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Rapport de visite du centre hospitalier de Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence)

Rapport de visite du centre hospitalier de Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Une équipe du Contrôleur général des lieux de privation de liberté a visité le centre hospitalier de Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence) du 30 novembre au 4 décembre 2020. Un rapport provisoire dressant les constats relevés lors de cette visite a été adressé au chef d’établissement, au préfet du département, au président du tribunal judiciaire de Digne-les-Bains et au procureur près ce tribunal, ainsi qu’à l’agence régionale de santé de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le chef d’établissement a fait valoir des observations, qui ont été prises en compte et intégrées dans le présent rapport, en police bleue, après chaque recommandation.

Le centre hospitalier regroupe, depuis l’an 2000, les services du secteur médecine-chirurgie-obstétrique, transférés et rebâtis sur l’emprise de ceux de la psychiatrie, qui accueillent des patients en soins sans consentement. L’état bâtimentaire de l’ensemble des unités de psychiatrie montre une vétusté très marquée, toujours évolutive, qui nécessite des travaux d’amélioration de la qualité des soins psychiatriques, des conditions d’hébergement des patients et des conditions de travail des soignants, pour lesquels l’établissement dispose d’un budget spécifique, versé en 2015. Après une période de pilotage en contrat de retour à l’équilibre financier entre 2015 et 2019, ce projet de restructuration complète n’avait pas débuté le jour de la visite de contrôle. L’effectif du personnel paramédical est resté stable pendant la période des trois dernières années, alors que celui du personnel médical révèle 23 % de postes non pourvus et des difficultés majeures de recrutement. La pénurie de psychiatres dans l’établissement est difficilement contrôlée par l’usage d’une diversification du recrutement médical, qui implique celle de la formation des praticiens (aussi issus de reconversions professionnelles, titulaires de diplômes européens ou extra européens, intérimaires). La diversité des formations complémentaires proposées aux infirmiers possède une marge d’amélioration.

Bien que présent dans l’esprit des professionnels, le sujet des droits fondamentaux des patients s’agissant de la connaissance et de l’exercice des libertés individuelles n’est pas suffisamment inscrit dans une politique formalisée et animée. Ont été relevés : l’absence de motivation des décisions du directeur portant admission ou prolongation des mesures de soins sans consentement, leur signature et leur notification tardives, la méconnaissance des équipes de plusieurs droits des patients, l’ignorance du personnel s’agissant du collège des professionnels instauré par la loi du 5 juillet 2011, une large utilisation des programmes de soins en contradiction avec la loi du 27 septembre 2013, le minimalisme de la commission départementale des soins psychiatriques dans l’exercice de ses missions, l’absence de salle d’audience foraine pour le juge des libertés et de la détention dans cet établissement, qui n’est par ailleurs pas visité par les autorités.

Les restrictions de liberté de circulation sont mesurées, l’ouverture des unités étant une philosophie et un outil de soin historiquement choisis et délibérément maintenus dans la pratique des soins psychiatriques de cet établissement, à l’exception des décisions de fermetures d’unités dans le contexte de la pandémie de coronavirus et de celle de l’unité de gérontopsychiatrie, afin d’éviter que ne s’égarent des personnes atteintes de troubles démentiels. L’hébergement des patients s’effectue en revanche dans des locaux indignes, notamment s’agissant des unités de réhabilitation psychosociale, de gérontopsychiatrie et d’accueil des patients au long cours, pour lesquelles la nécessité de réalisation des travaux a atteint le degré de l’urgence.

S’agissant des soins, les patients bénéficieraient de la mise en œuvre d’un accueil, équivalent à celui de la population générale, dans l’ensemble des services de soins généraux lorsqu’une indication le requiert. Les chambres d’isolement ne respectent pas les attendus de dignité et de sécurité pour l’hébergement de patients et le registre sur lequel sont renseignés les décisions d’isolement et de contention, qui n’a pas bénéficié d’une informatisation, n’en permet ni le recueil homogène ni l’exploitation statistique.

Enfin, en l’absence de toute offre de soin spécifique, dans l’établissement, pour leur accueil en hospitalisation à temps complet, les mineurs sont pris en charge dans des structures extra-départementales inadaptées à leur présentation clinique ou hospitalisés dans les unités de psychiatrie pour adultes, au mépris de leurs droits fondamentaux.

Le centre hospitalier de Digne-les-Bains dispose toutefois d’équipes soignantes professionnelles et investies auprès des patients de psychiatrie. Leur dynamisme, dans un contexte de soutien d’une administration qui a fait preuve d’un certain discernement dans ses réponses contradictoires au rapport provisoire, pourrait permettre une évolution soucieuse des droits des patients dans l’élaboration et la conduite des projets de soins.