Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier universitaire de Montpellier (Hérault)

Rapport de visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier universitaire de Montpellier (Hérault)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Neuf contrôleurs ont effectué une visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalo-universitaire (CHU) de Montpellier (Hérault) du 3 au 7 février 2020.

Le rapport provisoire rédigé à l’issue de cette visite a été adressé le 14 octobre 2020 au directeur général du CHU, au directeur de l’agence régionale de santé de l’Occitanie, au président et au procureur de la République du tribunal judiciaire de Montpellier ainsi qu’au préfet de l’Hérault. Seul le directeur de l’établissement a, par courrier du 10 décembre 2020, fait connaître ses observations. Celles-ci, ainsi que les éléments des nombreux documents fournis à leur appui, ont été prises en compte dans le présent rapport de visite.

Situé au Nord-ouest de la ville de Montpellier, le CHU regroupe huit établissements dont les divers locaux sont répartis sur deux sites proches occupant un domaine total d’une soixantaine d’hectares. Quatre de ces établissements (Lapeyronie, Arnaud de Villeneuve, Saint-Eloi, et Gui de Chauliac) assurent les soins de médecine-chirurgie-obstétrique, chacun avec une spécialité. Le site de La Colombière accueille principalement le pôle hospitalo-universitaire de psychiatrie qui prend en charge les patients du bassin montpelliérain, comptant près de 750 000 habitants ; celui-ci est divisé en sept secteurs psychiatriques et comprend également deux inter secteurs de pédopsychiatrie (Nord et Sud). L’Hérault compte quatre autres secteurs de psychiatrie adulte et deux autres intersecteurs de pédopsychiatrie dont les patients sont également pris en charge dans des hôpitaux publics généraux de Béziers (trois secteurs) et Sète (un secteur) ; il n’existe aucun centre hospitalier spécialisé dans le département de l’Hérault.

Une capacité importante d’hospitalisation privée en psychiatrie caractérise aussi le bassin montpellierain qui compte six cliniques totalisant 806 lits de psychiatrie adulte dont 72 lits de gérontopsychiatrie. Ainsi, l’offre privée dépasse largement la publique – résumée aux 237 lits du CHU –, situation rare sur le territoire. Se concentrent donc sur le pôle psychiatrique du CHU non seulement les patients admis en soins sans consentement qui, en raison de leur statut, n’ont pas le droit de recourir à une hospitalisation dans un établissement non habilité mais également une patientèle éloignée pour des motifs financiers ou sociaux de l’offre privée ou aux pathologies complexes que le secteur privé ne souhaite pas prendre en charge. A ces particularités s’ajoute une démographie croissante sur tous les secteurs couverts par le CHU associée à une augmentation de la précarité socio-économique, majorant la demande en soins psychiatriques. Cette situation a conduit le CHU à repenser l’organisation de la prise en charge entre extra et intra hospitalier car des difficultés d’hospitalisation existent tant pour les patients en soins sans consentement que, a fortiori, pour les patients en soins libres.

L’organisation mise en place au début 2019 soutient le projet médical de pôle, dessiné par une mission d’appui constituée de deux professeurs, praticiens hospitaliers, dont la responsable des unités de psychiatrie générale. Les modifications se sont traduites par la création d’une équipe médicale regroupant sept unités de psychiatrie générale (UPG) et une unité l’accueil et l’orientation en post urgence des patients essentiellement en soins sans consentement, chacune de vingt et un lits. Lors de la visite, les hospitalisations ne s’y font plus par secteur mais par places disponibles « pour essayer de minimiser les ruptures de parcours patients induites par la sectorisation ». Le reste des 237 lits d’hospitalisation est réparti dans cinq autres unités répondant à des besoins spécifiques : une unité de soins intensifs en psychiatrie (USIP), une unité de court séjour pour la prise en charge de jeunes patients de 12 à 18 ans en situation de crise aiguë, une unité d’hospitalisation pour les enfants de 11 à 15 ans, une unité pour des patients de 15 à 25 ans présentant un trouble psychiatrique sévère débutant, une unité de réhabilitation axée sur l’accueil de patients psychotiques chroniques adultes.

Le dispositif des urgences et post-urgences psychiatriques situé à Lapeyronie est un département du pôle urgences du CHU. Il comporte deux unités unité d’hospitalisation de courte durée (sept et onze lits) et une unité de post urgences psychiatriques de dix-neuf lits.

La reconnaissance institutionnelle dont jouit le pôle de psychiatrie est favorable à sa dynamique.

Le CHU montre, en effet, sa volonté de valoriser la psychiatrie en injectant des compétences, de la recherche, en organisant des filières de spécialisation qui redonnent un intérêt à l’exercice de la profession.

Les ressources financières qui reviennent au pôle de psychiatrie lui sont affectées de façon transparente et, si elles stagnent depuis 2014, elles couvrent toujours ses besoins.

L’établissement a soutenu également une réflexion sur l’offre de soins psychiatriques qui a conduit à une profonde réorganisation globale du fonctionnement intra et extra hospitalier, mise en œuvre depuis 2019 et qui vise, notamment, à renforcer la prise en charge ambulatoire.

La commission des usagers comprend un médecin médiateur associé psychiatre ainsi qu’une représentante de l’UNAFAM.

La politique de l’établissement, relayée par le pôle, se montre soucieuse de s’adapter aux besoins des patients, tant sur le plan matériel que sur celui du soin.

Les locaux d’hébergement sont respectueux du confort individuel offrant des chambres agréables, vastes, confortables et correctement entretenues. Les patients peuvent s’enfermer pour se préserver des intrusions. En revanche, les locaux collectifs des unités de psychiatrie générale sont mal adaptés à leur usage et aux séjours longs ; ils ne comportent qu’une salle pour toutes les activités de la journée, repas, lecture, télévision, jeux de sociétés ou ping-pong et baby-foot bruyants.

L’information des patients en soins sans consentement sur la procédure dont ils font l’objet et sur leurs droits spécifiques est complète mais elle est fournie dans certaines unités anormalement tardivement, dysfonctionnement que l’établissement a indiqué avoir corrigé après la visite. La régularité du déroulement de cette procédure est attentivement suivie.

Le statut des patients détenus n’a aucune incidence sur leur prise en charge ; ils sont considérés à l’égal des autres patients de l’USIP, notamment ne sont pas systématiquement placés en isolement lors de leur arrivée. Une vraie réflexion est conduite sur la filière médico-légale avec toutes ses composantes.

Les soins psychiatriques sont assurés par une bonne présence médicale et des entretiens infirmiers sont pratiqués dans presque toutes les unités, sauf à l’unité post-urgence. Pour ses autres aspects, la prise en charge est inégale : à l’USIP, les activités sont systématiques et les patients sont adressés à l’ergothérapie. Il n’en est pas de même pour les unités de psychiatrie générale : certaines n’organisent rien ou pas grand-chose, aucun programme structurant tant pour les patients que pour les soignants n’est prévu pour la semaine ; à l’unité post-urgence, où pourtant, les séjours peuvent durer, la prise en charge est minimale, ses patients n’y connaissent ni entretien infirmier ni activité.

Il convient de souligner la réactivité du CHU au constat opéré par les contrôleurs d’une prise en charge somatique incorrectement assurée dans les services de médecine, chirurgie, obstétrique dont les médecins offrent une prise en charge insuffisante aux patients au motif de leurs troubles mentaux. Le CHU a réagi à ces constats en initiant un travail dans ces services sur la déstigmatisation de ces patients.

Pour autant, les choix architecturaux et organisationnels se concilient mal avec le respect des droits des patients.

Les unités d’hébergement comportent toutes une « zone fermée » de laquelle les patients, en principe tous admis en soins sans consentement, ne peuvent sortir librement. L’importante capacité d’accueil de ces secteurs conduit, en raison de la tension sur la disponibilité de lits, à y placer des patients dont l’état clinique ne justifie en rien leur enfermement.

Les contraintes imposées aux patients dans la vie quotidienne sont nombreuses : limitation de l’accès aux chambres, au téléphone, au tabac, aux relations sexuelles, obligation de port du pyjama. Leur justification thérapeutique est difficilement crédible dès lors que ces contraintes sont imposées à tous les patients d’une unité – toujours plus rigoureusement dans les secteurs fermés – sans considération de l’état clinique de chacun et même de façon variable d’une unité à l’autre.

Outre que ces contraintes méconnaissent des droits fondamentaux des patients – liberté d’aller et venir, de communiquer, etc. – elles ne sont plus réfléchies par des équipes qui doivent les faire respecter et les subissent dans leur pratique. Le rôle du soignant se dilue dans ces tâches. Les effets délétères en termes, au mieux, d’infantilisation et au pire et le plus souvent, d’énervements et de tensions sont subis autant par les patients que par les soignants. Alors qu’ils sont perçus par ces professionnels, ils ne donnent lieu à aucune attention institutionnelle.

Le choix de ne pas respecter la sectorisation dans les unités d’hospitalisation pèse sur la liaison avec l’extra hospitalier et complique la préparation à la sortie. Le CHU a fait savoir, dans ses observations au rapport provisoire, que la sectorisation avait été remise en place en mars 2020 sans apporter d’amélioration dans l’immédiat en raison du déséquilibre dans le nombre d’admissions de chacun des secteurs alors que le nombre de lits est équivalent ; il conduit donc une réflexion pour redécouper les secteurs afin de remédier à ce déséquilibre.

Il était prévu que le projet médical initié en 2019, conduisant à une réorganisation qui n’a pas fait l’unanimité, soit évalué dans un délai de trois ans au regard de sa pertinence pour régler les dysfonctionnements qui l’ont motivé. On ne peut que se réjouir de ce que le CHU n’ait pas attendu cette échéance pour déjà engager, à la suite de la visite des contrôleurs et de leurs recommandations ainsi qu’en réponse à l’expression de dissonances internes, une réflexion collective sur le respect des droits des patients au regard des impératifs thérapeutiques.