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Rapport de visite du centre hospitalier de Châteauroux – Le Blanc (Indre)

Rapport de visite du centre hospitalier de Châteauroux-Le Blanc (Indre)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Quatre contrôleures ont effectué une visite, annoncée la semaine précédente, du pôle de psychiatrie du centre hospitalier (CH) de Châteauroux-Le Blanc (Indre) du 3 au 7 janvier 2022.

Un rapport provisoire a été adressé 20 juillet 2022 au chef d’établissement, au préfet du département, à l’agence régionale de santé Val de Loire, au président et au procureur du tribunal judiciaire de Châteauroux pour une période contradictoire de quatre semaines. Seule la directrice du centre hospitalier a fait valoir des observations en retour, par courrier du 9 septembre, prises en compte dans le présent rapport.

Le pôle de psychiatrie est implanté sur le sur le lieu-dit « Gireugne », distant de 5Km de la ville de Châteauroux, les plateaux techniques de médecine et de chirurgie sont répartis sur le site principal implanté à Châteauroux et sur le site du Blanc, à soixante kilomètres.

Le pôle de psychiatrie compte 150 lits d’hospitalisation complète pour adultes dont 120 positionnés sur le site de Gireugne et trente au CH de la Châtre, situé à quarante kilomètres de Châteauroux. Il ne présente pas de suroccupation. Le CH est le seul établissement de référence de l’Indre à accueillir des patients en soins sans consentement. L’ensemble des patients sont pris en charge au sein de cinq unités en fonction de leurs pathologies et non de leur secteur d’origine, une seule n’accueille pas de patients en soins sans consentement (SSC). Les contrôleures ont donc visité quatre unités, dont le pavillon d’addictologie qui accueille des patients en soins sans consentement et le service des urgences. Le service de pédopsychiatrie, qui souffre d’une pénurie de pédopsychiatres, propose essentiellement une offre de soins ambulatoires ; les mineurs de plus de 16 ans sont admis dans les pavillons pour adultes.

Malgré une activité déployée sur plusieurs sites, le pôle de psychiatrie est bien intégré au reste de l’établissement, la cheffe du pôle de psychiatrie fait partie du directoire.

Les locaux sont anciens mais globalement bien entretenus, un effort est fait pour les rendre agréables et chaleureux.

Les équipes médicales et paramédicales sont à flux tendu. La majorité des postes de médecins sont pourvus mais parfois à temps partiel, en outre certains ne maîtrisent pas bien la langue française et rencontrent des difficultés pour se faire comprendre des patients. Les postes d’infirmiers sont pourvus mais le pôle est confronté à de nombreux arrêts maladie qui ne sont pas remplacés. Par ailleurs, certains soignants ayant choisi de demeurer affectés au même poste depuis une voire deux décennies, sont réticents à faire évoluer leurs pratiques.

Dans ce contexte, les projets de soins sont plus ou moins formalisés selon les pavillons et selon le profil des patients, de même que les activités au sein des unités sont irrégulières. En revanche l’établissement offre de larges possibilités d’activités culturelles et sportives sur le site (terrain de sport, gymnase, cafétéria), malheureusement d’accès restreint par les épidémies de Covid. Certaines actions d’éducation thérapeutiques méritent d’être soulignées, notamment en addictologie. La prise en charge somatique est également très variable selon les praticiens et les pavillons, l’examen à l’entrée n’est pas systématiquement réalisé quand le patient ne passe pas par les urgences, pas plus que celui des patients placés à l’isolement.

Les mesures de SSC ont représenté en 2020 28% de la file active. La très grande majorité est prise par décision du directeur, à 76% en urgence faute de pouvoir obtenir un certificat d’un médecin n’exerçant pas à l’hôpital. Les décisions prises par le préfet ne représentent que 8,7% des admissions en SSC. Si les mesures sont en général rapidement levées, quelques patients sont en SDRE depuis 8, 20 et même 40 ans, faute de possibilité d’orientation vers une structure plus adaptée (médico-sociale, EHPAD).

L’information sur leurs droits remise à ces patients est empirique et peu protocolisée. Aucun document comportant l’ensemble de leurs droits ni la manière de les exercer ne leur est notifié, pas plus qu’ils ne reçoivent copie des décisions et certificats médicaux qui les fondent.

Les restrictions à la liberté d’aller et venir sont importantes pour tous, trois unités sur cinq ont leurs portes fermées en permanence alors que tous les pavillons étaient ouverts il y a sept ans. Sortir dans le parc ou se rendre en activité à l’extérieur de l’unité suppose une autorisation de sortie, plus ou moins aisément accordée selon les unités.

Les communications avec l’extérieur sont en revanche facilitées : pas de retrait généralisé du téléphone personnel, Wifi en libre accès, rencontres souples avec les proches (hors restrictions sanitaires, drastiques durant la visite).

Concernant les pratiques d’isolement et de contention, les registres sont peu fiables et ne donnent lieu à aucune réflexion ni a fortiori politique visant à en limiter le recours.

Il apparaît pourtant que les décisions d’isolement sont nombreuses : sur l’année 2021, un tiers des patients en SSC ont fait au moins une fois l’objet d’une mesure d’isolement, très majoritairement au pavillon A de soins intensifs (70 % des patients). Ces mesures se déroulent au surplus dans des conditions matérielles totalement inadaptées : les chambres d’isolement (CI), au nombre de dix plus une dite « cellulaire » pour les détenus, sont éloignées des postes de soin, toutes équipées d’une caméra mais dépourvues de sonnettes d’appel. On peut d’ailleurs s’interroger sur la nécessité de disposer de onze chambres d’isolement compte tenu de la capacité d’hébergement de 120 lits des quatre pavillons visités. Les durées sont globalement inférieures à 48 heures. Le pôle n’a jamais recours à la contention.

Les publics spécifiques que sont les mineurs et les détenus souffrent de mesures à caractère sécuritaire et non médical : les premiers sont hébergés en CI pour assurer leur protection, les second en chambre « cellulaire » pour prévenir leur évasion et voient tous leurs droits pénitentiaires suspendus (téléphone, visites, cantines). Au surplus ces mesures ne sont pas comptabilisées dans le registre d’isolement.

La visite s’est déroulée dans d’excellentes conditions. Les observations livrées en réunion de fin de visite ont été bien accueillies par l’ensemble des interlocuteurs.

La directrice d’établissement apporte dans sa réponse écrite des éléments contradictoires qui figurent en police bleue italique.