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Rapport de visite du centre hospitalier Georges Sand à Bourges (Cher)

Rapport de visite du centre hospitalier Georges Sand à Bourges (Cher)

Observations du ministère de la santé – centre hospitalier Georges Sand à Bourges

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre hospitalier George Sand à Bourges

 

Synthèse

Cinq contrôleurs ont visité le centre hospitalier George Sand (CHGS), situé à Bourges (Cher), du 2 au 12 décembre 2019. Un rapport provisoire a été adressé le 13 mai 2020 au directeur du centre hospitalier, au président du tribunal judiciaire (TJ) de Bourges et au procureur de la République près ce même tribunal, au préfet et au délégué territorial de l’agence régionale de santé (ARS) du département du Cher. Le procureur de la République a communiqué des observations le 2 juin 2020 et le directeur du centre hospitalier le 29 octobre 2020 ; elles ont été intégrées au présent rapport.

Le CHGS a été créé en 2003 de la fusion de trois centres hospitaliers spécialisés situés à Bourges, Chezal-Benoît (Cher), Dun-sur-Auron (Cher). Sa direction générale est installée à Bourges. Il subsiste de cet historique une triple capacité d’accueil, à hauteur de 1 102 lits et places : médico-sociale, sanitaire en long séjour en soins libres exclusivement, sanitaire en court séjour.

Les six unités d’hospitalisation complète susceptibles de prendre en charge des personnes en soins sans consentement (SSC), totalisant 115 lits, sont toutes situées à Bourges : le centre d’accueil et d’orientation départemental (CAOD), quatre unités pour adultes dont une pour les jeunes adultes et une pour les personnes âgées, le centre d’accueil et de soins pour adolescents (CASA). L’ensemble dispose de cinq chambres d’isolement (CI) et sept chambres sécurisées (CS).

De manière atypique, le CHGS a réparti ses services dans un pôle intra hospitalier, un pôle extra hospitalier, un pôle médico-psychologique de l’enfant et de l’adolescent (PMPEA, qui regroupe intra et extra hospitaliers).

Le CHGS accueille la population de l’ensemble du département du Cher et celle du canton d’Issoudun dans le département de l’Indre. La notion de secteur, existante, n’est pas usitée. Une seule clinique, à Vierzon (Cher), complète l’offre sur ce territoire rural marqué par des taux de chômage et de pauvreté importants.

Les locaux d’hospitalisation du CHGS à Bourges, majoritairement composés de constructions modernes, sont globalement en bon état.

Le 2 décembre 2019, seulement 12,4 % des patients étaient hospitalisés en SSC, pourcentage peu élevé qui se confirme sur la durée : en 2019, ils ont représenté 18 % des patients hospitalisés à temps complet, plaçant le département du Cher parmi ceux qui ont les taux de recours aux SSC en psychiatrie les plus bas. On constate aussi une baisse des soins sur décision du représentant de l’Etat (SDRE) sur plusieurs années. Seule l’augmentation, parmi les soins sur décisions du directeur de l’établissement (SDDE), des procédures d’urgence que sont les soins sur demande d’un tiers en urgence (SDTU, 46 %) et les soins en péril imminent (SPI, 34%) requiert de la vigilance.

Le CHGS ne parvient pas à recruter du personnel médical et non médical à la hauteur de ses besoins. La pénurie, ancienne, s’accroît particulièrement parmi le personnel médical : plus de 15 % des postes sont vacants, soit une douzaine de postes, alors que les départs en retraite sont nombreux. Cela concerne aussi la médecine somatique. La présence de praticiens attachés et d’internes en psychiatrie ne permet pas de réaliser les certificats médicaux des patients en SSC et de décider de mesures d’isolement et de contention.

Le rapport met en exergue des lacunes concernant la tenue du registre de la loi, la recherche du tiers, la rédaction des arrêtés des maires en vue de SDRE, la remise aux patients des certificats médicaux motivant les décisions de SSC et leur information sur les voies de recours dont ils disposent contre ces dernières.

La pénurie médicale s’illustre notamment à travers le délai important nécessaire pour poursuivre les soins en centre médico-psychologique (CMP), des examens somatiques qui ne sont pas réalisés, le collège des professionnels de santé qui ne se réunit pas et ne rencontre pas le patient.

L’information des patients est incomplète s’agissant du contenu et de la remise du livret d’accueil, de l’annonce des visites de la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP), de la communication de l’identité du tiers ou encore de la mise en œuvre d’un système de vidéosurveillance.

Si les instances associant les usagers et leurs représentants sont actives, l’avis des usagers est imparfaitement recueilli par le biais des questionnaires de satisfaction.

Les conditions matérielles de vie sont généralement correctes, sauf le cas de la régulation thermique difficile au CAOD en hiver comme en été, l’absence de wifi pour les patients et l’absence de WC dans les chambres de l’unité pour personnes âgées. Dans cette dernière, la liberté d’aller et venir n’est pas assurée alors que les patients en soins libres y sont très majoritaires et dépendent tous de l’intervention d’un soignant pour ouvrir la porte de l’unité.

La police intervient parfois au contact des patients dans les unités, appelée en renfort par les soignants, sans que la situation ne soit strictement encadrée ni même évaluée.

Enfin, l’examen des pratiques en matière d’isolement et de contention fait apparaître des mesures qui sont mal ou pas enregistrées, des décisions initiales d’isolement engagées pour plus de douze heures et des décisions initiales de contention engagées pour plus de six heures. Le registre de l’isolement et de la contention n’est pas suffisamment exploité en vue de connaître et diminuer le recours à ces mesures. Outre les chambres d’isolement, les chambres sécurisées sont utilisées pour la même fonction d’isolement ; toutes ces chambres ne sont pas équipées d’un dispositif d’appel aux soignants, d’une horloge, d’une chasse d’eau, d’un point d’eau. La vidéosurveillance tend à remplacer le contact humain. L’isolement des enfants se déroule dans une unité pour adultes, sans le relais de la compétence en pédopsychiatrie. Surtout, en cas de risque suicidaire, les patients sont placés nus en isolement.

Parallèlement, le rapport met en valeur des équipes investies largement auprès des patients, y compris par l’intégration des agents des services hospitaliers (ASH), des règles de vie affichées très lisiblement dans chaque unité et issues du règlement intérieur, la libre disposition des effets personnels sauf contre-indication médicale individualisée, un accès permanent à l’air libre – jour et nuit – dans toutes les unités.

Les soins dispensés se démarquent positivement par le dispositif du CAOD à l’entrée de l’établissement, ouvert 24h/24 à toute personne qui ressent la nécessité de soins psychiatriques, par l’investissement du personnel de l’unité Balzac dans la prise en charge des premiers épisodes psychotiques chez le jeune adulte, par le soin des troubles de l’équilibre de la personne âgée sans recourir à la contention chimique ou mécanique.

Le personnel a fait preuve de transparence lors de la visite, motivé par la démarche du CGLPL et par la perspective d’avoir un regard extérieur sur ses pratiques, malgré la charge de travail accentuée par le manque de médecins.

La richesse et la précision des observations relayées par la direction de l’établissement lors de la phase contradictoire d’élaboration du rapport, telles qu’elles sont intégrées à la suite de chaque recommandation, confirme que la réflexion, collective, est vive et la volonté d’agir réelle.