Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Situation alarmante dans les centres de rétention administrative

29 juillet 2021

 

A la lumière des tensions grandissantes dans les centres de rétention administrative (CRA) et plus particulièrement, hier et aujourd’hui, au Mesnil-Amelot, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) s’alarme, comme depuis le début de la crise sanitaire, des conditions dans lesquelles les étrangers y sont enfermés.

Dès le premier confinement, en mars 2020, il était constaté que « la configuration et l’organisation des centres de rétention administrative » ne pouvaient garantir le respect de l’intégrité physique des retenus au sein d’établissements où l’épidémie progressait. Par surcroit, la réduction drastique des vols internationaux rendait pratiquement impossible les éloignements, privant, ainsi, les mesures de rétention de toute base légale. Le CGLPL relevait que « dans de telles conditions, l’Etat manque à son obligation de protéger à la fois ses agents et les personnes qu’il a lui-même placées sous sa garde » et demandait la fermeture provisoire des CRA. Sans être mise en œuvre, cette recommandation avait néanmoins été suivie d’une importante réduction du nombre de personnes retenues.
Mais, dès l’automne 2020, malgré la progression de l’épidémie, la capacité d’accueil des CRA s’est progressivement accrue. Et, lors de ses visites dans les CRA, le CGLPL constatait une gestion des entrées erratiques, des protocoles sanitaires incertains et un exercice des droits de la défense dégradé par les contraintes auxquelles se heurtaient associations, avocats et juridictions.
Depuis plusieurs mois, les contrôleurs relèvent par surcroit la pression grandissante exercée sur les retenus pour qu’ils se soumettent à des tests PCR en vue de leur éloignement. A titre d’exemple, au centre de rétention administrative de Nice , les retenus refusant de s’y soumettre sont systématiquement poursuivis par le parquet pour « tentative de soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement » . Et, à Nice, comme dans d’autres tribunaux, les peines prononcées varient de deux à trois mois d’emprisonnement ferme, avec mandat de dépôt. En mai 2021, dans le cadre de la visite du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses, le CGLPL relevait « un lien étroit entre les mesures d’incarcération et les mesures de rétention administrative dont la conjonction entraîne un sur-enfermement des étrangers, aggravé par la crise sanitaire » .
Or, il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale . Toute personne, quelle que soit sa situation, peut librement s’opposer à un acte médical. L’exercice d’une liberté fondamentale ne saurait être qualifiée de délit, ni faire l’objet de poursuites et d’emprisonnement ferme.

Le CGLPL relève donc qu’une majorité de personnes sont retenues de manière punitive et ce, jusqu’à 90 jours, sans perspective de départ, ce qui contrevient à l’article L. 741-3 du CESEDA selon lequel l’étranger ne peut être retenu que le temps strictement nécessaire à son départ et, entraîne des coûts conséquents pesant lourdement sur les finances publiques
Au vu de l’évolution de la situation sanitaire et des perspectives quasi-nulles d’éloignement, le CGLPL recommande de nouveau la fermeture provisoire des CRA ou à tout le moins la réduction drastique de leur activité.