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Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier Léon-Jean Grégory à Thuir (Pyrénées-Orientales)

Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier Léon-Jean-Gregory de Thuir (Pyrénées-Orientales)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Une équipe du CGLPL, constituée de six contrôleurs et d’un stagiaire, ont effectué une visite annoncée du centre hospitalier de Thuir (CHT, Pyrénées-Orientales), du 7 au 11 mars 2022. Un rapport provisoire a été adressé par courrier le 18 juillet 2022 à la cheffe de l’établissement, au préfet des Pyrénées-Orientales, à l’agence régionale de santé Occitanie, au président du tribunal judiciaire (TJ) de Perpignan ainsi qu’au procureur de la République près ce tribunal, pour une période contradictoire de quatre semaines. La cheffe d’établissement, le préfet, et le président du TJ ont fait valoir des observations par courrier, respectivement les 25, 10, et 29 août, qui ont été prises en compte.

L’établissement, construit en 1971 sur un flanc de colline, est accessible depuis la gare de Perpignan en voiture selon un trajet de 15 km, d’une durée de 20 min, et dispose de locaux propres, spacieux et bien entretenus. Sa capacité de 227 lits d’hospitalisation à temps complet est régulièrement confrontée à des situations de suroccupation dans certaines unités.

Le CHT fait face à des difficultés marquées de recrutement médical. Neuf des quarante-neuf équivalents temps plein de psychiatres ne sont pas pourvus, et trente-six postes de praticiens hospitaliers (psychiatres et généralistes) le sont par des praticiens contractuels seniors, des praticiens attachés et associés et des médecins étrangers originaires de pays hors union européenne. Une commission « recrutement médical », qui implique les médecins dans le recrutement de leurs pairs, a été mise en œuvre.

La politique de l’établissement a continué de prioriser avec engagement les patients, malgré un budget qui présente un déficit structurel, lié à une sous-dotation historique de sa dotation annuelle de financement, et les difficultés rencontrées dans le cadre de la crise sanitaire. Le CHT reste cependant en attente de réponses de l’agence régionale de santé Occitanie pour le financement de nombreux projets, élaborés au bénéfice des usagers. Il est regrettable que le comité d’éthique ne fonctionne plus depuis le mois de juin 2019.

Les longs délais d’obtention d’un rendez-vous avec un psychiatre au CMP accroissent le flux de patient qui se présentent aux urgences psychiatriques du centre hospitalier de Perpignan et compliquent la prise en charge ambulatoire des soins.

La quasi-exclusivité des patients admis en hospitalisation à la demande du directeur de l’établissement le sont selon les modes d’exception du péril imminent ou de l’urgence, plutôt que selon celui de la demande du tiers classique, ce qui les prive d’une double certification médicale ou de l’intervention d’un tiers signataire de la demande.

L’arrivée des patients n’est pas systématiquement corrélée au dépistage préventif de leurs consommations toxiques et à la vérification de l’existence des directives anticipées incitatives en psychiatrie. En revanche, l’utilisation du pyjama bleu institutionnel au motif d’une dissuasion du risque de fugue, constatée, a déjà été corrigée.

Les conditions d’hébergement sont dignes et les restrictions appliquées dans la vie quotidienne sont individualisées et assorties de consignes médicales tracées. La liberté d’aller et venir est respectée dans cet établissement ouvert sur la ville et disposant d’un vaste parc, dans lequel toutes les unités sauf une sont ouvertes et disposent d’un espace extérieur accessible. Les patients en soins sans consentement ont facilement accès à des permissions de sortir de l’établissement. L’application de la restriction des horaires et des modalités de visite excède toutefois celle des mesures de prévention gouvernementales liées à la crise sanitaire.

Les soins psychiatriques dispensés aux patients répondent à leurs besoins. L’accès aux activités thérapeutiques, parfois formalisé par des documents explicatifs spécifiques mais pouvant manquer d’homogénéité entre les différentes unités, est possible pour tous les patients. Toutes les unités bénéficient de la présence d’un médecin généraliste et l’exercice des soins somatiques est assuré. La préparation des projets de sortie, en équipe pluriprofessionnelle, est effectuée précocement dans le cadre du projet de soin. Cependant, la prise en charge particulière des patients-détenus porte atteinte à leurs droits fondamentaux. Celle des personnes âgées, des patients autistes et des mineurs, à l’exception des situations d’hospitalisation dans des unités pour adultes de ces derniers, bénéficient d’unités et d’équipes spécifiques pour des accompagnements pertinents.

Les professionnels de l’établissement sont engagés dans une politique institutionnalisée de moindre recours à l’isolement et à la contention. L’aménagement des chambres d’isolement, qui ne respecte pas la dignité des patients, va bénéficier d’une rénovation et d’une installation d’espaces d’apaisement. En revanche, les pratiques d’isolement et de contention dans les unités présentent une mise en œuvre très insuffisante des dispositions de l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique qui les encadrent.

S’agissant du contrôle des droits des patients, leurs mesures de soins sans consentement comme d’isolement et de contention sont contrôlées par le juge des libertés et de la détention, le registre de la loi est rigoureusement renseigné et la commission des usagers est particulièrement impliquée.

La direction, la communauté médicale et le personnel soignant ont accueilli les recommandations du CGLPL avec dynamisme lors de la réunion de restitution et fait preuve d’un investissement d’une qualité à souligner, dans leur réponse contradictoire.