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Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille (Bouches-du-Rhône)

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille (Bouches-du-Rhône)

Observation du ministère de la justice – Centre pénitentiaire de Marseille (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

Synthèse

La Contrôleure générale, accompagnée de seize collaborateurs, a effectué une seconde visite du centre pénitentiaire (CP) de Marseille-Baumettes du 2 au 13 mars 2020. La première, réalisée en octobre 2012, avait donné lieu à des recommandations en urgence et avait été suivie, onze mois plus tard, d’une visite complémentaire destinée à évaluer l’effectivité des mesures ordonnées par les pouvoirs publics postérieurement à ces recommandations.

L’établissement visité en mars 2020 est profondément différent de celui existant en 2012. En effet, le site dit « Baumettes 2 » a ouvert en mai 2017, une partie des personnes détenues y a été hébergée, l’autre est demeurée dans les bâtiments historiques (aujourd’hui désaffectés) jusqu’en juin 2018. L’ensemble de la population pénale est désormais hébergé dans de nouveaux bâtiments, à l’exception de la structure d’accompagnement à la sortie (SAS) située dans les locaux de l’ancien quartier des femmes. Les Baumettes historiques doivent être détruites pour laisser place au projet Baumettes 3, qui prévoit 740 places supplémentaires et devrait finaliser la reconstruction des Baumettes à l’horizon 2024.

La capacité opérationnelle du CP est de 698 places bien que certains documents de l’établissement fassent état de 806 places. Il comporte, pour les hommes, un quartier d’accueil et d’évaluation (QAE), deux quartiers maison d’arrêt (QMAH), un quartier d’isolement et un autre disciplinaire et dispose également d’une unité pour détenus violents de sept places. Le bâtiment accueillant les femmes compte un quartier maison d’arrêt (QMAF), un quartier centre de détention, un quartier des mineures et une nurserie. La SAS est composée d’un quartier qui porte le même nom et d’un quartier de semi-liberté (QSL). Par ailleurs, l’unité sanitaire en milieu pénitentiaire (USMP) dispose de trente-neuf places d’hôpital de jour.

L’établissement fonctionne en gestion déléguée avec la société GEPSA pour les prestations de maintenance, hygiène et accueil des familles.

L’effectif de surveillants est globalement adapté mais le taux de vacance chez les gradés est proche de 20 %.

La construction des Baumettes 2 rend caduque une bonne partie des observations et recommandations en urgence émises en 2012 et relatives aux conditions matérielles de détention, à l’hygiène et à la maintenance. Si les conditions de vie des personnes détenues se sont considérablement améliorées – sauf à la SAS et au QSL – des erreurs de conception et de graves malfaçons nuisent à la prise en charge de la population pénale et de nombreuses atteintes aux droits fondamentaux ont par ailleurs été constatées.

La mise en œuvre du principe de l’encellulement individuel a été abandonnée dès avant l’ouverture ; l’ensemble des cellules des QMAH et une trentaine de celles du QMAF ont été doublées. Les quartiers maisons d’arrêt des hommes souffrent de suroccupation chronique (178 % au moment de la visite) et le QAE est fréquemment saturé en raison de séjours prolongés faute de places disponibles dans les QMAH ; le 9 mars 2020, il comptait vingt-neuf matelas au sol. Le niveau d’occupation du CP est constant, la population pénale hébergée oscille continuellement entre 930 et 1 000. Selon les informations fournies par les chefs de juridiction dans leurs observations au rapport provisoire, cette situation devrait cependant s’améliorer grâce à la mise en œuvre d’une convention-cadre de répartition des écrous entre les centres pénitentiaires de Marseille et d’Aix-Luynes et à l’adoption d’un protocole de régulation carcérale.

Les personnes hébergées souffrent d’un déficit d’information dès le quartier des arrivants et tout au long de leur incarcération ; l’accès aux droits est insuffisamment assuré (diminution des permanences du point d’accès au droit, impossibilité d’obtention ou de renouvellement des documents d’identité, etc.).

Le travail et la formation professionnelle font l’objet d’une gestion pilotée, dynamique et attentive à la « parité », mais le nombre de postes aux ateliers reste très faible (trente-neuf au moment de la visite). L’offre d’activités socioculturelles régulières et ponctuelles est importante chez les hommes comme chez les femmes.

Si plusieurs incidents graves ont marqué l’établissement au cours des deux années précédant la visite, les violences en nombre comme en taux diminuent et des dispositifs de prévention sont mis en œuvre. Les fouilles par palpation et intégrales sont nombreuses, sans décision qui les fondent et insuffisamment tracées. L’utilisation des moyens de contrainte lors des extractions et consultations médicales est systématique tout comme la présence des surveillants ; y compris pour les examens gynécologiques. Cependant, sur ces derniers points, les observations au rapport provisoire émises par la direction de l’AP-HM, précisent que des instructions ont été données aux différents services de l’hôpital afin que cessent ces pratiques.

L’offre de soins est pléthorique car calibrée pour l’ouverture des Baumettes 3 mais l’accès aux locaux est limité par l’organisation des mouvements qui entraîne d’importants retards, impose des conditions d’attente indignes et dissuade bon nombre de se déplacer à l’unité sanitaire.

La prise en charge par le service d’insertion et de probation est apparue peu dynamique et souffre d’un déficit d’encadrement. L’absence de parcours d’exécution des peines est particulièrement préjudiciable aux femmes hébergées au quartier centre de détention ; d’une manière plus générale, l’aménagement des peines et la préparation à la sortie des femmes incarcérées sont pénalisés par l’absence de places réservées pour elles au sein de la SAS et du QSL.