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Rapport de visite du centre hospitalier de Montluçon (Allier)

Rapport de visite du centre hospitalier de Montluçon (Allier)

Observations du ministère de la santé – Centre hospitalier de Montluçon

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre hospitalier de Montluçon

 

Synthèse

Quatre contrôleurs ont effectué une visite du pôle de psychiatrie et du service des urgences du centre hospitalier (CH) de Montluçon (Allier) du 9 au 12 septembre 2019. Le rapport provisoire rédigé après cette visite a été communiqué le 5 mai 2020 à la directrice du centre hospitalier, au délégué départemental de l’Allier de l’agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes, à la préfète de l’Allier, à la présidente et la procureure de la République du tribunal judiciaire de Montluçon. Seule la directrice du centre hospitalier a présenté, en retour, des observations qui ont été prises en compte dans le présent rapport de visite. Cette mission constituait une première visite.

Le centre hospitalier général (CHG) de Montluçon est organisé en six pôles : chirurgie, mère-enfant, médecine, médecine d’urgence, gériatrie, psychiatrie et médico-technique. Il reçoit chaque année dans ses services près de 36 000 patients du territoire de santé montluçonnais qui compte 140 000 habitants.

Le ressort du pôle de psychiatrie du CH de Montluçon comprend, pour la psychiatrie adulte, les deux secteurs de Montluçon-Ouest et de Montluçon-Est, totalisant 95 793 habitants ; s’y ajoute le secteur d’Ainay-le-Château, soit un total de 115 185 habitants, pour la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescents ainsi que pour la psychiatrie de la personne âgée.

Les locaux d’hospitalisation à temps plein du pôle de psychiatrie sont situés sur le site du Chatelard, éloigné de 5 km du centre-ville et des locaux de l’hôpital général. Les quarante-sept lits de psychiatrie sont répartis, suivant la logique de cette sectorisation, en trois unités : l’unité d’admission de Montluçon-Ouest, de treize lits et deux chambres d’isolement (CI) refaites récemment ; l’unité d’admission de Montluçon-Est, de dix-sept lits et deux CI ; l’unité d’admission de psychiatrie de la personne âgée, de dix-sept lits et, sans existence officielle, une chambre d’apaisement. Le dispositif du pôle de psychiatrie est complété par un centre médico-psychologique (CMP) de l’enfant et de l’adolescent et un centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) pour chaque secteur et un CMP-CATTP pour la personne âgée, un groupement d’études et de prévention du suicide, un accueil familial thérapeutique, des hôpitaux de jour pour enfants, adolescents et adultes, dont l’hôpital de jour pour la personne âgée qui est également installé sur le site du Châtelard.

Dans son fonctionnement matériel, le pôle psychiatrie pâtit singulièrement de la précarité financière du centre hospitalier.

Alors que la dotation annuelle de financement (DAF) est restée stable entre 2016 et 2018 les dépenses du pôle de psychiatrie ont baissé pendant la période, les dépenses afférentes au personnel du pôle ont également diminué, diminutions qui ne sont pas sans incidence sur les conditions de prise en charge.

Les patients de psychiatrie sont hébergés dans des locaux délabrés. Les chambres, doubles ou triples pour la moitié des patients, n’ont pas de salle d’eau attenante. Les portes des douches collectives ne sont pas équipées de verrou de confort, ces douches n’ont ni patère ni porte-serviettes. Enfin, si les locaux sont maintenus propres, l’entretien général des locaux n’est pas assuré, laissant les dégradation s’aggraver comme dans les escaliers d’accès aux étages.

Le projet d’établissement pour 2015-2019 qui prévoyait l’humanisation des services de psychiatrie et la construction d’un projet immobilier pour ce pôle n’a pas reçu de commencement de réalisation.

Pourtant, l’éloignement du site complique le séjour des patients, la réalisation des permissions et des visites notamment. Aucun salon n’est prévu pour l’accueil des visiteurs, alors que les visites en chambres sont interdites, et aucun abri n’a été construit dans le parc. Le respect du droit au maintien des liens familiaux n’est que piètrement assuré.

L’organisation des soins connaît le même dénuement avec une pénurie de personnel, notamment médical, plus préoccupante que sur le reste du territoire.

Le déficit de praticiens hospitaliers ne représente qu’un tiers du temps prévu sur les 3,5 ETP de psychiatres car un psychiatre continue à exercer après la limite d’âge. Bientôt un second psychiatre sera également atteint par la limite d’âge. Le somaticien à 0,5 ETP ne peut pas consacrer le temps imparti aux unités d’hospitalisation à temps complet et il n’est pas remplacé pendant ses congés. L’accès aux soins somatiques est donc mal assuré et la solution de repasser par les urgences en cas de problème somatique important, est d’autant plus perturbante pour le patient que ce service est éloigné.

Les prescriptions médicamenteuses sont insuffisamment contrôlées et les médicaments distribués sans respect de la confidentialité du secret médical qui s’attache à leur dispensation.

Le plan de retour à l’équilibre financier imposé au CHG depuis 2013 a porté, entre autres postes, sur la réduction de la masse salariale, les effectifs de soignants s’en ressentent. Ainsi, l’effectif de sécurité de nuit n’est pas honoré dans une unité et aucun infirmier psychiatrique n’est en poste au service des urgences. La sécurité des patients et leur orientation aux urgences en subissent les conséquences.

Si la qualité des soins peut se ressentir de ces carences, il faut, en revanche, souligner l’existence d’activités thérapeutiques nombreuses et investies. Cependant, le nombre de patients en soins sans consentement bénéficiant de ces activités se révèle faible au regard de leur proportion parmi les patients hospitalisés.

Les placements en chambre d’isolement semblent limités mais le registre d’isolement et de contention n’est pas exploitable. Les mesures se déroulent dans des locaux qui ont été récemment rénovés mais l’intimité de l’occupant n’est pas respectée dans les sanitaires. Aucun compte rendu des pratiques d’isolement et de contention n’a jamais été présenté à la commission médicale d’établissement (CME), la réflexion institutionnelle est, sur ces questions, inexistante.

Les structures d’accueil en sortie sont insuffisantes, les appartements thérapeutiques ont été supprimés pour récupérer les postes qui y étaient consacrés, les deux seules maisons d’accueil spécialisé du département sont éloignées de Montluçon. Ce déficit pèse évidemment sur la durée d’hospitalisation au détriment des patients.

La méconnaissance des droits propres des patients en soins sans consentement se conjugue avec des irrégularités inacceptables dont s’accommode pourtant l’ensemble des responsables.

En premier lieu, le nombre de patients admis sous ce statut est exceptionnellement élevé, la moitié des admissions, sans que ce niveau n’ait conduit à une réflexion institutionnelle, notamment sur le fonctionnement des urgences et l’incidence de l’absence d’infirmier psychiatrique dans ce service.

Les certificats médicaux d’admission pour des soins en péril imminent sont établis au service des urgences, par des médecins du CHG et peuvent être suivis de certificats de 24 ou 72 heures établis par un même psychiatre. L’établissement interprète comme un blanc-seing la décision de la cour d’appel de Riom (Puy-de-Dôme) qui, saisie de cette irrégularité, s’est abstenue de la sanctionner. Les décisions d’admission en soins sans consentement sont prises tardivement après l’établissement des certificats.

Les patients en soins sans consentement ne sont pas systématiquement informés de leurs droits propres, les audiences du juge des libertés et de la détention ne se tiennent pas dans les locaux du pôle et les patients doivent être transportés au tribunal pour être présentés au magistrat.

L’établissement a apporté à la suite de la visite des corrections procédurales, principalement celles qui n’avaient pas d’impact financier comme la systématisation de la notification des droits, les conditions de distribution des médicaments ou la tenue du registre d’isolement, et engagé des actions de recrutement qui devraient améliorer la qualité des soins dispensés. il demeure que tant que des moyens financiers conséquents ne seront pas consacrés spécifiquement à la psychiatrie et à son organisation structurelle, les conditions de prise en charge de ses patients ne respecteront pas l’ensemble de leurs droits.