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Rapport de visite du centre hospitalier spécialisé du Gers à Auch (Gers)

Rapport de visite du centre hospitalier spécialisé du Gers à Auch (Gers)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Cinq contrôleurs ont effectué en mars 2019 une visite du centre hospitalier (CH) du Gers qui a porté sur les sept unités de psychiatrie adulte, l’unité d’hospitalisation de psychiatrie infanto-juvénile et l’accueil aux urgences du CH d’Auch.

A la suite de cette visite, un rapport provisoire a été adressé au directeur général de l’établissement, au directeur de l’ARS, ainsi qu’aux autorités judiciaires et administratives du département. Les observations en réponse du directeur de l’établissement, seul à avoir répondu, ont été intégrées au présent rapport définitif.

Le CH est le seul établissement public spécialisé en santé mentale du Gers et couvre les besoins des 190 000 habitants du département avec 288 lits, places et structures ambulatoires. Il assure également la psychiatrie de liaison et les soins psychiatriques aux urgences au centre hospitalier d’Auch.

Depuis le 1er mai 2018, le pôle de psychiatrie adulte s’est réorganisé, à l’échelle du département, en une filière admission et une filière de préparation à la sortie et d’hospitalisation au long cours. Cette réorganisation devrait permettre une meilleure lisibilité des parcours de soins.

Concernant l’accès aux soins, cette filière reste néanmoins à améliorer. En amont de l’hospitalisation, il conviendrait de protocoliser et renforcer la présence aux urgences des équipes de psychiatrie, de développer en interne le système d’accueil et d’orientation psychiatrique, grâce au projet d’unité d’accueil et d’orientation pour adulte et à la création de l’équipe mobile de pédopsychiatrie.

En aval, des liens restent à tisser avec les autres institutions sanitaires, médico-sociales, ou sociales par la création de structures adaptées au public hospitalisé depuis plus d’un an dans l’établissement. On note des améliorations grâce au projet d’appartements de mise en situation pour les adultes, au projet d’hôpital de jour pour adolescents et surtout au service d’hospitalisation à domicile. Le taux de personnes hospitalisées depuis plus d’un an reste cependant important, amenant l’établissement à prendre en charge avec une culture et une infrastructure sanitaire, des patients qui sont en droit d’attendre des modalités de prise en charge plus adaptées.

L’organisation actuelle des soins est particulièrement préjudiciable à leur qualité. Ainsi il n’y a pas de projet médico-soignant réellement mis en œuvre, définissant les soins à apporter aux patients des différentes unités avec une analyse de la présence nécessaire, quantitative et qualitative de soignants auprès d’eux. La présence et l’implication des médecins est insuffisante dans certains services où il convient de préserver une dynamique d’équipe et un suivi régulier des patients avec les soignants. Les consultations de psychiatre s’effectuent souvent avec un infirmier mais il n’y a toujours pas de réunion clinique hebdomadaire permettant l’élaboration et le suivi du projet de soin individualisé du patient.

Le non remplacement des absences de soignants désorganise quotidiennement l’ensemble des services par la mutualisation de la pénurie y compris avec la maison d’accueil spécialisée. Le temps de transmission entre soignants n’est pas intégré dans le temps de travail ; les heures de présence du personnel dans les unités et leur nombre sont sans lien direct avec le besoin réel des patients au regard de leur projet de soins.

La formation continue est insuffisante sur le droit des patients, l’isolement et la contention ; la consolidation des savoirs pour les nouveaux infirmiers diplômés est minimale, il n’y a plus de tutorat pour les premiers postes, pas de supervision des pratiques professionnelles sauf en pédopsychiatrie.

L’accès aux activités occupationnelles est insuffisant dans les unités, avec cependant une offre conséquente d’activité thérapeutique intersectorielle et la possibilité de maintenir ces activités après la sortie.

L’accès aux soins somatiques est performant et investi, avec une participation active des médecins généralistes et du chirurgien-dentiste aux projets de soin là où des réunions le permettent, avec le développement d’actions d’éducation à la santé.

Enfin, les pratiques d’isolement et de contention ne sont toujours pas analysées par les praticiens, alors même que l’étude du registre par les contrôleurs indique une pratique de l’isolement encore assez habituelle mais très différente d’une unité à l’autre, avec un usage des contentions plus modéré. L’établissement devra permettre à tout patient placé en isolement de conserver sa chambre d’hospitalisation avec ses effets personnels. Les locaux dédiés à l’isolement ne sont actuellement pas propices à l’apaisement. Par ailleurs, les placements en chambre d’isolement de patients en soins libres sont nombreux et majoritairement non régularisés dans les douze à vingt-quatre heures par l’enclenchement d’une mesure de soins sous contrainte.

Concernant le patient sujet de droit, l’information générale donnée aux patients sur leurs droits est insuffisante dans le livret d’accueil et le règlement intérieur alors même qu’une notice des droits bien faite mais malheureusement peu remise est notifiée au patient. Le livret d’accueil est peu diffusé dans certaines unités et les règles de vie n‘existent pas partout.

Le registre de la loi est très incomplet, et il manque de nombreux éléments obligatoires permettant le contrôle du parcours des patients en soins sans consentement.

La notification de la décision de soins sans consentement est faite trop tardivement et n’est pas indiquée dans le registre de la loi. Aucune notification des décisions n’est mise dans le dossier du JLD. Enfin, le collège des professionnels ne se réunit pas systématiquement pour les patients le nécessitant.

Concernant le respect des droits fondamentaux généraux, la liberté d’aller et venir est plutôt bien prise en compte, et il y a un nombre limité d’unités fermées. Les locaux sont bien entretenus, propres et propices à une bonne qualité des soins avec encore quelques unités qui sont anciennes et un réel problème pour quelques unités où des chambres sont à l’étage. Les verrous de confort sont encore rares et le mobilier parfois minimaliste.

La communication avec l’extérieur est bien prise en compte, même s’il est nécessaire d’améliorer les possibilités pour le patient de voir sa famille dans des espaces dédiés et faciliter l’accès à la télévision individuelle et à l’informatique. L’inventaire des biens est rarement fait et n’est jamais contradictoire.

En conclusion, l’établissement doit rapidement organiser les soins, médicaux et paramédicaux autour du besoin de prise en charge et de mise en œuvre des projets de soins individualisés. Il doit acquérir une culture du patient reconnu comme sujet de droit, et investir la pratique de l’isolement et de la contention de manière collégiale, contextualisée, sans oublier qu’elle ne peut être qu’un dernier recours, conformément à la loi.