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Rapport de la troisième visite du centre de détention de Châteaudun (Eure-et-Loir)

Rapport de la troisième visite du centre de détention de Châteaudun (Eure-et-Loir)

Observations du ministère de la justice – centre de détention de Châteaudun (3e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations.

 

Synthèse

Neuf contrôleurs ont effectué une visite du centre de détention (CD) de Châteaudun (Eure-et-Loir) du 4 au 12 octobre 2021. Cette mission constituait une troisième visite faisant suite à un premier contrôle réalisé du 1er au 5 mars 2010[1] et un deuxième contrôle effectué du 1er au 5 juin 2015[2].

Un rapport provisoire a été adressé le 12 avril 2022 au chef d’établissement, au directeur du centre hospitalier de Châteaudun en ce qui concerne les soins somatiques, au directeur du centre hospitalier spécialisé Henry Ey de Bonneval pour les soins psychiatriques ainsi qu’à la présidente du tribunal judiciaire de Chartres et au procureur de la République près la même juridiction.

A la date du 11 mai 2022, le directeur du centre de détention, le directeur fonctionnel du service pénitentiaire d’insertion et de probation d’Eure-et-Loir, la présidente du tribunal judiciaire de Chartres ainsi que la directrice du centre hospitalier de Châteaudun ont fait valoir leurs observations ; celles-ci ont été intégrées au rapport définitif.

Le centre de détention de Châteaudun, ouvert en 1991, compte 597 places théoriques et deux cellules de protection d’urgence (CproU).

Au 5 octobre 2021, l’établissement hébergeait 553 personnes détenues. Sauf demande particulière formulée par deux personnes voulant cohabiter, l’encellulement était individuel.

L’établissement employait 186 agents pénitentiaires placés sous l’autorité du directeur, toutes catégories confondues. L’antenne du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), placée sous l’autorité du directeur fonctionnel du service pénitentiaire d’insertion et de probation (DFSPIP) d’Eure-et-Loir, comptait dix conseillers d’insertion et de probation. Le SPIP bénéficiait également d’une assistante de service social.

Lors de cette troisième visite, les contrôleurs ont relevé peu d’améliorations sensibles eu égard aux recommandations émises lors des précédents contrôles. Cependant, ils ont noté que l’établissement s’était doté d’unités de vie familiale ; que le SPIP avait réactivé un partenariat propice à la préparation à la sortie et, par ailleurs, développé les activités socio-culturelles ; qu’avait été suivie d’effet la préconisation visant à la création d’une brigade spécifique pour la surveillance des parloirs et que la journée de travail des personnes détenues avait été organisée de manière continue.

A l’inverse, plusieurs recommandations n’ont pas été suivies d’effet.

Le manque de lisibilité du régime différencié et son caractère arbitraire formulés lors de la précédente visite s’est révélé être toujours d’actualité. La fermeture des portes des cellules est privilégiée et fait prévaloir la notion de sécurité sur celle de socialisation ou de réinsertion des personnes condamnées à de longues peines. Le quartier d’isolement a peu évolué depuis la visite précédente et présente toujours des conditions de détention dégradées. Les personnes isolées ont d’importantes difficultés d’accès aux activités, à l’enseignement et au travail. A l’instar des constats de 2015, l’offre de prise en charge psychiatrique s’avère très insuffisante par rapport au nombre de personnes détenues et aux besoins exprimés. Les cellules pour les personnes à mobilité réduite n’ont pas été aménagées et restent toujours inadaptées.

En outre, le présent contrôle a fait émerger de nouvelles difficultés, qui ont été développées lors de la réunion de restitution, en fin de mission.

La première de ces préoccupations a trait à la mise en œuvre d’un protocole sécuritaire rendant l’ambiance générale plus oppressante qu’elle ne l’était. Des modifications d’importance sur la structure témoignent désormais de la prégnance de la préoccupation sécuritaire. Les allées extérieures reliant les bâtiments et les cours de promenade ont été rendues aveugles par la pose de bardages obscurcissant les espaces de circulation qui, associés aux locaux et aux cours exigus, aux portes de cellule majoritairement fermées, amplifient l’atmosphère de claustration. Par ailleurs, la vie quotidienne est scandée par des blocages incessants de circulation résultant du regroupement de tous les mouvements. Cette organisation stricte des déplacements de manière à isoler les catégories de population se heurte au partage de certains équipements réduit leur utilisation, ce qui accroit le temps passé en cellule.

La deuxième complexité concerne l’implantation d’une unité pour détenus violents qui s’apparente à un quartier d’isolement hypersécurisé. Le port de menottes y prévaut sans que soit justifié que seul ce moyen de contrainte permette de réduire les risques éventuels. Il a été conseillé qu’en amont de l’affectation de personnes détenues dans cette unité, l’équipe de surveillants, spécifiquement formée à ce mode de prise en charge, soit sollicitée.

La troisième difficulté relevée porte sur le caractère quasi systématique des fouilles en sortie de parloir et ce dans des proportions démesurées, allant jusqu’à la totalité des personnes ayant obtenu un parloir durant l’été 2020. Enfin, comme relevé en 2015, la traçabilité des fouilles intégrales n’est pas exhaustive.

La dernière interrogation concerne l’application des peines. De la même manière qu’en 2015, les personnes détenues comme le personnel pénitentiaire ont fait état de difficultés à comprendre la politique d’application des peines mise en œuvre. Les conditions d’octroi des permissions de sortir mériteraient notamment d’être explicitées à la population pénale. Il est fait état de rejets de demandes, avant même d’être portées au rôle, en raison d’un délai imposé après une précédente requête.

Le changement récent de direction pourra probablement permettre que soient utilisées les recommandations de ce rapport comme autant de leviers d’action, dans un établissement qui dispose de beaucoup d’atouts mais qui doit désormais se réinventer.

[1] CGLPL, Rapport de la 1ère visite du centre pénitentiaire de Châteaudun, 2010.

[2] CGLPL, Rapport de la 2ème visite du centre pénitentiaire de Châteaudun, 2015.