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Rapport de visite de la maison d’arrêt de Mata’Utu (Wallis-et-Futuna)

Rapport de visite de la maison d’arrêt de Mata’Utu (Wallis-et-Futuna)

Observations du ministère de la justice – Maison d’arrêt de Mata’Utu

Observations du ministère de l’intérieur – Maison d’arrêt de Mata’Utu

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice, de l’intérieur, de la santé et de l’outre mer, auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

Suivi des recommandations à 3 ans – Maison d’arrêt de Mata’Utu

 

Synthèse

Deux contrôleurs ont effectué une visite de la maison d’arrêt de Mata’Utu (Wallis-et-Futuna) les 14 et 15 octobre 2019. Cette mission a fait l’objet d’un rapport provisoire adressé le 11 juin 2020 au commandant de la gendarmerie de Wallis-et-Futuna, au président du tribunal de première instance de Mata’Utu et à la procureure de la République près ce tribunal, au préfet, administrateur supérieur du territoire et à la directrice de la mission des services pénitentiaires de l’outre-mer. Seuls les chefs de juridiction ont émis des observations, par courrier conjoint du 30 juillet 2020. Celles-ci ont été intégrées dans le présent rapport définitif. Il s’agissait d’une première visite.

La maison d’arrêt, telle qu’elle se présente aujourd’hui, a été construite en 1992. D’une capacité de six places, elle n’héberge que des condamnés à des peines d’emprisonnement de moins de deux ans et des prévenus, tous majeurs et de sexe masculin. Cet établissement accueille une population pénale de moins en moins nombreuse : dix-huit écrous en 2016, treize en 2017, sept en 2018. Lors de la visite des contrôleurs, personne n’y était hébergé. L’administration pénitentiaire n’est pas compétente à Wallis-et-Futuna : la prison est gérée conjointement par l’administration supérieure du territoire et par la gendarmerie. Le personnel de surveillance est expérimenté et en nombre suffisant mais son statut est flou : il est constitué par cinq gardes territoriaux qui ont été intégrés dans le corps des surveillants et surveillants principaux de l’administration pénitentiaire le 1er mars 2019 alors même que leur hiérarchie reste externe à cette administration. Des conventions individuelles de mises à disposition de ces surveillants auprès du préfet, administrateur supérieur de Wallis-et-Futuna, ont été signées quelques semaines après la mission mais cette solution n’apparaît ni solide ni durable. Par ailleurs, l’établissement n’emploie pas de conseiller d’insertion et de probation ou de travailleur social, même à temps partiel. Le circuit budgétaire, source de conflit entre les autorités locales et l’administration pénitentiaire, est complexe et les montants alloués sont légèrement insuffisants selon les propos recueillis.

Les contrôleurs ont relevé dans cet établissement d’importantes atteintes aux droits fondamentaux en dépit de la volonté manifeste des surveillants d’accueillir le plus dignement possible les rares personnes détenues qui y sont écrouées. Les locaux sont exigus et leur propreté laisse à désirer. Les espaces communs se réduisent à la cour de promenade et les personnes détenues ne bénéficient pas d’activités, qu’elles soient rémunérées ou non. L’établissement est refermé sur lui-même : accès au droit commun déficient, absence d’intervenants extérieurs, y compris sociaux (surveillants et gendarmes assurent eux-mêmes une partie des fonctions d’insertion et de probation), impossibilité de téléphoner, absence de visite des avocats. L’accès aux soins est largement perfectible et le secret médical n’est pas garanti.

En outre, les contrôleurs ont également constaté qu’une grande partie de la population pénale qui devrait y être accueillie est en fait hébergée au centre pénitentiaire (CP) de Nouméa (Nouvelle-Calédonie), distant de quelque 2000 km, à 4h30 d’avion. Les prévenus à l’encontre desquels est ouverte une information judiciaire y sont en principe rapidement transférés au motif que le magistrat du siège du TPI de Mata’Utu ne peut cumuler les fonctions de juge d’instruction et de juge des libertés et de la détention. Ils effectuent ainsi la quasi-intégralité de leur détention provisoire à Nouméa, le billet d’avion du retour étant à leur charge en cas d’élargissement. Les demandes d’aménagement de peine ab initio sous la forme d’une semi-liberté se heurtent à l’absence d’avis du préfet, administrateur supérieur du territoire. Quant aux Wallisiens et Futuniens condamnés, ils ne reviennent qu’exceptionnellement purger leur fin de peine à la MA de Mata’Utu en dépit de leurs demandes, et même pour certains en dépit d’une décision d’affectation signée en ce sens. Cette situation porte préjudice aux personnes concernées en termes de maintien des liens familiaux, d’exercice des droits de la défense, de préparation à la sortie.

Les contrôleurs ont constaté que cette situation était en partie générée par le souhait de la gendarmerie de se désengager de la gestion de la prison de Mata’Utu au profit de l’administration pénitentiaire. La gendarmerie locale avait déjà fixé des règles restrictives il y a plusieurs années (refus d’admettre des femmes, des mineurs, admission des prévenus « dans la limite de quatre mois » sans aucun fondement juridique). Depuis que le statut du personnel a changé (intégration des gardes territoriaux dans le corps des surveillants en mars 2019), elle estime que l’administration de la prison ne doit plus lui incomber. Elle a diminué son contrôle de l’activité de la maison d’arrêt, n’ordonne plus de dépenses et n’a pas préparé le budget de 2020. La situation d’incompréhension réciproque, voire de blocage, entre gendarmerie et administration pénitentiaire, semble s’installer dans la durée. Lors de la mission, elle commençait même à se diffuser chez les partenaires de la prison. L’assemblée territoriale a décidé de ne plus réaliser d’avances de fonds à compter du second semestre 2019, estimant qu’il avait été entendu que la gestion de cet établissement serait reprise dès 2019 par l’administration pénitentiaire. Quant aux magistrats locaux, ce climat d’incertitude les conduit certes à moins incarcérer, mais aussi, lorsque la détention est jugée nécessaire, à transférer plus facilement.

Compte-tenu des conséquences importantes de ce flottement sur les personnes détenues originaires de Wallis-et-Futuna, qu’elles soient détenues à Wallis ou même à Nouméa, il est indispensable que l’Etat se prononce rapidement sur l’autorité en charge de la MA de Mata’Utu. S’il souhaite que l’administration supérieure du territoire continue d’être l’autorité de tutelle de cette prison, des moyens doivent lui être alloués pour ce faire et un chef d’établissement doit être nommé. S’il souhaite au contraire que l’administration pénitentiaire en prenne la responsabilité, le législateur doit être saisi afin que l’article 99 de la loi pénitentiaire, qui dispose aujourd’hui que le service public pénitentiaire wallisien n’est pas assuré par l’administration pénitentiaire, soit abrogé.