Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite de l’établissement public de santé Barthélémy Durand à Etampes (Essonne)

Rapport de la deuxième visite de l’établissement public de santé Barthélémy Durand à Etampes (Essonne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

L’établissement public de santé Barthélémy Durand (EPSBD) assure les soins de psychiatrie au profit des habitants de neuf secteurs pour les adultes et de trois secteurs pour les mineurs, ainsi que de tous les adolescents en crise du département de l’Essonne nécessitant une hospitalisation. L’hospitalisation complète offre 273 lits pour une population de 1,3 million d’habitants, répartis sur les deux sites d’Etampes (site sud) et Sainte-Geneviève-des-Bois (site nord). L’organisation est faite autour de trois pôles : un pôle rassemblant toute la psychiatrie adultes, un pôle enfant et adolescent et un pôle transversal de recours et recherche.

Le contrôle a porté sur cinq unités du site Nord, quatre unités du site Sud, l’unité pour adolescents et le service des urgences du CH de Longjumeau.

1 – Sur l’organisation des soins en général

En amont de l’admission, les urgences psychiatriques ne sont pas organisées à l’échelle du territoire. De nombreux services d’urgence n’ont pas de psychiatre ni d’infirmier de psychiatrie, à l’exception des urgences du CH de Longjumeau. Des difficultés sont également constatées dans la prise en charge des urgences de pédopsychiatrie et de nombreux mineurs sont hospitalisés dans les services pour adultes.

L’accès aux soins psychiatriques, à proprement parler, est satisfaisant sur le plan clinique, mais perturbé par les mouvements de nombreux patients entre secteurs pendant leur séjour. L’absence de projet de service médico soignant comme souvent le manque de chef de service ne permet pas de comprendre l’organisation des soins au quotidien, qui semble basée sur la quête permanente  des cadres pour trouver des soignants afin d’atteindre partout un effectif minimum dit « de sécurité ». Celui-ci tend alors à devenir le mode de fonctionnement habituel ; l’établissement exerce ainsi très souvent ses missions en mode dégradé. Des disparités sont fortes entre les services y compris d’un même site, certains  disposant d’ergothérapeutes, de psychomotriciens ou de psychologues, d’autres pas.

Par ailleurs, cette désorganisation permanente des plannings limite l’accès aux activités pour les patients alors même que l’établissement dispose d’un potentiel d’animation conséquent. Un système de remplacement rémunéré en heures supplémentaires a toutefois été mis en place après le contrôle.

Concernant la ressource médicale, il y a actuellement dans une majorité de secteurs, davantage de médecins sans plénitude d’exercice et en formation que de médecins praticiens hospitaliers titulaires ; la situation est encore plus préoccupante pour la pédopsychiatrie. Le nombre trop important de praticiens associés ne permet ni de les former, ni de répondre aux exigences médico légales des textes régissant les soins sans consentement, ni d’assurer pour les titulaires une sérénité dans les délégations données. D’autant qu’aucun étayage professionnel n’est proposé à l’échelle du pôle.

Concernant les soins somatiques, ils sont parfaitement assurés. En revanche, l’équipe de liaison en addictologie n’est pas médicalisée.

2 – Sur la prise en compte du patient sujet de droit

Les règles d’information du patient sont généralement méconnues. Les décisions du directeur ou du préfet sont certes notifiées à la personne concernée mais le certificat médical, qui n’est pas repris in extenso dans la décision, ne lui est pas joint. De plus, les décisions ne sont pas toujours données en copie aux patients. L’établissement s’est engagé à y remédier.

Concernant la liberté d’aller et venir, l’EPSBD se caractérise par un grand nombre d’unités ouvertes, seules deux étant fermées lors du contrôle pour des cas particuliers, sachant que les patients autorisés pouvaient sortir en sollicitant les soignants. Des montres badges permettent partout d’offrir une autonomie aux patients dans la fermeture-ouverture de la chambre et de l’unité.

3. Sur les locaux

Globalement, le CGLPL note sur le site nord, une architecture totalement adaptée aux besoins des soins de psychiatrie et à la liberté d’aller et venir, avec de ce fait une différence avec le site sud où l’on trouve encore beaucoup de chambres doubles et exiguës. Un schéma directeur immobilier devrait à moyen terme, harmoniser les locaux vers l’excellence, d’autant que les deux sites disposent de vastes espaces extérieurs.

En revanche, les parties dites « fermables », qui semblent très peu utilisées en tant que telles, interrogent sur leur utilité de même que les chambres dites également « fermables ».

Les chambres d’isolement (CI) sont, en ce qui les concerne, quasi exemplaires au nord puisque disposant de tout ce qui peut être propice à l’apaisement comme l’accès à l’extérieur, à un salon pour y prendre ses repas assis, avec des fauteuils pour les soignants comme pour le patient et l’accès à un bouton d’appel. Les CI du sud sont moins propices à l’apaisement du fait de l’absence de patio propre (sauf pour G02) et de l’accès direct du salon de la CI sur le couloir de l’unité.

4. Sur la pratique de l’isolement

La pratique de l’isolement a fait l’objet de formations mais il est dommage que l’exploitation du registre n’ait pas été débattue au sein de chaque service, de manière pluridisciplinaire et régulière.

L’analyse de ce registre montre une quasi-absence d’utilisation de la contention (0,43% des patients admis en 2021) dans les services contrôlés, d’une durée de 3 à 12 heures. Le taux de patients admis en phase d’isolement est de 16 % à l’échelle de l’établissement. Les chiffres sont enfin très élevés chez les mineurs puisque 28 % des mineurs admis à l‘UHPA ont eu une phase d’isolement en 2021. La mise en place d’un espace d’apaisement a cependant permis, pour le début de l’année 2022, de ramener ce taux à 16%, ce qui reste très atypique.

Enfin, les contrôleurs estiment indigne la présence des agents de sécurité lors des ouvertures de portes des CI, d’autant que cette présence dans les lieux de soins n’est pas décidée par le médecin, ni inscrite dans le dossier médical, ni liée au déclenchement des dispositifs d’alerte.

5. Sur les autres restrictions de liberté

Concernant les autres restrictions de liberté, l’établissement a développé des pratiques plutôt respectueuses : les chambres sont accessibles en permanence, il n’y a pas d’obligation de port du pyjama sauf en CI, le tabac est habituellement laissé au patient. Il est regretté que les cordons chargeurs de téléphone soient encore systématiquement retirés et que les familles ne puissent entrer dans les chambres des patients, ce que l’établissement semble méconnaître.

La recherche du consentement dans les soins n’est pas totalement respectée : les observations du patient ne sont pas retranscrites sur les certificats médicaux, eux-mêmes non remis aux patients, et la personne de confiance est peu associée aux soins ; en revanche, la conciliation médicamenteuse est mise en place pour les plus de 65 ans et les directives anticipées en psychiatrie (ou plans de prévention des crises) sont en cours de mise en œuvre.