de la justice et au ministre de la santé et de la prévention, des recommandations en urgence[2] portant sur, d’une part, l’indignité des conditions matérielles de détention en raison du manque d’hygiène et de salubrité des locaux et, d’autre part, sur les atteintes à l’intégrité physique et psychique des personnes détenues. Les recommandations en urgence, ainsi que la réponse du ministre de la justice datée du 4 juillet 2023, figurent en annexe du présent rapport.

Mis en service en 1987, le CP a une capacité théorique de 537 places, dont 131 places au quartier maison d’arrêt pour hommes (QMAH), 28 places au quartier maison d’arrêt pour femmes (QMAF), 11 places au quartier pour mineurs (QM), 333 places au quartier centre de détention (QCD), 24 places au quartier de semi-liberté (QSL) et 10 places au service médico-psychologique régional (SMPR) pour hommes.

La surpopulation affectant le CP est chronique au QMAH et au QMAF. Le 4 avril 2023, le QMAH hébergeait 315 personnes soit un taux d’occupation de 240 % et le QMAF hébergeait 50 personnes, soit un taux d’occupation de 179 %.

Au QMAH, 58 % des cellules sont occupées par trois personnes et 67 matelas étaient disposés au sol. Cette surpopulation laisse moins de 1m2 d’espace disponible par personne. A cela s’ajoutent des conditions matérielles fortement dégradées : les sols, murs et plafonds des cellules sont encrassés et abîmés, le mobilier manquant ou inutilisable. L’absence de cloisonnement des WC dans 60 % des cellules est attentatoire à la dignité. Le défaut de maintenance se matérialise non seulement dans l’état des cellules et des espaces de circulation mais également par le nombre considérable de demandes d’intervention formulées en vain par le personnel de surveillance.

L’hygiène et la salubrité ne sont plus assurées à l’intérieur comme à l’extérieur des bâtiments. Les punaises de lit prolifèrent dans les cellules au QMAH et au QCD et même au SMPR. Si le QMAF et le QM ne font pas pour le moment l’objet d’un tel constat, les moyens mis en œuvre par l’établissement pour lutter contre ces nuisibles sont manifestement inefficaces au vu du caractère exponentiel de la situation, qui pourrait, à court terme, concerner l’ensemble de la détention. Par ailleurs, d’innombrables chats, dans les bâtiments et aux abords de ceux-ci, génèrent des déjections quotidiennes incompatibles avec les règles élémentaires d’hygiène.

S’agissant du QCD, il convient de préciser qu’étant utilisé pour désencombrer le QMAH, 37 % des détenus proviennent du QMAH. L’encellulement individuel n’est pas non plus respecté au QCD puisque 33 cellules individuelles sont occupées par deux personnes. Par conséquent, le taux d’occupation de 95 % au moment de la visite doit être relativisé et ne reflète pas la réalité de la situation.

L’organisation de la détention au QCD met en danger l’intégrité physique et psychique des personnes détenues. D’une part, l’abandon des kiosques latéraux dans les étages induit un défaut de surveillance des coursives et ce, en dépit de la vidéosurveillance. De nombreux témoignages de pressions exercées et de trafics en tous genres ont été recueillis par les contrôleurs. L’organisation des tours de promenade par étage, sans tenir compte du mélange de personnes vulnérables avec le reste de la population pénale, oblige nombre de détenus à ne plus sortir en promenade.

Concernant la discipline, l’usage de la force et des moyens de contrainte est peu tracé et la vidéosurveillance peu utilisée. Les sanctions de placement au quartier disciplinaire (QD) sont massivement utilisées et les alternatives peu usitées. Le QD a fait l’objet d’un nombre conséquent de témoignages de brimades et de pratiques attentatoires à la dignité des personnes. Le quartier d’isolement ressemble dans son fonctionnement et son apparence au QD.

Les contrôleurs ont, en outre, déploré le systématisme et le cadre juridique illégal des fouilles à nue subies par les personnes détenues lorsqu’elles se rendent aux parloirs. Le nombre de fouilles pour les quatre premiers mois de l’année s’élève déjà à 3 750. Là encore, des personnes détenues renoncent à toute visite pour ne pas avoir à subir ces pratiques. Un projet de restructuration de la zone des parloirs est en phase d’étude de faisabilité et de maîtrise d’œuvre. Un bâtiment modulaire pour l’accueil des familles a été mis en service en avril 2023 sur le parking visiteurs de l’établissement. Les modalités d’organisation pour les parloirs sont inadaptées aux familles, il n’y a pas de parloirs familiaux ni d’unités de vie familiale.

S’agissant de la vie quotidienne, les repas sont distribués à des horaires inadaptés et l’offre du catalogue de produits à cantiner est beaucoup trop restreinte. Le traitement des requêtes souffre d’un manque de formalisme et de traçabilité, les demandes ne reçoivent pas toujours de réponse. La correspondance téléphonique est entravée par un défaut de maintenance des postes en cellule.

L’information juridique est insuffisamment assurée et le recours important à la visioconférence pour la présentation devant le magistrat nuit à l’exercice des droits de la défense. Enfin, il n’y a pas de protocole entre l’établissement et la préfecture pour le renouvellement ou l’obtention des titres de séjour.

La politique d’aménagement de peine n’est pas à la hauteur des enjeux de la surpopulation carcérale. Le nombre de libérations sous contrainte de plein droit (LSCPD) accordées est très faible au regard du nombre de personnes éligibles. Le quartier de semi-liberté (QSL) est occupé à 100 % mais six places sont occupées par des détenus du service général travaillant au mess afin de faciliter l’organisation de la détention.

L’accès aux soins somatiques est limité en raison d’un manque de temps médical. Lors des extractions médicales, la présence systématique des escortes pendant les consultations et les actes médicaux ou chirurgicaux porte atteinte à la dignité des personnes et au secret médical. Les contrôleurs ont visité les deux chambres sécurisées du centre hospitalier de Perpignan, lesquelles ne respectent pas les normes d’une chambre hospitalière.

Les soins psychiatriques sont assurés, cependant les conditions d’hébergement en hôpital de jour sont inadaptées et les urgences psychiatriques ne sont pas prises en charge.

En conclusion, sans une politique volontariste conjointe de l’administration pénitentiaire et des autorités judiciaires pour lutter contre la surpopulation carcérale, toute tentative d’amélioration des conditions de détention indignes ne pourra être pérenne. Les atteintes aux droits et à la dignité des personnes détenues constatées par les contrôleurs devront faire l’objet d’une vigilance et d’un suivi régulier pour y mettre un terme.

Un rapport provisoire a été adressé le 1er septembre 2023 à la direction du centre pénitentiaire ainsi qu’au président du tribunal judiciaire (TJ) de Perpignan, au procureur de la République près le TJ de Perpignan, à l’agence régionale de santé d’Occitanie, à la direction du centre hospitalier (CH) de Thuir et du CH de Perpignan.

La direction du centre pénitentiaire a fait valoir dans sa réponse du 26 septembre 2023 qu’elle n’avait « pas relevé d’erreur matérielle dans ce rapport ». Le CH de Perpignan a adressé ses observations, le 25 septembre 2023, lesquelles sont intégrées dans le présent rapport.