Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Paris-La Santé (Paris)

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Paris-La Santé (14e arrondissement de Paris)

Observations du ministère de la justice – centre pénitentiaire de Paris-La Santé (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations.

 

Synthèse

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Madame Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté accompagnée de treize contrôleurs a effectué une visite du centre pénitentiaire de Paris-La Santé (Paris) du 3 au 14 février 2020.

Postérieurement à cette visite, un rapport provisoire a été transmis le 14 octobre 2020 au directeur du centre pénitentiaire de Paris-La Santé, au directeur du groupement hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences (site de Sainte-Anne), à la directrice du groupe hospitalier AP-HP centre (site de Cochin) ainsi qu’aux chefs de juridiction du tribunal judiciaire de Paris.

Par courriers des 12, 25 novembre et 11 décembre 2020, seuls les trois directeurs d’établissements ont fait valoir leurs observations intégrées au présent rapport.

La présente synthèse a pour objet de résumer les principales conclusions de cette visite.

La maison d’arrêt de la Santé et le centre de semi-liberté, devenu quartier de semi-liberté, constituent ensemble le centre pénitentiaire de Paris-La Santé. Rénové, l’établissement bénéficie désormais de locaux et d’équipements de qualité, les cellules étant aménagées d’un bloc sanitaire avec douche et équipées d’un téléphone fixe, d’une plaque chauffante, d’un réfrigérateur, d’un téléviseur, de rangements et de fenêtres ouvrant sur l’extérieur.

En revanche, les cours de promenade n’ont pas fait l’objet du même investissement ne disposant pas d’abris de protection des intempéries et d’équipements permettant de pratiquer un exercice physique.

Si le public accueilli est essentiellement parisien, la population pénale est hétérogène : personnes prévenues, condamnées à de courtes ou longues peines, et, parmi elles, personnes détenues particulièrement surveillées (DPS), personnes susceptibles de radicalisation ou incarcérées pour des faits de terrorisme islamiste au sein du quartier de prise en charge de la radicalisation.

L’établissement dispose de 783 cellules réparties en 677 cellules à la maison d’arrêt pour 700 places ; 7 cellules au service médico-psychologique régional pour 7 places et 99 cellules au quartier de semi-liberté pour 100 places.

Au jour de la visite des contrôleurs, le CPPLS hébergeait 972 personnes dont 858 personnes au quartier de la maison d’arrêt et 114 au quartier de semi-liberté.

Le taux d’occupation était de 121,5 %.

Lorsqu’elles devaient partager leur cellule, les personnes détenues étaient hébergées dans des lits superposés à l’exception de celles du quartier de semi-liberté dont le deuxième occupant dormait sur un lit de camp.

Les conditions d’hébergement optimales qui devraient présider à une prise en charge de qualité de la population pénale sont altérées par une suroccupation chronique.

Afin d’apprécier les conséquences des mesures ponctuelles de décroissance carcérale liées à la pandémie de la COVID-19, les contrôleurs ont pris attache avec la direction de l’établissement ultérieurement à la visite. Il leur a été indiqué que ces mesures n’ont eu qu’une validité limitée dans le temps. La politique de déflation carcérale a trouvé ses limites lors du deuxième confinement qui a vu les incarcérations augmenter jusqu’à retrouver le niveau antérieur à la crise sanitaire se traduisant en un nouvel état de surpopulation : 858 personnes étaient détenues à l’établissement avant la crise sanitaire au 3 février 2020, 603 au 11 mai et 820 le 23 novembre 2020.

Le personnel de surveillance, à l’exception des gradés, est affecté à l’établissement conformément à l’organigramme de référence. Cependant, ses ressources humaines sont marquées par la jeunesse et l’inexpérience du personnel de surveillance, composé en grande partie de stagiaires. L’établissement est confronté à la fois à un turn-over important mais surtout à l’absentéisme sans justificatif de nombre de ces jeunes agents, perturbant son fonctionnement et interdisant de procéder aux mouvements individuels nécessaires pour que chaque détenu accède aux services prévus pour lui. Les mouvements collectifs sont également restreints et les personnes détenues ne bénéficient plus que d’une promenade unique par jour. Dans ses observations, en retour du rapport provisoire, le directeur du centre pénitentiaire signale que ces difficultés sont liées au déracinement des stagiaires de leur région d’origine ce qui ne saurait justifier le non-respect des règles inhérentes au droit du travail comme celui des règles déontologiques.

Deux sujets de préoccupation sont liés au contrat conclu avec le partenaire privé. Régulièrement signalée par les personnes détenues, constatée par les contrôleurs et confirmée par la direction, la faible quantité de nourriture servie à l’établissement relève d’un problème structurel de définition des quantités dans le contrat avec le partenaire privé, amplifié par un manque de contrôle de la distribution des repas. Par ailleurs, ce partenaire n’a pas atteint l’objectif fixé en matière de développement du travail qui est peu étendu ; des solutions doivent être trouvées afin de permettre aux entrepreneurs d’offrir des emplois aux personnes détenues nonobstant les difficultés d’accès à la ville de Paris par les véhicules de transport des marchandises.

Les contrôleurs ont noté un manque d’éléments factuels dans les dossiers préparatoires à l’action disciplinaire ; par ailleurs, les images de vidéosurveillance sont insuffisamment exploitées. En revanche, l’existence d’un quartier de confinement permet d’éviter le placement en quartier disciplinaire pour l’exécution des sanctions les plus modérées.

S’agissant des fouilles, les contrôleurs ont constaté que certaines des décisions exorbitantes de fouilles intégrales étaient des décisions collectives et non pas individuelles et n’étaient pas réexaminées au regard de l’évolution individuelle des personnes détenues. Les douze personnes détenues affectées au quartier de prise en charge de la radicalisation subissent, quant à elles, à chaque sortie de cellule une fouille par palpation avant un passage sous le portique de sécurité, ce jusqu’à dix fois par jour, portant atteinte à leur dignité, alors que la circulaire de l’administration pénitentiaire précise que ces fouilles ne devraient être pratiquées qu’en cas de soupçon avéré.

La prise en charge de la santé au sein de l’établissement a également constitué l’un des points marquants de cette visite. Le fonctionnement compartimenté des trois services de santé s’avère préjudiciable aux patients. Par ailleurs, l’administration pénitentiaire et les services hospitaliers installés font parfois preuve d’une défiance mutuelle alors que la fluidité de l’information doit être effective dans le respect du secret médical.

Les moyens de contrainte utilisés lors des extractions médicales sont souvent disproportionnés et les consultations se déroulent de manière habituelle en présence des surveillants, ce qui porte atteinte au secret médical et à la dignité des personnes détenues.

Des projets restent à concrétiser notamment dans l’achèvement de la montée en charge du module de confiance, l’ouverture du second quartier de prévention de la radicalisation (QPR), la mise en œuvre d’un dispositif de lutte contre les suicides ainsi que de la création en lien avec le SPIP d’un quartier « courtes peines » axé sur la préparation à la sortie.

 La visite a également permis de mettre en évidence plusieurs points forts dans le fonctionnement de l’établissement ainsi que des initiatives judicieuses.

Un point positif réside notamment dans l’effectivité de l’accès au droit, tant grâce à un point d’accès au droit efficace et un service pénitentiaire d’insertion et de probation investi dans sa mission, qu’à une politique d’application des peines dynamique.

La mise en œuvre de projets tels que le régime de respect est une initiative qui mérite d’être soulignée même s’il y existe encore des marges de progrès. Cette dynamique devrait être poursuivie dans le sens d’une plus grande autonomie dans la vie quotidienne.

Le nombre, la diversité et la qualité des activités sont remarquables notamment au quartier de prévention de la radicalisation. L’ouverture d’une antenne de l’Éducation nationale au sein des locaux du SPIP du milieu ouvert afin d’offrir une passerelle aux personnes détenues qui souhaitent prolonger les études entreprises en détention est une initiative à soutenir et à modéliser. Par ailleurs, les personnes placées au quartier disciplinaire peuvent bénéficier d’un prêt de livres et une ludothèque va ouvrir dans l’ un des bâtiments.

Ces initiatives ont des effets bénéfiques sur le climat en détention.

Les réponses de la direction au rapport provisoire ont permis de constater une prise en compte de nombreuses recommandations qui atteste de sa volonté de faire évoluer la situation dans l’intérêt des personnes détenues.

Toutefois, pour certaines des recommandations, le directeur dispose d’une marge de manœuvre relativement limitée, leur mise en œuvre dépassant souvent son niveau de responsabilité.

Il appartient à la direction de l’administration pénitentiaire, aux ministres concernés voire au législateur de les prendre en compte en particulier s’agissant de la régulation carcérale. A l’issue de la visite, la suroccupation en particulier, cristallise l’inquiétude des contrôleurs.