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Rapport de visite du centre hospitalier Gérard Marchant à Toulouse (Haute-Garonne)

Rapport de visite du centre hospitalier Gérard Marchant à Toulouse (Haute-Garonne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Du 9 au 16 septembre 2019, huit contrôleurs ont effectué une visite du centre hospitalier Gérard Marchant à Toulouse (Haute-Garonne). Il s’agissait de la première visite de cette établissement. A l’issue, un rapport provisoire a été adressé aux autorités administratives et judiciaires du département ainsi qu’à la direction. Seul le directeur général de l’établissement a émis des observations qui sont intégrées dans le présent rapport.

Le centre hospitalier Gérard Marchant (CHGM) est intégré au plus important groupement hospitalier de territoire d’Occitanie, étendu sur 250 km. Trois de ses établissements ont constitué la communauté psychiatrique de territoire (CPT) de la Haute-Garonne et du Tarn Ouest : le CHU de Toulouse, le CHGM et le CH de Lavaur (Tarn).

Le CHGM est en charge de sept secteurs de psychiatrie adulte (certains secteurs représentant presque 200 000 habitants), d’un secteur de pédopsychiatrie et du secteur psychiatrique en milieu pénitentiaire. En 2001, l’explosion de l’usine AZF a ravagé une grande partie des bâtiments de l’hôpital, ce qui a conduit à repenser son organisation avec la création, en 2005, de sept pavillons d’hospitalisation et la réhabilitation des bâtiments administratifs et techniques en 2012.

La capacité d’accueil, en hospitalisation complète de psychiatrie adulte, est de 264 lits. Par ailleurs, il dispose de toute l’offre ambulatoire nécessaire. Son activité est stable depuis 2016 ; ainsi en 2018, 13 318 patients étaient pris en charge en ambulatoire et 1 511 patients étaient hospitalisés à temps complet, avec un taux d’occupation des unités d’admission de 98,3 %. La patientèle du CHGM est majoritairement en soins sans consentement, avec des patients souvent désaffiliés du système de soins somatiques et des comorbidités somatiques importantes. L’offre de soin privée du territoire dispose de trois fois plus de lits d’hospitalisation complète que la psychiatrie publique. Seule une clinique prend en charge des patients en soins à la demande d’un tiers (SDT) ; les autres patients en soins sans consentement sont pris en charge par le CHU et le CHGM.

Le contrôle a porté sur onze unités de psychiatrie adulte, l’unité d’hospitalisation de psychiatrie infanto-juvénile, et l’accueil aux urgences du CHU de Toulouse.

Concernant le respect de la dignité et du droit d’accès à la santé :

La filière psychiatrique des soins sans consentement du territoire montre manifestement une insuffisance de moyens en hospitalisation complète pour des patients en situation de crise, dans le contexte d’une population augmentée de 100 000 habitants en cinq ans et de 11% des postes médicaux vacants. Et cela malgré tous les efforts déployés sur l’ambulatoire en prévention des hospitalisations, comme par exemple le développement des équipes mobiles dont celle d’intervention et de crise. Les délais de rendez-vous aux CMP restent de plusieurs mois et une centaine de patients hospitalisés est en attente de place dans le secteur médico-social.

Face à la difficulté de prendre en charge de façon adaptée tous les patients, des atteintes aux droits fondamentaux et à la dignité sont apparues, dont certaines perdurent depuis plusieurs années.

Ainsi l’organisation des soins est centrée sur la gestion de la pénurie et non sur le besoin des patients. La détermination d’un effectif soignant de sécurité n’empêche pas la désorganisation quotidienne des services qui mutualisent le manque aux dépens du projet de soin des patients. L’ensemble des services d’admission connait des suroccupations qui conduisent à une utilisation soit indigne soit inadéquate des chambres d’isolement, avec des transferts de patients entre unités y compris la nuit. Les patients placés en chambre d’isolement (CI) ne conservent pratiquement jamais leur chambre d’hospitalisation dans les services d’admission et d’autres sont hospitalisés directement en CI. Les chambres d’isolement sont ainsi globalement utilisées comme des chambres d’hospitalisation.

Parallèlement à ces contingences d’hébergement, les pratiques d’isolement et de contention sont là aussi paradoxales. Si l’usage de la contention est très modéré et dans les plus bas étiages observés, l’usage de l’isolement reste assez élevé et n’est pas encore une mesure de dernier recours. Les chambres d’isolement sont toutes impropres à l’apaisement. Il n’y a pas encore d’analyse opérationnelle du registre et l’établissement s’est engagé à mettre en place ce travail.

L’accès au psychiatre est très variable selon les unités et quelques unités connaissent de nombreuses demi-journées sans médecin. Pour autant, les modalités d’accès aux soins psychiatriques sont bien développées : les réunions cliniques et de synthèse, pluridisciplinaires, permettent d’adapter le projet de soin individualisé du patient. Des infirmiers référents sont en place, par binôme. Les entretiens médico-infirmiers se tiennent régulièrement et les familles sont associées aux soins, y compris dans le cadre de groupe-famille dans une unité. Les activités thérapeutiques sont bien intégrées dans le projet de soins des patients. L’accès aux soins somatiques est garanti. Reste cependant la généralisation de prescription d’injection de psychotrope « si besoin », sans que le médecin soit forcément présent pour rechercher, avant de faire cette injection, le consentement du patient et vérifier que l’injection est vraiment indispensable.

Concernant le respect des droits fondamentaux dans la vie quotidienne :

Les locaux sont en bon état sauf ceux des deux unités mais qui seront rénovées dans les prochaines années.

La liberté d’aller et venir a ici été particulièrement prise en compte puisque toutes les unités sont ouvertes, avec, pour les huit unités d’admission, un secteur fermé de cinq places potentielles. Une pratique opposée en secteur ouvert et en secteur fermé, sur beaucoup d’aspects, interroge cependant sur les restrictions de liberté, avec un renversement de la règle : tout est autorisé sauf exception décidée par le médecin en ouvert, tout est interdit sauf autorisation du médecin en secteur fermé.

Par ailleurs, des règles sont disparates d’un service à l‘autre, dans la gestion de l’accès aux proches, la communication, l’usage du pyjama et l’abord de la sexualité.

 Concernant le patient sujet de droit :

La notification des droits est faite dans les formes dans certaines unités, mais ne semble pas forcement comprise par les soignants trop peu formés sur ce sujet : le droit ne fait pas encore partie du soin ; la personne de confiance est rarement désignée et peu sollicitée.

L’information sur les droits comme celle générale sur l’admission à l’hôpital est remise mais pas toujours expliquée et comprise. Le livret d’accueil est souvent mis dans la chambre de l’arrivant mais pas partout, et ce livret d’accueil n’est pas actualisé régulièrement.

Chaque unité a ou non des règles de vie, plus ou moins affichées.