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Rapport de la deuxième visite de l’établissement public de santé de Ville-Evrard – site de Bondy (Seine-Saint-Denis)

Rapport de deuxième visite de l’établissement public de santé de Ville-Evrard – site de Bondy (Seine-Saint-Denis)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Une équipe du CGLPL constituée de cinq contrôleurs a effectué une deuxième visite du centre psychiatrique du bois de Bondy dépendant de l’établissement public de santé séquano-dionysien de Ville-Evrard (EPSVE), du 16 au 19 janvier 2023. La première visite, ancienne, date du mois de février 2012.

Le site, relocalisé en 2001 depuis celui, historique, de Neuilly-sur-Marne, est accessible en voiture et en bus. Son architecture contemporaine présente un bâtiment comprenant deux niveaux, en forme de U ceignant un jardin arboré et un parking dont la capacité est insuffisante. Le site est doté d’une capacité totale de trente-huit lits, destinés à la prise en charge de l’ensemble des pathologies psychiatriques de personnes adultes réparties dans cinq des quarante communes du département.

Le projet de restructuration de l’EPSVE, prévu entre 2023 et 2030, ne comprend pas de rénovation du site de Bondy pour l’amélioration des conditions d’accueil et de prise en charge des patients. Il pourrait par ailleurs répondre insuffisamment aux enjeux en l’absence d’un recrutement adapté au fonctionnement des unités de soins et d’une organisation fonctionnelle des pôles adéquate.

Les constats du CGLPL révèlent des atteintes spécifiques à l’exercice des droits fondamentaux des patients hospitalisés en soins sans consentement sur le site « Les Pavillons-sous-Bois », certaines comparables à celles observées sur celui de Neuilly-sur-Marne, dans un contexte de tension capacitaire continue.

La dotation populationnelle en lits insuffisante et les difficultés de recrutement du personnel médical comme paramédical permettent difficilement à l’établissement l’exercice serein de ses missions et un accès adapté des patients aux soins, et ce malgré une utilisation du budget qui les priorise.

Les patients sont hébergés dans des locaux dégradés qui appellent des évolutions urgentes, ne garantissant pas un accès efficace au chauffage et à l’eau chaude, ni la préservation de l’intimité. La liberté d’aller et venir, entravée de façon préoccupante, concerne les patients hospitalisés en soins sans consentement au-delà des dispositions légales, et ceux en soins libres, tous enfermés dans les unités et devant demander une permission, sonner et attendre pour entrer et sortir, alors que l’autorisation devrait être la règle.

Les constats sont comparables à ceux effectués sur le site principal de Neuilly-sur-Marne concernant l’évolution des pratiques d’isolement et de contention et leur traçabilité, insuffisamment inscrites dans le cadre de l’évolution des dispositions législatives, au motif notamment du défaut d’une formation adaptée, régulièrement dispensée et destinée à l’ensemble du personnel soignant. L’existence de chambres d’isolement indignes et l’absence de salons d’apaisement reflètent la faible mise en œuvre d’une politique d’alternatives à ces pratiques. Des mesures d’isolement sont prises par des médecins non-psychiatres et des patients sont parfois hébergés en chambre d’isolement faute de conservation de leur chambre hôtelière. Le défaut d’un professionnel responsable du département d’information médicale requiert un recrutement urgent, s’agissant notamment d’un recueil pertinent et statistiquement exploitable des données concernant l’activité liée aux soins sans consentement et aux pratiques d’isolement et de contention.

Les procédures d’information des patients et de notification des décisions sont essentiellement orales, sans remise d’aucun document s’agissant des modalités d’hospitalisation en soins sans consentement et des droits et voies de recours, alors qu’il n’existe aucun examen par la commission départementale des soins psychiatriques, inexistante.

Le pôle G11 dispose d’un centre accueil des urgences psychiatriques (CAUP) au sein du centre hospitalier intercommunal André Grégoire (CHIAG) à Montreuil, alors que le pôle G14 a mis en œuvre une équipe mobile d’accueil des urgences et de la crise (EMAUC), dont la structure se trouve sur le site.

Dans ce contexte, les soignants, impliqués dans leurs missions respectives, dispensent des soins psychiatriques de qualité, limités par les contraintes permanentes d’effectifs et de disponibilité des lits. L’existence d’un centre d’accueil spécifique dans un pôle et d’une équipe mobile dédiée dans l’autre garantit une prise en charge protocolisée de qualité des urgences psychiatriques.

Les patients concernés par une indication de prise en charge en réhabilitation psychosociale ne bénéficient d’aucun soin spécifique, en l’absence de soignants formés et de locaux réservés sur le site, et d’orientation vers l’unité spécifique du site de Neuilly-sur-Marne.

Les outils d’appui au consentement et à la qualité de l’alliance thérapeutique sont insuffisamment mis en œuvre, en l’absence de désignation des personnes de confiance dans un pôle, de rédaction systématiquement proposée des directives anticipées en psychiatrie et d’intervention de médiateurs de santé pair.

Des soins somatiques de qualité sont assurés par une généraliste investie. Les soignants d’un pôle ne sollicitent pas l’appui du comité « SIDA Sexualités Prévention », afin que les patients bénéficient des outils de soins et des actions spécifiques concernant la vie affective et sexuelle.

La préparation des projets de sorties est précoce et s’appuie sur une politique partenariale territoriale pertinente, qui permet de réduire la durée des hospitalisations.

Le CGLPL incite l’ensemble des équipes soignantes du site « Les pavillons-sous-Bois » de Bondy à maintenir la qualité des soins dispensés et sollicite l’établissement pour une adaptation pertinente de son projet de restructuration, vers une logique d’amélioration des parcours de soins, individualisés et respectueux des droits fondamentaux des patients.

Un rapport provisoire a été adressé le 13 juin 2023 à la cheffe de l’établissement, au préfet du département de Seine-Saint-Denis, à l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, au président et au procureur de la République du tribunal judiciaire (TJ) de Bobigny pour une période d’échange contradictoire de quatre semaines. Seule la directrice de l’établissement a fait valoir des observations en retour, par courrier 11 juillet, prises en compte dans le présent rapport définitif.