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Rapport de la deuxième visite de l’établissement public de santé mentale de l’Aube à Brienne-le-Château (Aube)

Rapport de la deuxième visite de l’établissement public de santé mentale de l’Aube à Brienne-le-Château (Aube)

Observations du ministère de la santé – EPSM de l’Aube à Brienne-le-Château

 

Synthèse

Sept contrôleurs ont effectué une deuxième visite de l’Etablissement Public de Santé Mentale de l’Aube EPSMA du 8 au 12 février 2021. A l’issue, un rapport provisoire a été adressé à la directrice déléguée de l’EPSMA, à l’agence régionale de santé du Grand Est ainsi qu’aux autorités judiciaires et administratives du département de l’Aube. Seule la directrice de l’établissement a fait valoir en retour des observations intégrées dans le présent rapport définitif.

L’établissement, installé en 1959 à Brienne-le-Château, est l’unique lieu d’hospitalisation en psychiatrie de l’Aube et, au regard de ses nombreuses structures ambulatoires, l’opérateur quasi exclusif de la santé mentale dans le département. C’est le premier employeur de la commune. Cet emplacement ne favorise pas la visite des patients et affaiblit l’attractivité du site pour les personnels soignants.

L’EPSMA fait partie des hôpitaux de Champagne Sud (HCS), qui regroupent huit établissements : dont le siège est à Troyes ; la directrice de l’EPSMA est directrice déléguée. Les HCS ont mutualisé plusieurs fonctions, notamment pharmacie et information médicale. Ainsi, l’EPSMA ne dispose plus d’un projet propre depuis son intégration dans les HCS. C’est le projet médical et de soins partagé (PMSP) des hôpitaux Champagne-Sud qui s’y applique.

La capacité d’accueil en psychiatrie dans le département semble adaptée. L’EPSMA n’est pas en surcharge même si certaines unités sont proches de la saturation. Afin de développer une prise en charge mobile pour les adultes, il a été constitué une équipe mobile de gérontopsychiatrie, permettant d’éviter des hospitalisations par une prise en charge en amont, notamment au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

L’EPSMA est constitué d’un pôle de psychiatrie adulte, d’un pôle de psychopathologie de l’enfant, d’une maison d’accueil spécialisée (MAS) de soixante-douze places, ainsi que de pôles supports transversaux, certaines missions étant mutualisées à l’échelle des HCS.

Le pôle de psychiatrie adulte est constitué de trois cliniques, deux jumelles à Brienne (cliniques Dominique Florentin et Gaston Bachelard) et une à Troyes (clinique psychiatrique de l’Aube).

Les patients sont affectés « par type de pathologie et par tranche d’âge », et non par origine géographique. Des patients en soins sans consentement (SSC) peuvent être hébergés dans chacune de ces unités. En revanche, l’extra hospitalier est sectorisé (Nord, Sud, Est, Ouest de l’Aube), avec un important maillage territorial.

Le pôle de psychopathologie de l’enfant est constitué d’une unité d’hospitalisation des mineurs (UHM), et de six lits situés au centre hospitalier général, mais dont la prise en charge relève de l’EPSMA.

Parmi les projets communs relatifs à la qualité des soins et la sécurité des patients, plusieurs intéressent les droits fondamentaux des malades de l’EPSMA : la démarche éthique, la prévention du suicide, la prise en charge de la douleur, la limitation des erreurs dans l’administration des médicaments, l’accès du patient à son dossier ou encore les « droits » des patients. Dans cette dernière rubrique, le PMSP mentionne la bientraitance, l’intimité, la dignité, la confidentialité, l’accueil et l’accompagnement de l’entourage, les libertés individuelles et la gestion des mesures restrictives de liberté, l’information du patient sur son état de santé et les soins prodigués, le consentement du patient et son information en cas de dommage.

Le nombre de médecins est en croissance ; cinq n’ont pas la plénitude d’exercice. Les délais pour qu’un patient puisse rencontrer un psychiatre sont élevés.

Les conditions matérielles de prise en charge sont correctes et la liberté d’aller et venir convenablement respectée. Le faible niveau de sécurisation des installations, associé à une gestion individualisée des droits des patients en la matière, permettent une certaine fluidité de la circulation bien que les unités soient quasi exclusivement fermées.

L’information sur les droits du patient en soins sans consentement est insuffisante et irrégulière selon les unités. Il n’y a pas d’organisation précise et uniforme dans les unités de l’information sur les droits, de la notification des droits et des décisions. De nombreuses mesures de soins sans consentement comportement quelques omissions, notamment les dates de notification des décisions d’admission, de maintien de la mesure ou de changement de forme de prise en charge ainsi que celles de notification des droits et voies de recours.

Les autorisations de sortie accordées sont limitées et de courtes durées.

L’accueil des patients aux urgences de l’hôpital de Troyes présente plusieurs disfonctionnements liés à la présence insuffisante de médecins psychiatres. Les pertes de chance sont majorées par les difficultés d’accès aux consultations spécialisées et l’absence d’éducation à la santé.

Le recours à l’isolement et la contention est trop fréquent et aléatoire ; les pratiques d’isolement et de contention sont peu questionnées et diffèrent d’un jour ou d’un service à l’autre. Les registres d’isolement et contention ne reflètent pas les usages réels, du fait notamment de mesures d’isolement non répertoriées. Les chambres d’isolement, sauf exceptions récentes et bien équipées, ne respectent pas l’intimité des patients. Une véritable politique de moindre recours à l’isolement et la contention qui ne pourra pas faire l’économie de la recherche efficace d’alternatives à ces mesures et du renforcement de la présence des psychiatres au sein des unités.

Le contexte global de prise en charge de la psychiatrie dans le département de l’Aube est sans doute à revoir : l’EPSMA, acteur quasi exclusif de santé mentale dans le département, est presque saturées car il reçoit parfois des patients ne relevant pas de la psychiatrie et l’offre des structures d’aval est trop faible. Il en résulte des conditions inadéquates de prise en charge.

Les observations formulées par l’établissement aux recommandations du CGLPL – dont plusieurs sont d’ores et déjà prises en compte et d’autres en cours de prise en compte – montrent un réel engagement en faveur de l’amélioration de la qualité de prise en charge des patients et de la garantie de l’exercice de leurs droits.