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Rapport de la deuxième visite du centre éducatif fermé de Forbach (Moselle)

Rapport de la deuxième visite du centre éducatif fermé de Forbach (Moselle)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la justice auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Quatre contrôleurs ont effectué une visite inopinée du centre éducatif fermé (CEF) de Forbach (Moselle) du 10 au 13 octobre 2022. Cette mission constituait un deuxième contrôle faisant suite à une première visite réalisée du 24 au 26 avril 2012.

Les contrôleurs ont échangé avec des équipes très intéressées par leurs constats et soucieuses d’apporter des améliorations à la prise en charge.

Le CEF accueille des adolescents masculins de 13 à 16 ans. Son fonctionnement est assez remarquable à plusieurs niveaux, bien que des améliorations soient nécessaires. Les bonnes pratiques et les facteurs de réussite de cet établissement mériteraient d’inspirer d’autres structures.

 

Le CEF dispose d’une équipe complète, stable et qualifiée avec un niveau d’ancienneté important, en particulier de l’équipe de direction. Confronté, comme d’autres structures similaires, à des difficultés de recrutement, accrues par la proximité avec le Luxembourg qui offre des salaires beaucoup plus attractifs, cette situation est le fruit d’une politique active en matière de ressources humaines (valorisation des compétences, anticipation des absences, formation, accompagnement des professionnels, en particulier les nouveaux, organisation du travail). Les professionnels sont tout à la fois impliqués et polyvalents, quelle que soit leur fonction, et de nombreux outils sont mis en place pour assurer la cohérence et la cohésion de l’équipe.

Le CEF est très bien intégré dans son environnement. Il entretient des relations fluides et régulières tant avec les autorités judiciaires, de police que municipales. Il a noué des partenariats solides dans de nombreux domaines tels la santé (médecin, infirmiers libéraux, centres médico-psychologiques, pharmacie), l’insertion (entreprises locales et associations permettant aux jeunes d’accéder à des stages variés), la culture, le sport. L’établissement est ouvert sur l’extérieur et organise de nombreux événements ou inaugurations auxquels sont parfois conviés les riverains. Il fait, par ailleurs, l’objet d’un pilotage renforcé et de contrôles externes, même si l’utilité de certains questionnent, dont les recommandations font l’objet de plans d’action.

Les conditions de vie des adolescents sont excellentes. Les bâtiments sont bien configurés, l’aménagement de l’espace est réfléchi avec le souci constant de l’améliorer. Les locaux sont très propres tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, les jeunes sont associés au ménage, à l’entretien, à l’embellissement des lieux. Les repas sont satisfaisants tant en termes de qualité que de quantité ; les jeunes les préparent chaque jour avec le cuisinier, la maîtresse de maison ou les éducateurs, y compris le week-end dans le cadre d’un atelier cuisine ; des repas améliorés sont proposés chaque semaine. Les jeunes peuvent conserver leurs affaires en sécurité grâce notamment à un coffre disposé dans chaque chambre, même si sur cet aspect il convient que le CEF actualise les inventaires réalisés à l’arrivée et procède à un inventaire de sortie.

Les documents explicitant les droits sont formalisés, même si certains nécessitent d’être harmonisés et plus précis quant à leur contenu.

L’accompagnement éducatif est opérant. Il est structuré à la fois sur la journée, la semaine, le temps du placement du jeune et formalisé (élaboration de plannings d’activités et d’un emploi du temps pour chaque mineur). Chaque semaine, il est procédé à une double évaluation du jeune qui donne lieu à une restitution lors d’un entretien spécifique. La phase d’accueil est bien organisée et le kit d’admission remis est plus complet que dans d’autres structures. Les projets sont individualisés, les DIPC particulièrement étayés, actualisés avec des avenants réguliers et les synthèses avec les services de milieu ouvert régulières. La sortie est anticipée et les projets sont consolidés grâce notamment à l’accueil séquentiel qui est particulièrement investi (même si, comme ailleurs, le manque de structures d’aval adaptées rend la tâche compliquée).

L’insertion apparaît comme un point fort de l’établissement. Des ateliers nombreux et diversifiés (bois/métallerie, espaces verts, etc.) sont proposés et le CEF a particulièrement axé son projet sur la médiation animale et la serre pédagogique. L’adolescent peut bénéficier de nombreux stages à l’extérieur lui permettant de consolider son projet professionnel. Si l’accès à la scolarité est assuré, les jeunes ne bénéficient toutefois que de trois heures de cours par semaine et la continuité pendant les vacances scolaires, si elle est organisée, n’est pas assez efficiente en pratique.

Les familles sont associées à la prise en charge tout au long de son déroulé, elles peuvent se rendre dans l’appartement dédié dont le CEF dispose près de son entrée, bien configuré et équipé.

Les mineurs sont accompagnés dans leur affaire pénale, ils peuvent contacter leur avocat dans le respect de la confidentialité et le CEF est présent à toutes les audiences.

L’expression collective est particulièrement investie, garantie notamment par la tenue d’une « réunion jeune » hebdomadaire et le bon fonctionnement du conseil de vie sociale.

L’accès aux soins tant somatiques que psychiatriques est assuré grâce aux partenariats établis. Des interventions d’éducation à la santé, nombreuses, sont mises en place.

Malgré ces nombreux éléments positifs, quelques pratiques portent atteinte aux droits des mineurs.

D’une part, le CEF pratique des contrôles systématiques, à l’arrivée ou au retour du jeune. Ces pratiques doivent être beaucoup plus encadrés.

D’autre part, les communications téléphoniques sont trop limitées dans leur fréquence et leur durée et la confidentialité des appels n’est pas pleinement garantie, tout comme celle des correspondances. De plus, les règles internes (« carton rouge ») conduisent à de possibles interdictions des sorties extérieures pouvant également concerner les retours en famille, alors que ces derniers ne peuvent être restreints que par décision du magistrat mandant.

Sur ces deux points, le CEF était déjà en train de réfléchir à la manière de modifier ses pratiques au cours de la visite, une note étant en préparation. Les réponses apportées suite à l’envoi du rapport provisoire démontrent la prise en compte de la plupart des recommandations.

Un rapport provisoire a été adressé le 26 juin 2023 au directeur du CEF, à la DT PJJ de la Moselle, à la présidente du TJ de Sarreguemines ainsi qu’au procureur de la République près ce tribunal et au directeur de la fondation « Saint-Vincent de Paul ». Seul le directeur du CEF a fait valoir ses observations, par courrier du 13 juillet 2023 (accompagné des documents qui ont été modifiés suite au contrôle : règles de vie au CEF, règlement de fonctionnement, procédure de recours à l’inventaire, DIPC) et le DT PJJ par courrier du 4 septembre 2023, prises en compte dans le présent rapport.