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Rapport de la troisième visite de la maison d’arrêt de Limoges (Haute-Vienne)

Rapport de la troisième visite de la maison d’arrêt de Limoges (Haute-Vienne)

Observations du ministère de la justice – Maison d’arrêt de Limoges (3e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

Synthèse

Cinq contrôleurs ont visité, du 3 au 7 janvier 2022, la maison d’arrêt de Limoges (Haute-Vienne). Cette visite était la troisième, les précédents contrôles s’étaient déroulés en décembre 2008 et 2011.

Sur le rapport de constat provisoire établi à la suite de cette visite, des échanges contradictoires ont eu lieu avec le directeur de cet établissement dont les observations ont été prises en compte, ainsi qu’avec la préfète du département du Limousin, les chefs de juridiction du tribunal judiciaire de Limoges, le directeur général de l’agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine, les directeurs généraux du centre hospitalier universitaire de Limoges et du centre hospitalier Esquirol, qui n’ont pas fait valoir d’observation.

La maison d’arrêt (MA) de Limoges, mise en service en 1853, est implantée en centre-ville. Elle offre 82 places, réparties en 57 places pour les hommes, 10 pour les femmes, 10 pour les mineurs, 4 pour les hommes en semi-liberté et 1 pour les femmes en semi-liberté. La conception de l’établissement selon le modèle de l’encellulement individuel distribue ces places dans 80 cellules d’une superficie d’à peine plus de 7 m², à l’exception d’une cellule de plus de 14 m² au quartier des hommes conçue pour trois personnes.

La population est en détention provisoire à environ 70% chez les hommes, environ 30% chez les femmes.

L’établissement se révèle aujourd’hui vétuste et exigu et soumet les personnes incarcérées à des conditions de détention indignes.

La vétusté qui entraîne des pannes techniques de plus en plus coûteuses concerne les conditions d’accès à l’hygiène dans des douches collectives en très mauvais état et est illustrée en cellule par :

  • le mobilier, parfois rouillé (lits) ou cassé (portes des armoires) et sous-dimensionné pour le nombre d’occupants. Les lits superposés sont dépourvus d’échelle ;
  • le bâti, avec un linteau des portes à 1,70 m de hauteur obligeant à se baisser pour y pénétrer, une petite fenêtre à un vantail située à deux mètres de hauteur n’offrant aucune vue au travers du barreaudage doublé de métal déployé et de caillebotis.
  • l’équipement sanitaire, composé d’un lavabo ne délivrant que de l’eau froide et d’un WC situé à l’entrée immédiate de la cellule et séparé du reste de la pièce que par des portes battantes rarement présentes etsi proches de la cuvette qu’elles ne peuvent être rabattues lorsque les toilettes sont utilisées.

L’exiguïté des locaux concerne à la fois les détenus et le personnel, qui se serre dans les bureaux. L’activité de soins s’exerce dans des locaux mal situés, mal conçus et trop étroits.

Concernant les personnes détenues, lors de la visite, le taux d’occupation chez les hommes est de 205 % (224 % la semaine précédente) et de 200 % chez les femmes. La surpopulation est en fait chronique, l’établissement disposant de deux fois moins de places qu’il ne reçoit de personnes.

Plus d’un homme sur cinq et plus d’une femme sur six cohabitent à trois dans 7 m². Dix personnes (neuf hommes et une femme) dormaient sur un matelas au sol lors de la visite. Le droit à l’encellulement individuel est bafoué, la séparation des différentes catégories de personnes n’est pas respectée (prévenus et condamnés, fumeurs et non-fumeurs, etc.) et ce sont tous les droits fondamentaux des personnes qui, in fine, ne reçoivent aucune considération.

La politique judiciaire attentive à la juste occupation des locaux et la pratique pénitentiaire du transfèrement ne suffisent pas à diminuer les conséquences de la surpopulation de l’établissement.

Dans cette structure minée par son usure, la prise en charge observée est lacunaire dès l’arrivée, particulièrement chez les hommes. Par la suite, trop peu de personnes détenues peuvent accéder à une activité rémunérée ou au sport.

Par ailleurs, pour l’ensemble de l’établissement, les fouilles à corps sont insuffisamment tracées et, comme souvent, l’utilisation des moyens de contrainte lors des extractions est excessive et des procédures sont si mal conduites qu’elles malmènent les droits des personnes (s’agissant principalement du droit disciplinaire, de la retenue du courrier, du droit du travail pénitentiaire).

Mais on relève aussi que la nourriture servie aux personnes détenues est appréciée, que la gestion des cantines courantes ne crée pas d’insatisfaction, qu’il est possible de se faire soigner de manière complète et réactive, qu’on peut obtenir ou renouveler des documents d’identité et que l’offre d’enseignement est inclusive. Les incidents, qui se regroupent sous la vaste terminologie des trafics, sont rarement graves et ont surtout des conséquences sur les relations entre détenus. Les relations des détenus avec les surveillants ‒ et réciproquement ‒ sont pacifiques.

La richesse et la vivacité des partenariats constituent un point fort de la prise en charge des mesures d’incarcération à la MA de Limoges. Elles sont manifestes tant dans l’accès au droit, l’accès à la lecture et à la culture, dans l’attention portée aux liens familiaux que dans la préparation de la sortie.

Dans ce tableau valable pour la majorité de l’établissement, le quartier des mineurs présente un fonctionnement spécifique, d’autant plus qu’il est chroniquement sous-occupé.

Encore plus en marge du fonctionnement de l’établissement, les conditions d’exécution des mesures de semi-liberté témoignent du délaissement des locaux et des personnes et contribuent au faible taux d’occupation du quartier de semi-liberté pour les hommes et de la cellule de semi-liberté pour les femmes.

La plupart des constats négatifs sont induits par le double phénomène du vieillissement de la structure et de la surpopulation. Ils ne trouveront de résolution que dans une nouvelle construction adaptée à l’ensemble des besoins fonctionnels et quantitatifs. La situation très préoccupante constatée lors de la visite a fait l’objet d’un signalement de la Contrôleure générale au ministre de la Justice dès la fin de la mission en janvier 2022 ; ce courrier et la réponse qu’il a reçue sont annexés au présent rapport de visite.