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Rapport de la troisième visite du centre pénitentiaire de Lannemezan (Hautes-Pyrénées)

Rapport de la troisième visite du centre pénitentiaire de Lannemezan (Hautes-Pyrénées)

Observations du ministère de la justice – centre pénitentiaire de Lannemezan (3e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

Synthèse

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), quatre contrôleurs ont effectué une visite du centre pénitentiaire de Lannemezan (Hautes-Pyrénées), du 28 mars au 1er avril et du 4 au 6 avril 2022.

Cette mission constituait une troisième visite faisant suite à un premier contrôle du 31 août au 4 septembre 2009 et un deuxième contrôle du 6 au 10 juin 2016.

A l’issue de cette visite, un rapport provisoire a été adressé à la cheffe d’établissement ainsi qu’aux chefs de juridiction du tribunal judiciaire de Tarbes, au directeur du centre hospitalier de Lannemezan et au directeur général de l’agence régionale de santé.

Seule la directrice du centre pénitentiaire a fait valoir ses observations, prises en considération pour la rédaction du rapport définitif dont la présente note vous présente la synthèse des recommandations.

Le 28 mars 2022, le centre pénitentiaire comptait 139 personnes détenues à la maison centrale et 3 personnes au « quartier centre de détention », la plupart condamnées à de très longues peines assorties de périodes de sûreté et employait 210 agents dont 148 surveillants pénitentiaires. Cet établissement a subi une modification d’importance avec la réduction de sa capacité opérationnelle de 172 à 140 places, en raison du profil des personnes qui y sont incarcérées ainsi que du caractère sécuritaire qui doit y prévaloir.

En cette troisième visite, plusieurs points forts de l’établissement restaient d’actualité. Les incidents en détention étaient peu nombreux et le personnel, tous grades confondus, connaissait bien les personnes détenues. S’agissant de la vie quotidienne, un équilibre était trouvé entre les exigences de sécurité d’une maison centrale et un mode de vie adapté à la situation de personnes condamnées à de longues peines à l’interne, notamment dans la possibilité de se trouver en dehors de leur cellule au long de la journée et ainsi de rompre l’isolement.

Cependant, plusieurs recommandations émises en 2016 n’ont pas été suivies d’effets notamment s’agissant du quartier dit « centre de détention », toujours sous-exploité. Par ailleurs, il n’existait toujours pas de point-justice. Le traitement des requêtes des personnes détenues était aléatoire, il l’est resté. A l’exception de celles relatives à l’accueil des familles ainsi qu’à l’accroissement du travail et de la formation professionnelle, pour lesquelles un progrès a été constaté, les nombreuses problématiques sont inchangées, voire accrues avec le temps.

Par ailleurs, le présent contrôle a fait émerger cinq difficultés nouvelles et majeures, qui ont été développées dans le rapport provisoire.

La première a trait au fonctionnement de l’établissement altéré par le manque de personnel pénitentiaire au sein de l’encadrement intermédiaire. Cette absence faisait sentir ses effets sur les équipes outre qu’elle contraignait les présents à une polyvalence accentuée. Des postes étaient également vacants au service pénitentiaire d’insertion et de probation. Dans un établissement dont le public est aussi complexe, la question des effectifs du personnel doit être suivie de près par l’administration pénitentiaire.

La deuxième est relative à la situation problématique relevée aux quartiers disciplinaire et d’isolement. La sélection des surveillants pour travailler dans ces quartiers était insuffisamment rigoureuse. De manière générale, il faudra que la direction encadre les excès de sécurité, notamment concernant les pratiques de fouilles intégrales des personnes détenues, réalisées au mépris du droit en vigueur. Il en résultait un climat délicat et des prises en charge difficiles accentuées par le manque de perspectives des personnes condamnées à de très lourdes peines. La nouvelle direction devra se saisir des observations pointées par les contrôleurs pour améliorer les procédures et cadrer les pratiques inadaptées.

La troisième porte sur l’utilisation des moyens de contrainte en interne dont la détermination et le caractère souvent systématiques sont insuffisamment individualisés. Le maintien des menottes et entraves lors des extractions médicales ne sont pas proportionnés aux risques et au profil de la personne détenue.

La quatrième concerne la nécessité d’améliorations dans les relations avec l’extérieur. Outre les difficultés liées à la présence d’étrangers qui ne bénéficient pas des mêmes opportunités de réservation des parloirs et de visites, l’obtention d’un nouveau permis de visite pâtit d’enquêtes excessivement longues. Les infrastructures ne permettent pas de satisfaire l’ensemble des demandes de séjours en unités de vie familiale (UVF), aucune modalité de garde d’enfant n’est proposée et le Relai Enfant-Parent n’intervient plus. Aucune intervention d’aides à domicile dans un établissement à la population « vieillissante » interroge. Enfin, relevé par les agents d’étage non habilités, le courrier n’a pas le caractère confidentiel attendu.

La cinquième difficulté a trait à la politique d’application des peines et d’octroi des permissions, opaque pour nombre des personnes détenues rencontrées. La recevabilité des permissions de sortir pour maintien des liens familiaux limitée par le quantum de peine restant à subir entraîne notamment des demandes de transfert.

L’échange contradictoire avec la direction de l’établissement a permis de mettre à jour des modifications intervenues depuis la visite, soit en raison de l’embauche de personnel, soit du fait de solutions locales advenues depuis l’arrivée de la nouvelle directrice.