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Rapport de la quatrième visite du centre éducatif fermé de Pionsat (Puy-de-Dôme)

Rapport de la quatrième visite du centre éducatif fermé de Pionsat (Puy-de-Dôme)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Quatre contrôleurs ont effectué une visite inopinée du centre éducatif fermé (CEF) « l’Arverne », à Pionsat (Puy-de-Dôme) du 9 au 11 février 2022. Il s’agit de la quatrième visite ; la première en 2013 avait donné lieu à des recommandations en urgence[1], la deuxième s’est déroulée en 2015 et la troisième en 2017. En novembre 2019, un rapport de l’inspection générale de la justice préconisait la fermeture du CEF en raison du cumul de dysfonctionnements constatés depuis plusieurs années en lien avec une problématique insoluble en termes de ressources humaines.

Cet établissement, qui relève du secteur associatif habilité, a vocation à accueillir douze garçons, âgés de 13 à 16 ans. L’association Le Cap est propriétaire des murs et était gestionnaire jusqu’en 2015. A la suite d’une série d’incidents, de fermetures administratives, et du second rapport du CGLPL, la PJJ a demandé au groupe SOS de prendre la gestion de l’établissement.

Au moment de la visite, le CEF accueillait sept mineurs[2]. Il se trouvait en phase de transition avec l’arrivée d’un nouveau directeur le 17 janvier 2022. Le contexte en termes de ressources humaines était très instable[3]. Les éducateurs contractuels non qualifiés remplaçaient les nombreux postes découverts et les rares professionnels qualifiés restant en poste étaient amenés à assurer plusieurs missions. Depuis la dernière visite en 2017, le CEF a connu plusieurs directeurs et chefs de service pédagogique et éducatifs.

L’équipe éducative manifeste un réel souci d’offrir aux mineurs un accompagnement cohérent malgré ce tableau catastrophique en termes de ressources humaines. Ils doivent pour y parvenir impérativement être accompagnés par un programme de formation adapté à leur niveau de compétence.

Certaines recommandations émises lors de la dernière visite ont été prises en compte. Ainsi, le CEF dispose désormais de documents pédagogiques supports d’une action éducative cohérente (rédaction d’un projet d’établissement et tenue du document individuel de prise en charge). La tenue et l’organisation des dossiers des mineurs permet de suivre leur parcours et leur évolution au sein du CEF.

Les bonnes pratiques relevées précédemment ont été maintenues. L’organisation d’activités encadrées et régulières, selon un planning hebdomadaire connu des mineurs, individualisé et présenté de manière ludique contribue à donner du sens au placement. Par ailleurs, l’établissement ne se dessaisit pas du placement des jeunes incarcérés en cours de mesure.

Sur les principaux constats :

  1. Le projet d’établissement doit être mis en cohérence avec les pratiques professionnelles

Le projet d’établissement permet de tourner le CEF encore davantage vers l’extérieur et le développement actuel du réseau partenarial local paraît pertinent.

Néanmoins, le système de sanction est présenté dans les documents institutionnels sous la forme d’un tableau catégorisant les transgressions et fixant des types de sanction applicables. Or il n’est pas appliqué. Les divergences entre les écrits et leur application peuvent créer des tensions avec les mineurs. De plus, le livret d’accueil remis au mineur n’est ni lisible ni accessible.

Par ailleurs, les règles de fonctionnement prévoient la présence d’un éducateur lors des échanges téléphoniques entre le mineur et sa famille. Une recommandation avait été émise en 2017 pour dénoncer cette pratique qui porte atteinte à la confidentialité des échanges et à l’intimité du mineur.

Enfin, l’instauration d’une procédure d’accueil du mineur permettant d’harmoniser les pratiques est préconisée au regard de la sensibilité de ce moment.

  1. L’individualisation de la prise en charge du mineur dans sa globalité est garantie

Le projet individuel est construit avec des objectifs réalisables en fonction des capacités du mineur, l’emploi du temps est cohérent, la préparation à la sortie est anticipée. De plus, une bonne articulation avec les services de milieu ouvert est constatée et la complémentarité des interventions est organisée dans le cadre du document individuel de prise en charge. L’accompagnement du mineur dans son affaire pénale est assuré par le CEF en sus du service de milieu ouvert, avec la possibilité de contacter le conseil du mineur.

L’offre d’activités est variée et permet de valoriser les compétences des jeunes même si certaines activités (atelier de création musicale et informatique) étaient suspendues au moment du contrôle, ce qui est regrettable.

L’insertion professionnelle et dans la cité est un point fort, des stages de découverte des métiers sont proposés et l’investissement dans ce cadre est valorisé. En revanche, il est inadmissible que l’éducation nationale n’assure pas sa mission d’éducation scolaire de manière continue du fait du départ non remplacé de l’enseignante détachée et alors que les mineurs, âgés de 16 ans au plus, ont l’obligation scolaire.

L’accès aux soins est assuré par le psychologue faute d’infirmier en poste au moment du contrôle. Un médecin généraliste rencontre les mineurs à leur arrivée et intervient dans l’établissement en fonction des besoins. Les mineurs ont accès aux soins dentaires et aux consultations spécialisées et un médecin psychiatre exerçant dans un département limitrophe les reçoit rapidement le cas échéant. En revanche, les locaux sont complétement inadaptés, manquent d’hygiène et sont sous équipés en mobilier. Le projet de restructuration du CEF en cours devra comprendre la réfection entière de la salle de soins.

Enfin, le maintien des liens familiaux et le travail avec la famille sont assurés malgré l’éloignement géographique, avec des financements de trajets ou de gîte le cas échéant.

III.        Les conditions de vie sont insatisfaisantes

Les locaux communs sont dans un état d’hygiène déplorable. De plus, un grand désordre a été constaté dans les espaces de stockage. Enfin, la maintenance n’est pas suffisamment suivie, les réparations ne sont pas assez régulières pour un établissement récent.

En conclusion, la situation est très fragile. Néanmoins, au moment du contrôle, la prise en charge du mineur est au centre des préoccupations des professionnels rencontrés. Le défi est de pérenniser la nouvelle dynamique engagée, à condition d’une stabilisation des équipes de direction et éducatives, d’une adhésion à un projet commun et d’une formation adaptée au niveau des professionnels engagés.

[1] JO, NOR : CPLX1326616X, Recommandations du 17 octobre 2013 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté prises en application de l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 et relatives aux centres éducatifs fermés d’Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) et de Pionsat (Puy-de-Dôme) et réponse de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 8 novembre 2013.

[2] Neuf ordonnances de placement provisoire, un des mineurs se trouvait en détention et un autre en fugue depuis le 1er jour de placement), un mineur devait être accueilli en sortie de détention le 24 février.

[3] Au moment du contrôle : l’infirmière avait démissionné quinze jours avant, le cuisinier était en arrêt de travail depuis un mois, un poste de chef de service était vacant depuis six mois au moins, treize professionnels en CDI se trouvaient en arrêt de maladie dont quatre du pôle éducatif et deux veilleurs de nuit depuis plus de six mois.