Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport relatif à la dignité des conditions de détention au quartier des hommes de la maison d’arrêt de Valenciennes (Nord)

Rapport relatif à la dignité des conditions de détention au quartier des hommes de la maison d’arrêt de Valenciennes (Nord)

Observations du ministère de la justice – Dignité des conditions de détention – Quartier des hommes de la maison d’arrêt de Valenciennes

Ce rapport a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

SYNTHÈSE

La maison d’arrêt (MA) de Valenciennes, implantée dans une zone pavillonnaire en bordure d’un axe de circulation important pénétrant dans l’agglomération valenciennoise, a été mise en service en 1964. Elle est située dans les ressorts de la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Lille et du tribunal judiciaire (TJ) de Valenciennes. Depuis la réaffectation de ses places de MA pour les femmes en places pour hommes, les contrôleurs ont identifié 193 places de MA et, selon les propos recueillis, 16 places de semi-liberté (SL), pour des hommes majeurs exclusivement.

Il s’agit d’un établissement en gestion publique, seules certaines prestations étant déléguées à des entreprises extérieures, comme l’alimentation et les cantines.

1. La surpopulation, chronique, concerne en majorité des hommes exécutant une condamnation et originaires de l’agglomération

1.1 Le quartier maison d’arrêt des hommes, occupé à 168%, accueille de manière constante plus d’un tiers de personnes au-delà de sa capacité

La surpopulation est permanente, depuis de très nombreuses années. Des personnes – huit lors de la visite – dorment par terre. La fermeture du quartier des femmes a permis de réduire la surpopulation en répartissant le public masculin accueilli dans des cellules plus nombreuses mais ne résout pas le phénomène de suroccupation du quartier maison d’arrêt des hommes, qui s’illustre dorénavant dans les deux secteurs d’hébergement (petit et grand quartiers).

La diminution du taux d’occupation rapportée par le chef d’établissement en février 2023 résout l’indignité des matelas au sol mais pas celle de la surpopulation, qui reste prégnante.

1.2 La population carcérale, d’âge moyen, est principalement condamnée et locale

La durée moyenne de séjour des personnes écrouées, en exécution d’une condamnation pour la majorité, oscille entre 5 et 6 mois. Le parquet de Valenciennes a recours à toutes les modalités de poursuite et le panel des réponses pénales est utilisé. Les personnes arrivent à l’établissement après comparution devant le tribunal correctionnel, devant le juge d’application des peines ou après mise à l’écrou de la condamnation par le parquet de l’exécution des peines.

La population accueillie est originaire des environs, âgée pour environ un tiers de 30 à 40 ans et pour un autre tiers de 40 ans et plus. Elle cumule des problèmes sociaux, illustrés notamment par environ 20% de détenus présentant des difficultés à s’exprimer à l’oral ou à l’écrit en français et par environ 30% de détenus éligibles au dispositif de prise en charge de la pauvreté en détention.

2. La charge de travail du personnel de surveillance est doublée par la surpopulation

Les surveillants prennent en charge jusqu’à deux fois plus de détenus que prévu théoriquement en raison de la surpopulation aux différents étages. S’y ajoute un déficit d’encadrement intermédiaire, comblé en ponctionnant dans l’effectif de surveillants afin de couvrir les journées et nuits par des « faisant-fonction » de premiers surveillants.

3. Les conditions d’hébergement, très dégradées, sont particulièrement indignes

3.1 La quasi-totalité des détenus disposent d’un espace individuel inférieur à 3m² une fois la superficie occupée par le mobilier déduite

Selon les critères du CGLPL, la superficie des cellules simples au grand quartier permet, concrètement, de n’accueillir qu’une personne et celle des cellules triples que deux personnes si on laisse à chaque occupant un espace réellement disponible supérieur ou égal à 3m². Les 15,3% de la population qui ont un espace individuel satisfaisant n’en disposent que parce qu’il manque de l’équipement et du mobilier, à l’instar de ce qui a été constaté dans toutes les cellules.

3.2 Le mobilier des cellules est inexistant, inadapté ou détérioré

Aucune armoire n’équipe les cellules et l’unique étagère n’est pas suffisante pour le nombre de détenus. Aucun entretien ou suivi effectif du mobilier des cellules n’est effectué. De nombreux éléments de mobilier sont manquants, comme des tabourets ou des poubelles et les matelas sans housse sont très fréquents, alors que des éléments neufs viennent d’être réceptionnés dans l’établissement.

3.3 La vétusté et l’insuffisance de la maintenance rendent le grand quartier insalubre et l’accès à l’hygiène difficile

Les cellules du grand quartier présentent des revêtements de murs sales, des fenêtres qui ne ferment plus avec parfois des vitres cassées, des sanitaires entartrés qui fuient. Les douches, collectives, sont en nombre insuffisant, avec des revêtements de sol encrassés, des structures métalliques rouillées et des bouches de ventilation sales. Les cellules du petit quartier offrent des conditions de détention vétustes mais moins dégradées.

La cour de promenade du grand quartier, dépourvue d’équipement, est jonchée de détritus.

La dératisation, insuffisante, n’éradique pas la population de rats visibles sur les extérieurs des bâtiments.

La présence de radon a entraîné la fermeture des bibliothèques, sans suite corrective concluante depuis plus d’un an. L’amiante, contenue dans la structure même de la construction d’origine, augmente le coût de réalisation de tous travaux, les retarde voire les empêche.

4. La liberté de circulation et les activités hors cellule sont limitées par la surpopulation carcérale

4.1 80% des détenus ont leur porte de cellule fermée

4.2 Le temps hors cellule est pénalisé par la fermeture des bibliothèques, malgré une offre d’activités dynamique

Le temps moyen théorique hors cellule d’un détenu, supérieur à 3 heures quotidiennement, est constitué pour un tiers de temps de promenade et près d’un quart de travail et formation professionnelle.

Les offres d’enseignement, d’activités socioculturelles et de sport sont conséquentes mais les locaux et la surpopulation limitent leur organisation (disponibilité du personnel de surveillance, nombre de salles inadéquat, etc.). La fermeture depuis plus d’une année des bibliothèques des petit et grand quartiers contribue à réduire le temps potentiellement passé hors cellule.

5. La prévention des atteintes à l’intégrité physique et psychique est insuffisante

5.1 Promiscuité et trafics entraînent des violences entre les détenus

Des violences entre détenus ont lieu dans les cellules et les cours de promenade. Elles impliquent très souvent plusieurs personnes. Les violences contre le personnel sont moins fréquentes.

Les coursives ne sont pas couvertes par la vidéosurveillance et les interphones dans les cellules dysfonctionnent.

5.2 L’intimité des détenus n’est préservée ni dans les cellules ni dans les douches

L’absence de cloisonnement des WC dans les cellules et l’absence de cloisonnement des boxes dans les douches collectives portent atteinte à l’intimité des détenus, de même que les conditions matérielles dans lesquelles les détenus sont fouillés à nu après le parloir.

Les fouilles intégrales étant insuffisamment tracées et insuffisamment comptabilisées, le taux de découverte d’objets et produits interdits ou illicites ne reflète pas la réalité et ne peut justifier à lui seul les fouilles effectuées.

5.3 L’accès aux soins est garanti sur place mais la dignité n’est pas respectée lors des extractions au centre hospitalier

L’accès aux soins est garanti à l’unité sanitaire en milieu pénitentiaire (USMP) malgré des locaux inadaptés et exigus.

Plus d’un tiers des extractions sont annulées, pour des motifs divers. Les consultations et soins au centre hospitalier de Valenciennes s’effectuent sans confidentialité ni respect du secret médical en raison de la présence systématique de l’escorte. L’utilisation systématique de moyens de contrainte porte par ailleurs atteinte à la dignité humaine.

L’établissement n’est pas en mesure de recevoir des personnes à mobilité réduite ou nécessitant une aide à la personne.

6. La nécessité de préparer la sortie est prise en compte

6.1 Le maintien des liens avec l’extérieur est assuré, mais des difficultés sont constatées à l’arrivée

Les liens avec les proches sont entretenus dans des parloirs dorénavant configurés en cabines et par le téléphone installé en cellule en juillet 2022. La nécessité d’obtenir des autorisations retarde d’une quinzaine de jours l’accès aux visites et aux appels. Malgré la surpopulation, le nombre de places de parloirs permet de répondre aux besoins car seule la moitié des détenus bénéficie d’au moins un visiteur.

6.2 Le service pénitentiaire d’insertion et de probation a renforcé son intervention dans l’établissement et le service d’application des peines utilise un large panel d’aménagements des peines

Les personnes incarcérées ont souvent eu un parcours judiciaire en amont. Le service de l’application des peines fait preuve de réactivité pour audiencer les requêtes en aménagement de peine. L’investissement du service pénitentiaire d’insertion et de probation et la variété des structures de prise en charge facilitent l’utilisation du panel des aménagements de peine, sauf à préciser des difficultés pour établir des documents d’identité. Un doute existe aussi chez les professionnels, lors de la visite, quant à la possibilité d’utiliser les places de semi-liberté de l’établissement eu égard aux conditions de vie dégradées qu’il offre et à la violence qui y règne.

7. Les conditions de mise à l’écart sont indignes

7.1 Les conditions de mise à l’écart au quartier disciplinaire sont inhumaines et dégradantes

Les conditions d’hébergement au quartier disciplinaire sont inhumaines et dégradantes. Seule la lumière blafarde du sas éclaire la cellule, qui est plongée en continu dans l’obscurité. La lecture est impossible en raison de la faible luminosité, les postes radios ne fonctionnent plus, les douches sont inutilisables. En l’état, les cellules disciplinaires s’apparentent à des cachots et leurs cours de promenade sont en réalité des balcons sécurisés démunis d’équipement.

De plus, dans les cellules du bâtiment Ouest se dégage une odeur nauséabonde.

Dans l’attente de la réalisation d’éventuels travaux, l’utilisation de ces quatre cellules disciplinaires doit être immédiatement suspendue en raison de leur caractère inhumain et dégradant.

7.2 Les conditions de mise à l’écart au quartier d’isolement sont désocialisantes

Il n’y a pas de quartier d’isolement mais deux cellules d’isolement situées au bout de chaque coursive Est et Ouest du 1er étage.

Les personnes isolées n’ont accès ni au sport ni aux activités socioculturelles. Les promenades sont organisées dans les cours de promenade du quartier disciplinaire, qui sont indignes. La prise en charge ne donne aucune perspective et ne favorise pas l’insertion.

8. L’indignité des conditions de détention est notoire mais elle n’a fait l’objet que d’un recours de la part des détenus

8.1 Certains magistrats ont une connaissance concrète des conditions de détention

8.2 L’information sur le recours pour conditions de détention indignes n’est pas délivrée

Les magistrats du siège et du parquet en charge de l’aménagement et de l’exécution des peines partagent leur connaissance concrète des conditions de détention avec leurs hiérarchies au TJ. Un projet de construction d’un nouvel établissement réunit le maire de Valenciennes, président de l’agglomération, le président du TJ et le procureur de la République, auquel a été associée la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille.

Les recours devant la justice pour contester les conditions de détention sont rarissimes. Nonobstant l’absence d’intérêt des détenus valenciennois à s’éloigner de leur famille en cas de reconnaissance de leur droit à des conditions d’incarcération plus dignes, force est de constater que ni l’établissement ni le barreau de Valenciennes n’ont diffusé d’information à ce sujet.