Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite de l’unité pour malades difficiles de Villejuif (Val-de-Marne)

Rapport de la deuxième visite de l’unité pour malades difficiles de Villejuif (Val-de-Marne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, quatre contrôleurs ont effectué une visite inopinée de l’unité pour malades difficiles (UMD) de Villejuif implantée au sein du groupe hospitalier Paul Guiraud (département du Val-de-Marne) du 7 au 11 juin 2021. Il s’agissait d’une deuxième visite. A l’issue, un rapport provisoire a été adressé au directeur du groupe hospitalier Paul Guiraud (GHPG), à l’agence régionale de santé (ARS) du Val-de-Marne ainsi qu’aux autorités judiciaires et administratives du département. Seul le directeur de l’établissement a fait valoir en retour des observations intégrées dans le présent rapport définitif.

L’UMD est rattachée au pôle régional de soins intensifs et dispose d’une capacité de soixante-neuf lits qui sont répartis dans quatre pavillons. Cela doit lui permettre, en principe, de prendre en charge les patients en provenance des secteurs d’Ile-de-France, soit un bassin de population de 12 213 447 millions d’habitants. Elle accueille également les femmes issues de la moitié Nord de la France, les autres UMD ne disposant pas de places réservées aux femmes. Cependant, la capacité d’accueil de la structure ne permet pas de couvrir les besoins du territoire de son ressort. En moyenne, dix dossiers de demandes d’admission sont examinés par semaine et trois sont acceptés par mois. Par ailleurs, 33 % des demandes adressées à l’UMD sont des situations qui relèvent d’une unité de soins intensifs psychiatriques (USIP) ou de non-indication à une UMD. A cet égard, l’établissement a élaboré un projet portant sur la création d’une USIP et dont l’objectif est de répondre aux nombreuses demandes émanant des unités de secteur. Cette nouvelle structure, complémentaire à l’UMD, aura vocation à prendre en charge ces patients nécessitant un environnement fermé et structuré. Son ouverture est planifiée pour 2023.

Lors de cette deuxième visite, il a été constaté qu’une partie des recommandations formulées par le CGLPL ont été suivies d’effets.

Concernant les conditions matérielles d’hébergement, des travaux importants de rénovation ont été réalisés depuis la première visite mais les chambres demeurent austères et leur mobilier est spartiate notamment dans le pavillon d’admission et celui réservé aux femmes. De même l’équipement des cours intérieures est défaillant.

Des efforts ont été entrepris pour augmenter le temps de présence des médecins au sein de l’UMD et renouveler une partie du personnel paramédical. Les patients sont désormais vus régulièrement par le psychiatre et ils sont associés aux décisions les concernant. Les équipes soignantes ont à cœur d’instaurer et de maintenir une relation thérapeutique de qualité. Il n’en demeure pas moins que l’effectif paramédical est insuffisant et limite les possibilités d’organiser des activités et des sorties thérapeutiques pour les patients. En outre, une majorité des tâches dévolues aux infirmiers relève essentiellement de la surveillance des patients et des accompagnements à l’extérieur. Elles mobilisent considérablement les professionnels de santé et prennent le pas sur le soin et la préparation à la sortie.

Concernant l’information sur les droits et les voies de recours des patients, elle est maintenant effective. Des efforts notables ont été engagés concernant le contrôle de leurs droits. Ainsi donc, la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) a repris son activité et procède à des visites de manière régulière. Le service du juge des libertés et de la détention (JLD) assure un contrôle effectif et à la différence de 2012, les audiences se déroulent au sein de l’établissement.

Le renouvellement de la direction du pôle et d’une partie des professionnels de santé a insufflé une nouvelle dynamique qui se traduit notamment par une réflexion autour des pratiques qui n’avait pas lieu auparavant. Les règles de vie ont été assouplies et certaines pratiques particulièrement dégradantes, observées lors du premier contrôle, ne sont plus d’actualité. Elles portent notamment sur le respect de la dignité de la personne ; les patients ne sont plus dans l’obligation de s’habiller, en slip, dans le couloir au vu et au su de tous.

Il reste néanmoins des axes d’améliorations qui sont notamment en rapport avec certaines pratiques ancrées depuis fort longtemps et qui perdurent. Elles doivent être réinterrogées en raison de leur caractère indigne. Il s’agit notamment de l’obligation de revêtir un uniforme et des chaussons pour les patients qui sont en phase d’admission. De même, si la mise à nu intégrale des patientes à haut risque suicidaire est semble-t-il peu pratiquée, elle constitue une atteinte à la dignité. Les conditions d’utilisation de la combinaison renforcée, dans le cadre de la contention physique, ne respectent pas non plus l’intimité du patient. D’autre part l’utilisation des couches, des protections, des étuis péniens revêtent un caractère dégradant alors qu’il devrait être proposé aux patients d’aller aux toilettes ou éventuellement d’utiliser le bassin.

Par ailleurs, dans le souci d’établir un juste équilibre entre la sécurité d’une part et les droits fondamentaux d’autre part, l’organisation de la vie quotidienne, telle qu’elle est conçue, renvoie parfois sur certains aspects à un fonctionnement carcéral. Ainsi donc, dès lors que les patients sont dans leurs chambres, ils y sont systématiquement enfermés à clef. Cette mesure, tout comme les temps de sieste quotidiens imposés de façon systématique, échappe au registre prévu par la loi. En outre, la sécurité des patients n’est pas garantie puisque toutes les chambres ne disposent pas d’un dispositif d’appel. Dans sa réponse, la direction indique que tous les isolements, quel que soit le lieu, font l’objet d’une décision médicale et sont donc comptabilisés dans le registre de la loi. Le CGLPL maintient que les retraits ponctuels en chambre et les temps de sieste ne sont pas répertoriés. A cet égard, il rappelle que toute mesure d’enfermement, même en chambre d’hébergement, doit être considérée comme de l’isolement et, à ce titre, être décidée et tracée dans les conditions prévues par la loi.

A l’instar de la première visite, tous les déplacements des patients sont groupés. Une fois levés et habillés, ils attendent en file indienne pour se rendre dans l’espace de vie commune. Ils ne sont pas non plus toujours autorisés à circuler librement entre la cour intérieure et le salon de télévision. Ce procédé, justifié par des aspects sécuritaires − en vue de limiter les tensions et les incidents de violence − et des contraintes liées à l’architecture des pavillons, avait déjà été dénoncé à l’issue de la première visite en ce qu’il restreint considérablement la liberté de mouvements des patients. A cet égard, le placement systématique en isolement des patients au moment de leur admission, sans tenir compte de leur état psychique, n’est pas justifié et doit être réinterrogé. Si la réflexion engagée par le pôle sur les pratiques d’isolement et de contention s’est traduite par la mise en œuvre d’alternatives à ces mesures, des espaces d’apaisement doivent être créées afin de limiter leur recours.

Enfin, l’organisation du parcours de soins des patients est restée inchangée depuis la précédente visite. Cela n’est pas sans conséquences pour les femmes qui ne bénéficient toujours pas véritablement d’une prise en charge séquentielle adaptée à leur clinique compte tenu du fait qu’elles sont hébergées dans un seul et unique bâtiment. Une réflexion portant sur cette question est engagée depuis de nombreuses années au sein de l’UMD mais elle n’a pas donné lieu à des mesures concrètes. De même, le projet de mixité au pavillon des sortants, évoqué dans le projet de pôle ne semble plus être à l’ordre du jour alors qu’il aurait l’avantage de faire bénéficier les femmes, étant proches de la sortie, d’un parcours de soins individualisé.

La direction a indiqué prendre bonne note des observations formulées dans le rapport, certaines d’entre elles faisaient déjà l’objet de travaux au moment de la visite.