Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la troisième visite du centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne)

Rapport de la troisième visite du centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne)

Observations du ministère de la justice – centre de détention de Joux-la-Ville (3e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

Synthèse

Une équipe du contrôle général des lieux de privation de liberté a visité le centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne) du 2 au 6 août 2021. Un rapport provisoire a été adressé à la cheffe d’établissement, au président du tribunal judiciaire d’Auxerre, au procureur de la République près ce tribunal, à l’agence régionale de santé Bourgogne-Franche Comté, au directeur du centre hospitalier d’Auxerre et à celui du centre hospitalier spécialisé de l’Yonne, pour une période contradictoire de quatre semaines. La cheffe d’établissement a fait valoir des observations qui ont été prises en compte et intégrées dans le présent rapport.

Le centre de détention de Joux-la-Ville est un établissement bâti en 1990, dans le cadre du programme 13 000, dont les locaux sont bien entretenus et qui dispose d’une capacité théorique maximale de 602 places. Son implantation rurale et isolée, éloignée des gares SNCF, sans desserte d’aucun transport en commun, ne permet qu’un accès au moyen d’un véhicule personnel ou d’un taxi, onéreux, pour les familles des personnes détenues.

L’établissement, qui accueille 51 % d’auteurs d’infractions à caractère sexuel, respecte lors de la visite l’encellulement individuel avec un taux d’occupation de 82 %. Les effectifs du personnel de surveillance lui permettent de répondre à ses missions mais ceux du SPIP sont insuffisamment pourvus. La formation ne bénéficie pas d’un plan établi et demeure lacunaire.

L’organisation de l’arrivée des personnes détenues en détention révèle des disparités d’information pour les détenus non francophones, des conditions matérielles d’accueil appelant des améliorations, une insuffisance d’activités ainsi qu’une procédure d’affectation dans les bâtiments répondant plus à la contrainte des places disponibles qu’à la prise en compte des observations formulées lors du séjour dans l’unité d’observation et de transition.

Les conditions de vie en détention respectent la dignité des personnes détenues mais le régime différencié, perçu et utilisé comme un outil de gestion de l’ordre, ne fait pas l’objet d’une information claire, s’agissant de ses règles de fonctionnement comme du droit de contester une décision de changement de régime par le moyen d’un recours hiérarchique et contentieux.

La gestion de l’ordre intérieur se distingue par une utilisation individualisée des moyens de contrainte et une pratique des fouilles qui, bien que fréquentes, sont effectuées sans excès et correctement tracées. En revanche, la pratique disciplinaire est stricte, son application à l’encontre des personnes détenues punies s’avère excessive, et l’isolement est exclusivement utilisé à des fins sécuritaires.

S’agissant de l’accès aux droits, le système de traitement des requêtes orales et écrites paraît répondre aux attentes des personnes détenues. Si l’obtention des pièces d’identité est facilitée, le renouvellement des titres de séjour est pratiquement impossible. Le point d’accès aux droits est inexistant depuis plusieurs années et le droit d’expression collective, qui n’est pas mis en œuvre dans le quartier des femmes, se trouve détourné de son objectif dans celui des hommes.

L’accès aux soins requiert une évolution urgente de son organisation afin de pallier les très longs délais d’accès des patients détenus aux soins somatiques spécialisés, qui ne répondent pas à leurs besoins, et aux soins psychiatriques dont les délais peuvent atteindre une année. La surveillance spécifique de la prévention d’un geste suicidaire, qui concerne près d’un quart des personnes incarcérées, sans que le personnel ne bénéficie d’une formation spécifique, est préoccupante.

Le taux d’emploi, durablement médiocre, ne concerne que 10 % de la population pénale malgré des conditions de travail satisfaisantes. Les activités sportives mobilisent trop peu les personnes détenues et l’offre restreinte des activités socioculturelles s’est encore appauvrie depuis le début de la crise sanitaire.

Enfin, le projet d’exécution des peines, dépourvu de sens comme d’investissement, demeure le triste corollaire d’une politique d’application des peines peu favorable et incomprise de la population pénale, confrontée à l’absence de protocolisation d’un processus sortant qui conduit à de trop fréquentes sorties sans projet d’hébergement.

Ces constats requièrent des évolutions managériales et organisationnelles, nécessaires à l’élaboration de synergies et d’une dynamique vertueuses, au bénéfice du respect des droits fondamentaux des personnes détenues et des conditions d’exercice du personnel, apparu investi.