Rapport de la deuxième visite de l’unité pour malades difficiles de Châlons-en-Champagne (Marne)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Cinq contrôleurs ont effectué une deuxième visite de l’unité pour malades difficiles de Champagne-Ardenne du 5 au 8 juillet 2021 ; la première visite s’était déroulée en 2013. A l’issue, un rapport provisoire a été adressé au directeur de l’EPSM de la Marne, à l’agence régionale de santé Grand-Est, au préfet du département, à la présidente et à la procureure de la République près le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne. Seul le directeur de l’établissement a fait valoir en retour des observations intégrées dans le présent rapport définitif.
L’UMD est implantée dans l’emprise de l’Établissement Public de Santé Mentale (EPSM) de la Marne situé à Châlons-en-Champagne[1] (site de l’hôpital Henri Briquet). L’EPSM porte sept pôles de psychiatrie adulte[2] dont un pôle de psychiatrie universitaire, un pôle de psychiatrie de la personne âgée, deux pôles de psychiatrie infanto-juvénile, un pôle médico-social (Maison d’Accueil Spécialisée – MAS), un pôle d’addictologie, un pôle de médecine générale et le pôle de psychiatrie médico-légale (51P01) regroupant l’UMD, le service médico-psychologique régional[3] (SMPR), le Centre Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles de Champagne-Ardenne (CRIAVS) et l’unité d’électro-convulsion (ECT) ; ainsi que le niveau 3 d’enseignement et de recherche en addictologie.
L’UMD de Champagne-Ardenne a connu une ouverture en deux phases au cours de l’année 2012[4]. Elle dispose d’une capacité de quarante lits répartis dans deux unités. Depuis la première visite, elle est complètement intégrée à l’EPSM. Elle accueille des patients présentant une difficulté de prise en charge dans leur secteur d’origine, au vu des spécificités de leur pathologie qui nécessitent des protocoles thérapeutiques intensifs et adaptés et des mesures de sûreté particulières.
Au moment de la visite, trente-cinq patients étaient hospitalisés, tous des hommes puisque l’UMD n’est pas mixte.
L’UMD a, par ailleurs, globalement évolué dans ses pratiques depuis la dernière visite, par une prise en compte plus importante des droits des patients qui se traduit dans le projet thérapeutique communiqué. En outre, l’unité fonctionnelle d’électro-convulsivo-thérapie (ECT) en projet lors du premier contrôle, a été ouverte. Au moment de la visite deux patients de l’UMD en bénéficiaient.
Les effectifs des équipes soignantes complétés de trois éducateurs et de deux ergothérapeutes permettent l’organisation de nombreuses activités au sein des unités et au pôle de sociothérapie et de sorties thérapeutiques. L’autorité préfectorale s’oppose très rarement aux sorties à l’extérieur de l’EPSM.
Néanmoins, seulement trois médecins psychiatres pour 2,4 ETP exercent au sein de l’UMD ; la pénurie médicale sur le territoire est préoccupante, au mois de septembre l’un des médecins exerçant à 60% devrait quitter l’UMD et un autre médecin exerçant à 80% sera en congé maternité.
La dynamique d’équipe insufflée à l’UMD portée par l’ensemble des professionnels de santé, la fluidité des relations inter professionnelles, le travail en équipe, la référence des patients partagée à deux ou trois infirmiers et aides-soignants sont des modalités de travail servant l’intérêt des patients.
Les principaux constats des contrôleurs s’articulent autour de quatre thèmes.
- Sur la prise en charge du patient, sujet de droit.
- Les modalités de la prise en charge
Une grande attention est portée au patient grâce à un travail d’équipe fluide et une grande disponibilité des médecins malgré le sous-effectif. Par ailleurs, la permanence des soins somatiques est garantie grâce à l’intervention du médecin du pôle somatique et le partenariat avec les services spécialisés du centre hospitalier général.
Dans le cadre de la prise en charge psychiatrique, des objectifs ciblés sont dégagés pour chaque patient malgré l’absence de projet de soins individualisé formalisé et le patient est associé aux décisions médicales et aux objectifs de soins. Il reçoit des informations claires sur sa pathologie et son traitement.
L’accès à des activités et sorties thérapeutiques est garanti. D’une part de nombreuses initiatives sont portées par les soignants des unités qui sont tous référents d’activités. D’autre part, les activités organisées par le pôle de sociothérapie sont également variées et les appétences et capacités du patient sont prises en compte. De plus, la prise en charge des patients est fréquemment réévaluée en fonction de l’évolution de son état, par des échanges quotidiens entre les équipes soignantes et de sociothérapie.
- Les droits du patient et l’information délivrée
Les patients de l’UMD sont informés de leur droit de manière satisfaisante et adaptée. Un diaporama sur les droits des patients leur est diffusé et est considéré comme une bonne pratique à valoriser et à diffuser auprès des autres UMD et unités d’hospitalisation complète. En sus, un livret d’accueil remis à l’arrivée du patient est lisible et comprend les règles de vie.
Au moment de l’élaboration du certificat médical mensuel, le patient est reçu en entretien, la question du maintien de la mesure est abordée et il est entendu. Il est également tenu informé des différentes étapes de son parcours de soins sans consentement. De plus, les certificats médicaux, qui ont été consultés dans le cadre du registre de la loi, sont particulièrement bien étayés, permettant de connaitre de manière lisible l’évolution du patient sur sa prise en charge.
Le service des admissions en lien avec le secrétariat de l’UMD a mis en place un circuit permettant de remédier aux difficultés qui avaient été constatées en 2013, lors de l’admission d’un nouveau patient, s’agissant des notifications tardives des arrêtés préfectoraux de transfert à l’UMD et le cas échéant de modification du statut du patient.
Le registre de la loi est particulièrement bien tenu et permet de tracer les étapes de la prise en charge du patient hospitalisé et l’exercice de ses droits de manière lisible.
Néanmoins, alors que la prise en charge médicale, thérapeutique est individualisée, des restrictions générales et systématiques aux libertés individuelles demeurent dans le quotidien des patients.
- Sur les restrictions aux libertés individuelles et les règles qui régissent le quotidien des patients
Dans le souci d’établir un juste équilibre entre la sécurité d’une part et le respect des droits fondamentaux d’autre part, il apparait nécessaire d’engager une réflexion portant sur la systématisation de certaines règles de vie :
* des appels téléphoniques limités en nombre, un horaire de coucher tôt et généralisé avec de rares exceptions ;
* des restrictions liées au tabac déjà interrogées en 2013, comme la limitation à cinq cigarettes par jour sans accompagnement par l’unité d’addictologie ;
* le retrait systématique des effets personnels après 21h.
- Sur les conditions matérielles de prise en charge
Les locaux sont propres et l’équipement des chambres d’hospitalisation est adapté. Néanmoins, l’intimité du patient n’est pas respectée en raison de la présence d’un œilleton extérieur donnant sur la douche et les WC des chambres d’hospitalisation. Par ailleurs, les patients se sont plaints de l’inconfort des oreillers indéchirables. Enfin, les cours extérieurs ont un aspect carcéral auquel il convient de remédier.
- Sur l’isolement et la contention
De manière générale, les décisions d’isolement et de contention sont prises en dernier recours et rediscutées en réunion clinique et entre l’infirmier, le patient et le médecin. Les modalités de surveillance humaine démontrent une attention toute particulière à l’égard du patient placé en isolement. Néanmoins, la surveillance vidéo est déplorée comme trop intrusive et portant atteinte à l’intimité du patient.
De plus, les pratiques systématiques et non tracées de la sieste imposée en chambre fermée ainsi que l’enfermement la nuit en chambre sont interrogées. De même, s’agissant de la mise à l’isolement systématique des entrants pour une durée de 48 heures, même si depuis la première visite, une souplesse a été introduite s’agissant des patients déjà connus de l’UMD.
Enfin, le rapport de l’établissement sur l’isolement et la contention ne contient pas d’analyse des pratiques sur la base des données du registre qui sont par ailleurs lacunaires.
Depuis la visite du CGLPL, soucieux de faire évoluer les pratiques professionnelles, les professionnels de l’UMD ont repris les réflexions engagées avant la crise sanitaire permettant la prise en compte de plusieurs recommandations – notamment l’EPP sortants, les réunions soignants-soignés, les réunions d’information sur les droits des patients et sur la commission de suivi médical, la mise en place d’un groupe de travail sur les alternatives à l’isolement avec le projet de création d’un espace d’apaisement Snoezelen et la mise à disposition de matériel d’apaisement dans les unités.
[1] Rapport de visite du CGLPL de l’EPSM de Châlons-en-Champagne du 3 au 7 juin 2019.
[2] File active d’environ 18 000 patients dont 90 % en ambulatoire.
[3] Rapport de visite du CGLPL de la maison d’arrêt de Châlons-en-Champagne du 3 au 7 décembre 2018.
[4] Cf. rapport de visite du CGLPL du 15 au 17 janvier 2013.