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Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier spécialisé de la Savoie à Chambéry (Savoie)

Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier spécialisé de la Savoie à Chambéry (Savoie)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Sept contrôleurs, accompagnés d’une stagiaire, ont effectué une visite inopinée du centre hospitalier spécialisé (CHS), sis à Chambéry (Savoie), du 31 mai au 4 juin 2021. Il s’agissait d’une deuxième visite, la première ayant été effectuée du 16 au 18 septembre 2008, par quatre contrôleurs[1].

Cette mission a fait l’objet d’un rapport provisoire adressé le 30 décembre 2021 au directeur du CHS, à l’agence régionale de santé, aux chefs de juridiction de Chambéry ainsi qu’au préfet de la Savoie.

Seul le directeur du CHS a fait valoir ses observations, précisant que les professionnels de l’établissement avaient été associés à l’analyse du rapport. Elles ont été intégrées à la présente rédaction.

Le CHS de Savoie est le seul établissement habilité à accueillir l’ensemble des patients savoyards hospitalisés en soins sans consentement (SSC). Depuis juillet 2016, l’établissement est membre du groupement hospitalier de territoire (GHT) Savoie-Belley qui, autour du centre hospitalier Métropole Savoie (CHMS), établissement support, associe sept autres hôpitaux.

L’établissement est sectorisé et organisé en trois pôles : un pôle de psychiatrie générale constitué des cinq secteurs du département (Aix-les-Bains, Chambéry Nord, Chambéry Sud, Maurienne et Tarentaise), d’activités et de dispositifs transversaux ; un pôle de psychiatrie infanto-juvénile constitué des trois inter-secteurs du département de psychopathologie de l’adolescent, de dispositifs transversaux et un pôle médico-technique regroupant les activités de médecine générale, le plateau de spécialités médicales somatiques, la pharmacie et l’hygiène.

Il dispose de 207 lits pour adultes répartis en huit unités sectorisées et de 8 lits au sein du service départemental pour adolescents. Outre ces unités, trente-neuf structures extrahospitalières sont réparties en centres médico-psychologiques (CMP), centres d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), 105 places en hôpitaux de jour (HJ) et 30 places d’accueil familial thérapeutique (AFT) qui s’étendent sur tout le territoire de la Savoie pour une prise en charge et un suivi de proximité.

Les conditions matérielles de la prise en charge des patients en soins sans consentement sont globalement satisfaisantes, à l’exception de celles prévalant au sein des unités dont les locaux datent du 19è siècle.

L’implantation de l’établissement dans un vaste parc arboré d’une quarantaine d’hectares ouvert sur la ville est un atout considérable. En revanche, l’état des locaux est hétérogène. Certains des anciens pavillons sont vétustes, d’autres rénovés ou plus récents. Toutefois, un projet immobilier est en cours, offrant des perspectives de modernisation de l’ensemble à court terme. Les locaux collectifs sont de bonne qualité.

Si le projet de l’établissement, au travers de fiches-projets, est très ouvert (ouverture de l’unité, libre circulation des patients en soins sans consentement dans le parc), la visite des contrôleurs en période de pandémie, alors que les unités étaient fermées, n’a pas permis d’en vérifier la réalité. La liberté d’aller et venir des patients était particulièrement contrainte même si à l’intérieur, la circulation et l’accès aux cours étaient facilités.

S’agissant des droits et libertés des patients, malgré la réflexion et les actions d’ores et déjà engagées par la direction de l’établissement, des axes d’amélioration sont identifiables.

Un livret d’accueil, complet et pédagogique, est remis au patient dès son arrivée. Cependant, malgré une réelle amélioration de l’information apportée aux patients admis en soins sans consentement, notamment par la remise des décisions et des certificats médicaux, il reste que leur statut et les droits qui y sont attachés sont insuffisamment rappelés à chaque étape de leur parcours de soins.

L’organisation générale de la prise en charge médicale est efficiente malgré des points de fragilité.

Comme dans nombre d’établissements visités, le recours massif à des mesures de soins sans consentement et à des procédures d’urgence pour l’hospitalisation des patients doit être interrogé en lien avec les services d’urgence. En outre, ces derniers n’assurent pas la traçabilité des mesures d’isolement et de contention dans leurs services en amont de l’admission au CHS.

L’insuffisance du nombre de médecins psychiatres perdure mais, compensée par l’embauche de praticiens attachés, de médecins étrangers et d’internes, un temps de présence est effectif tous les jours dans chaque unité. Les activités thérapeutiques sont nombreuses, en grande partie effectuées à l’extérieur des unités par des équipes dédiées.

L’absence d’examen somatique à l’arrivée est à déplorer. Si certains patients ont bénéficié de cet examen en amont, au sein du service des urgences, d’autres ne rencontrent pas le médecin somaticien, hormis en cas de pathologie spécifique. Par ailleurs ces praticiens ne se rendent pas auprès des patients placés en isolement et/ou sous contention.

Le port du pyjama est régulièrement imposé aux patients en unités pour adultes quand est supposé un risque de fuite, comme au sein de l’unité d’hospitalisation des adolescents, pratique qui doit cesser.

La suroccupation chronique du service de psychopathologie de l’adolescent a fortement préoccupé les contrôleurs dans la mesure où elle conduit à l’admission de mineurs en unités pour adultes. Dans sa réponse au rapport provisoire, le directeur a indiqué que les deux lits supplémentaires, sollicités de longue date, ont été accordés après la visite.

S’agissant des pratiques d’isolement et de contention, l’établissement est engagé dans une démarche encourageante, qu’il doit poursuivre et approfondir.

Un service d’accompagnement pour les situations à risque (SASR) intervient en prévention des situations à risque de violence, qui peuvent conduire à l’isolement du patient. Il s’agit d’une équipe de six aides-soignants formés à la contention non violente en cas d’agitation. Cette équipe de professionnels spécialisés, alliée à l’équipement de boîtiers d’alarme, sécurise le personnel et contribue à l’apaisement des tensions.

Toutefois, si diverses instances mènent des réflexions sur les pratiques d’isolement et de contention et que ces pratiques font l’objet d’une traçabilité élaborée, elles restent trop fréquentes et contreviennent aux objectifs de moindre recours affichés dans le projet d’établissement. Elles concernent notamment des patients mineurs, dans des conditions et des proportions préoccupantes. En outre, il est fréquemment recouru à des mesures d’isolement en espaces non dédiés Les personnes détenues sont toujours maintenues en isolement, sans justification clinique, uniquement en raison de leur statut. Il convient sans aucun doute de prendre les précautions nécessaires mais le placement en chambre d’isolement ne peut être fondé sur un objectif sécuritaire sans rapport avec le diagnostic thérapeutique.

Le registre d’isolement et de contention, sous forme électronique, est particulièrement bien maîtrisé. Il est disponible sur l’intranet aux fins de consultation par l’encadrement soignant et permet de fournir aux équipes des éléments d’évaluation de leurs pratiques.

Lors de la mission et malgré ce contexte, la direction et l’ensemble du personnel se sont montrés extrêmement attentifs aux questionnements des contrôleurs, ce qui apparaît encourageant quant à la portée de leurs recommandations. La réponse du directeur au rapport provisoire, faisant déjà état d’avancées, atteste de cet état d’esprit.

Certains constats liés à l’immobilier ou encore à l’enfermement dans les unités sont donc désormais obsolètes.

[1] http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2009/04/rapport-de-visite-bassens.pdf.