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Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier Henri Laborit à Poitiers (Vienne)

Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier Henri Laborit de Poitiers (Vienne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la santé et de la justice auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Sept contrôleurs ont effectué une visite annoncée du centre hospitalier Henri Laborit (CHL) de de Poitiers (Vienne) du 30 mai au 3 juin 2022. Le rapport provisoire, rédigé à l’issue de la visite, a été transmis le 7 septembre 2022 au directeur du CHL, au préfet de la Vienne, aux chefs de juridiction de Poitiers et à l’ARS de Nouvelle-Aquitaine. Seul le directeur du CHL a fait valoir ses observations en retour, qui ont été intégrées dans le présent rapport définitif.

Le CHL est le seul établissement psychiatrique, public comme privé, sur le département de la Vienne qui recense plus de 437 000 habitants et quatre secteurs de psychiatrie adultes.

L’établissement est organisé en trois pôles : un pôle hospitalo-universitaire de psychiatrie adultes, un pôle de psychiatrie générale adultes et un pôle universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Chaque secteur pour adultes s’organise autour de trois unités d’hospitalisation complète (HC) (regroupées en « pavillons »), dont une fermée et deux ouvertes. Au moment de la visite, l’une des unités ouvertes du secteur 4 était « provisoirement » (depuis juin 2020) inactivée, par manque d’effectifs en infirmiers diplômés d’État.

S’y ajoutent des unités intersectorielles, notamment, s’agissant de services pouvant recevoir des patients en soins sans consentement (SSC), une unité d’hospitalisation complète (HC) pour patients institutionnellement dépendants et une unité de psychiatrie des personnes âgées.

L’offre totale en HC pour adultes susceptible de recevoir des patients en SSC était, au moment de la visite, de 202 lits, auxquels s’ajoutent onze lits en chambre d’isolement (CI).

En pédopsychiatrie, l’établissement offre en théorie seize lits d’HC (cinq en unité fermée et onze en unité ouverte). Toutefois, au moment du contrôle, cinq lits étaient « gelés » dans l’unité ouverte.

Les patients en SSC sont, en première intention, admis dans une unité fermée mais ils peuvent, selon leur clinique ou l’évolution de celle-ci, être affectés en unité ouverte. Aucun patient en soins libres (SL) n’est admis dans une unité fermée (sauf dans les unités pour patients institutionnellement dépendants et de psychiatrie des personnes âgées, qui sont à « accès contrôlé »).

En dépit d’une nouvelle organisation, le CHL a peu évolué depuis la dernière visite du CGLPL. Il peut cependant capitaliser sur une situation financière saine et des ressources humaines lui permettant de répondre aux besoins en dépit de difficultés croissantes d’attractivité et de fidélisation, notamment en personnel infirmier.

L’hôpital offre une prise en charge de qualité tant du point de vue psychiatrique que somatique. Si des disparités sont perceptibles entre les pôles (en termes de nombres de lits par habitant – presque du simple au double –, de postes pourvus et de postes d’internes), la présence médicale est quotidienne dans les unités, du moins en semaine. Un grand nombre d’activités thérapeutiques sont proposées, effectivement accessibles aux patients y compris ceux des unités fermées.

Toutefois, l’activité soutenue et la réduction de l’offre de lits entraînent une suroccupation croissante, avec des conséquences fortement préjudiciables pour les patients : hébergements de plus en plus fréquents en dehors de l’unité de secteur, augmentation du nombre d’enfants hospitalisés chez les adultes, lit surnuméraire dans la chambre, impossibilité de conserver la chambre miroir en cas d’isolement, utilisation des chambres d’isolement comme des chambres ordinaires, occupation de la chambre d’un patient en permission de sortie, sorties précoces, recherches de solutions d’accueil dans d’autres établissements plus éloignés ou encore files d’attente à l’admission.

Les travaux opérés ces dernières années permettent d’offrir des conditions matérielles de prise en charge de très bonne qualité mais encore inégales selon les pavillons. Une hétérogénéité est également observée dans les pratiques des unités quant aux restrictions, relativement peu nombreuses, dans la vie quotidienne.

En revanche, des insuffisances criantes ont été déplorées en matière d’information des patients en général et plus spécifiquement s’agissant de la notification des droits propres aux patients en soins sans consentement : les décisions du directeur ne sont pas prises en temps réel le week-end, leurs motivations sont insuffisantes, elles ne sont pas remises aux patients et les droits prévus à l’article L. 3211-3 du CSP ne sont pas notifiés. En revanche, le nom du tiers demandeur figure sur les décisions d’admission.

Enfin, le recours à l’isolement et à la contention doit être encore davantage réfléchi pour réellement constituer une pratique de dernier recours, en conformité avec le discours porté par l’établissement. Les conditions matérielles de l’isolement ne sont pas satisfaisantes, certaines chambres d’isolement n’étant pas conformes aux normes et trop d’isolements s’effectuant en espace non dédié. L’existence d’une chambre d’isolement dans l’unité de pédopsychiatrie n’est pas admissible. Des décisions « si besoin » sont parfois prises et le renouvellement des mesures peut être effectué par un interne, parfois même à distance sans voir le patient, et sans validation par un senior. L’organisation des lignes de garde et d’astreinte concourt immanquablement à ce que des mesures d’isolement ou de contention perdurent la nuit ou le week-end au-delà de toute justification médicale.

Les nouvelles dispositions législatives et réglementaires relatives à l’information du JLD et des proches en matière d’isolement ou de contention prolongés devaient être mises en œuvre la semaine suivant le contrôle. La réponse du directeur du CHL au rapport provisoire n’a pas permis de justifier de cette mise en œuvre ni, plus globalement, de considérer que certaines recommandations ont été prises en compte ou sont en voie de l’être.