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Rapport relatif à la dignité des conditions de détention à la maison d’arrêt de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine)

Rapport relatif à la dignité des conditions de détention à la maison d’arrêt de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine)

Observations du ministère de la justice – Dignité des conditions de détention – Maison d’arrêt de Saint-Malo

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

SYNTHÈSE

La maison d’arrêt de Saint-Malo est située en zone urbaine, à proximité du tribunal judiciaire et du centre-ville. Mise en service en 1931, elle est construite sur 3 niveaux et présente des locaux exigus et vétustes inadaptés à la prise en charge des personnes détenues. Le nombre de places opérationnelles calculé par le CGLPL est de 64 et 115 détenus étaient incarcérés lors du contrôle, soit une densité carcérale de 180 %. L’établissement connaît une surpopulation carcérale chronique qui n’est pas appréhendée par les autorités malgré des conditions de détention indignes. 60% des détenus ont moins de 2m² d’espace individuel réellement disponible dans leur cellule.

1. L’établissement est chroniquement suroccupé

1.1 Près de deux tiers des détenus subissent un taux d’occupation avoisinant 290%

Le nombre de places opérationnelles calculé par le CGLPL est de 64. Le métrage a été effectué en application de la loi Carrez du 18 décembre 1996 étant précisé que plusieurs cellules sont situées sous des combles. Toutes les cellules du rez-de-chaussée (RDC) et du 1er étage présentent des superficies inférieures à 11m² et sont pourtant équipées de lits superposés de 3 places ce qui rend ces cellules particulièrement exigües. La suroccupation dans les cellules du RDC et du 1er étage est très préoccupante avec des taux atteignant plus de 280%. 82% des prévenus cohabitent avec un ou plusieurs détenus condamnés, la surpopulation carcérale ne permettant pas d’assurer la séparation prévue par la loi.

1.2 La population pénale est composée d’un tiers de prévenus

L’analyse des entrées et sorties en 2022 montre une durée de séjour en détention particulièrement courte puisqu’inférieure à 4 mois. La part des personnes prévenues est de 36% ce qui est légèrement supérieur à la moyenne nationale qui s’élève à 32% au 1er mars 2023.

2. Le manque de personnel altère la prise en charge des détenus

La nouvelle direction a implanté un bureau pour les gradés au sein de la détention en neutralisant deux cellules. L’organisation actuelle permet une présence constante du personnel dans les lieux de détention sauf dans le quartier nord. Les cours de promenade ne sont pas non plus surveillées. Il est relevé une tension sur les ressources humaines avec une absence de personnel polyvalent pouvant être appelé en renfort. Cette tension est renforcée par la configuration des locaux, notamment les grilles à ouverture à clés et le choix de maintenir les grilles fermées entre les étages. Le manque de personnel pèse sur la liberté d’aller et venir des personnes détenues puisque certaines d’entre elles ne se rendent pas aux promenades en raison d’un sentiment d’insécurité.

3. Les cellules simples sont systématiquement triplées et sont dépourvues de douches

3.1 Plus de 60% des détenus disposent de moins de 2m² d’espace individuel réellement disponible en cellule

                Les conditions d’hébergement au RDC et au premier étage apparaissent particulièrement indignes compte tenu de la surpopulation. Les cellules accueillent systématiquement 3 détenus pour une superficie inférieure à 11 m². L’espace disponible par personne oscille ainsi autour de 3m² une fois l’emprise au sol des éléments sanitaires déduits et est inférieur à 2m² après déduction de l’emprise au sol du mobilier. Au second étage, les calculs de superficie effectués dans les cellules mansardées en application de la loi Carrez réduisent sensiblement l’espace vital disponible et la capacité opérationnelle.

3.2 Le mobilier des cellules est vétuste et rarement en adéquation avec le nombre d’occupants

                Le mobilier mis à disposition est rarement adapté au nombre d’occupants, en particulier pour les armoires ou les étagères. L’aspect des tables ou des chaises et tabourets est souvent vétuste.

3.3 Les moyens nécessaires à l’entretien des locaux ne sont pas mis gratuitement à disposition des détenus

L’entretien des locaux (douches, cellules, promenade) est assuré. Toutefois les personnes détenues doivent acheter en cantine le matériel et les produits de nettoyage si elles ne sont pas considérées comme indigentes ; il en va de même pour le renouvellement du kit d’hygiène. Par ailleurs, certaines cellules souffrent d’un manque d’aération et sont mal isolées ce qui entraîne des traces de moisissures et une humidité importante sur les matelas. Les travaux de rénovation prévus devront être engagés dans les meilleurs délais.

4. Les détenus passent près de 20 heures par jour en cellule porte fermée

4.1 Le régime de détention est en porte fermée à l’exception des deux cellules du quartier nord

4.2 L’essentiel du temps passé hors cellule est occupé par la promenade

Les deux cellules dortoirs du quartier nord sont occupées par des détenus travailleurs au service général bénéficiant d’un régime de porte ouverte « de fait » dans leur quartier leur permettant de circuler entre les deux cellules et la douche. Une caméra de surveillance est positionnée au niveau du palier des deux cellules. Les promenades ne sont pas sécurisées ni attrayantes du fait du manque d’équipement et de leur configuration. L’offre d’enseignement est diversifiée et adaptée au profil des personnes détenues pour une courte peine. Seuls 23% des détenus bénéficient d’une activité rémunérée et 39 % sont en liste d’attente. Il est déploré le non-respect pour le classement au service général de l’antériorité des demandes et du statut d’indigent. Plus de la moitié du temps passé hors cellule est constituée de promenades.

5. La protection de l’intégrité physique et psychique n’est pas pleinement assurée

5.1 Les promenades ne sont pas surveillées et la sécurité contre l’incendie n’est pas garantie

Il n’y a pas d’interphonie en cellule et le dispositif d’appel en cellule n’est pas partout opérationnel. Le quartier nord est laissé sans surveillance physique et le dispositif d’appel y est inopérant ce qui présente un risque majeur pour la sécurité des détenus. Le dispositif de vidéoprotection ne couvre pas les cuisines et les escaliers et aucun agent n’est affecté au visionnage en temps réel des images notamment pour les promenades. La sécurité des détenus et des personnels est gravement compromise par les risques liés à la sécurité incendie pour laquelle un avis défavorable a été émis par la sous-commission de sécurité incendie en 2017.

5.2 L’intimité des détenus est mise à mal par la surpopulation et par une pratique non encadrée des fouilles à nu

La surpopulation carcérale empêche toute intimité en cellule d’autant que les toilettes sont dépourvues de cloisonnement complet. Il en est de même dans les douches collectives. Les décisions de fouille à nu ne sont pour la plupart ni formalisées ni tracées, ce qui ne permet pas d’analyse des pratiques. Il est porté une atteinte supplémentaire à la dignité des personnes détenues lorsque les fouilles sont réalisées dans des locaux non adaptés et en présence de plusieurs surveillants.

5.3 L’accès aux soins est garanti mais le secret médical n’est pas respecté lors des extractions au centre hospitalier général

L’accès aux soins est assuré mais le remplacement du médecin généraliste référent par des intérimaires complique le suivi. La possibilité de bénéficier d’un accompagnement psychologique est limitée du fait du délai moyen d’obtention d’un rendez-vous. Au centre hospitalier de Saint- Malo, la confidentialité des soins n’est pas assurée. Enfin, les personnes diabétiques ne disposent pas d’un menu adapté et de nombreux détenus se plaignent d’un manque de nourriture.

6. Les conditions d’accueil des familles ne favorisent pas le maintien des liens familiaux

6.1 L’intimité aux parloirs est inexistante

Le maintien du lien extérieur est compromis par l’aménagement et la configuration des locaux des parloirs qui ne garantissent pas le respect de l’intimité des échanges. L’absence de structure d’accueil pour les familles ne favorise pas le maintien des liens.

6.2 Les personnes sont accompagnées dans leur parcours d’exécution des peines

La prise en charge des personnes détenues par le SPIP est individualisée et se poursuit en milieu ouvert. Les possibilités d’aménagement des peines sont utilisées à l’exception des conversions de peine. L’octroi de mesures de semi-liberté est limité par la faible capacité du quartier de semi-liberté et ses amplitudes horaires restreintes. Par ailleurs les détenus semi-libres n’ont pas accès au téléphone ni à la promenade.

7. La mise à l’écart ne concerne que le quartier disciplinaire

7.1 Les conditions d’enfermement au quartier disciplinaire ne portent pas d’atteintes supplémentaires aux droits

La gestion du quartier disciplinaire apparaît respectueuse des personnes. La cour de promenade est dépourvue de tout équipement et d’abri.

7.2 Il n’existe pas de quartier ou de cellule d’isolement

8. Les autorités ont une connaissance partielle des conditions indignes de détention

8.1 Les chiffres d’occupation sont régulièrement communiqués aux autorités

8.2 Les personnes détenues sont insuffisamment informées de l’existence du recours pour conditions de détention indignes

                Les taux d’occupation communiqués de façon hebdomadaire aux autorités judiciaires portent sur une capacité opérationnelle de l’établissement surévaluée (76 au lieu de 64 hors QSL) et sont globaux. Ils ne reflètent pas la réalité des taux d’occupation par étage (plus de 280% au RDC et au premier étage). Les personnes détenues sont insuffisamment informées de l’existence et des modalités de recours pour conditions de détention indignes. Les autorités n’ont pas développé de politique pénale spécifique pour faire face à la surpopulation carcérale.