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Rapport de visite de l’Association de santé mentale du 13e arrondissement (ASM13) – sites de l’hôpital de l’Eau Vive à Soisy-sur-Seine (Essonne) et de la policlinique René Angerlergues à Paris

Rapport de visite de l’Association de santé mentale du 13e arrondissement (ASM13) – sites de l’hôpital de l’Eau Vive à Soisy-sur-Seine (Essonne) et de la policlinique René Angerlergues à Paris

Observations du ministère de la santé – Association de santé mentale du 13e arrondissement (ASM13) – sites de l’hôpital de l’Eau Vive à Soisy-sur-Seine (Essonne) et de la policlinique René Angerlergues à Paris

 

 

Synthèse

Cinq contrôleurs ont visité du 4 au 8 juin 2018 les deux structures d’hospitalisation à temps complet gérées par l’association de santé mentale du XIIIème arrondissement (ASM13) dans un établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC) en charge du secteur de psychiatrie du XIIIème arrondissement de Paris. Il s’agissait d’une première visite, annoncée. Une réunion de restitution s’est tenue le 15 juin 2018

L’ASM13, existe depuis 1958, a pour mission de développer des actions de prévention et de soins dans cet arrondissement, avant même la politique de sectorisation de l’activité psychiatrique. Son caractère associatif implique la présence de médecins dans les fonctions de direction. Son siège est installé rue Albert Bayet à Paris. Outre des dispositifs médico-sociaux et de soins de suite psychiatriques, elle dispose pour les hospitalisations à temps complet, d’adultes exclusivement, de :

  • l’hôpital de l’Eau vive à Soisy-sur-Seine (Essonne), à 32 km de Paris, structure historique de l’ASM13, offrant une unité fermée de dix-sept lits (unité Sept Fermé) et une unité ouverte de vingt-quatre lits (unité Pussin) pour la prise en charge de psychiatrie générale et deux unités de vingt-et-un et vingt-six lits pour de la postcure et des soins de suite ;
  • La policlinique René Angelergues, 10 rue Wurtz à Paris (XIIIème arrondissement), offrant quarante lits dont huit lits dans une unité fermée prévue pour une phase d’accueil et d’évaluation de 48 à 72 heures ; les trente-deux autres lits forment une unité ouverte ;

Le personnel médical est stable et la couverture des postes de personnel soignant est bonne grâce à un budget équilibré.

Les patients en soins sans consentement (SSC) sont surtout pris en charge à l’issue d’un passage aux urgences de Sainte-Anne, de La Pitié-Salpêtrière ou à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (I3P) : en 2016, 25 % des patients provenaient d’autres hôpitaux.

Le nombre de patients admis pour des soins sans consentement, en augmentation, représente environ 70 % de l’ensemble des admissions en 2017, parmi lesquelles les admissions en soins psychiatriques en cas de péril imminent (ASPPI) et sur demande d’un tiers en cas d’urgence (ASPDT/U) sont majoritaires. Le nombre de patients admis en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat (ASPDRE) a varié entre 2016 et 2018 de 16 à 18% des patients en SSC.

Des patients de différents statuts sont hospitalisés tant à la policlinique qu’à l’Eau vive, contrairement aux règles prévues par l’ASM13, selon lesquelles les patients en SSC vont à L’eau vive (dont ceux en ASPDRE, directement) et ceux en ASPDT, ASPDT/U et ASPPI ne séjournent à la policlinique que durant une courte période.

Les décisions d’admissions en SSC du directeur sont signées par des personnes sans délégation formalisée et sont antidatées, faute de permanence de la fonction de direction.

Sur quarante programmes de soins (PDS) à la date de la visite, vingt-sept étaient des hospitalisations complètes assorties de sorties restreintes ou mal définies.

Parallèlement, des chambres étaient doublées, les deux unités de l’Eau vive accueillant plus de patients que de lits annoncés.

Les documents informant les patients de leurs droits sont apparus inefficaces, tant en contenu que dans la manière d’être portés à la connaissance des patients, qu’il s’agisse des droits relatifs aux soins sans consentement ou des règles de vie dans les unités.

Les conditions de vie dans les unités sont inégales. La liberté de circulation très restreinte dans l’unité Sept Fermé exclut majoritairement l’accès à l’extérieur hors pour consommer du tabac.

Cette unité n’a pas fait l’objet des travaux d’entretiens utiles ces dernières années, le devenir de l’hôpital de l’Eau vive étant soumis à des discussions tendant à la relocalisation à Paris de l’ensemble des lits d’hospitalisation de l’ASM13. L’établissement dispose pourtant des moyens d’effectuer ces travaux et se tient prêt à les engager.

Des évènements violents, de nature sexuelle, ont eu lieu entre patients ; pourtant la question de la sexualité ne fait pas l’objet d’une réflexion et d’actions conséquentes.

Des chambres d’isolement équipent l’unité 48-72 heures de la policlinique (deux chambres, en travaux lors de la visite), les unités Pussin et Sept fermé de L’eau vive (deux et trois chambres respectivement). Aucun registre d’isolement et de contention n’est en place – la contention mécanique n’étant plus pratiquée – mais un rapport annuel est élaboré. Le nombre et surtout la durée des placements en chambre d’isolement sont, de prime abord, importants. Les éléments recueillis ne font pas encore apparaître une politique commune.

Aucun médecin somaticien n’intervient, à Paris ou dans l’Essonne, pendant l’hospitalisation.

L’établissement ne dispose pas d’un projet médical unique et ne porte pas de façon coordonnée les activités thérapeutiques dispensées en son sein. Cela se révèle préjudiciable pour les patients, qui font l’objet de transferts entre les hôpitaux de Paris et de l’Essonne, et entre leurs unités, le lieu d’hospitalisation étant déterminé à la fois par le statut juridique du soin et par le degré d’agitation du patient.

Enfin, la double implantation territoriale fait échapper la situation de nombreux patients au contrôle des autorités territorialement compétentes, judiciaires et administratives, d’autant qu’aucune des autorités définies à l’article L3222-4 du code de la santé publique (CSP) ne visite l’établissement. Ont été relevées les difficultés suivantes :

  • le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance (TGI) d’Evry est ainsi saisi de toutes les situations de SSC, que les patients soient accueillis à la policlinique ou à L’eau vive, à Paris ou en Essonne ;
  • le préfet de police, à Paris, est le seul à décider des mesures d’ASPDRE alors que les patients sont dans l’Essonne ; le préfet de l’Essonne n’en est pas informé ;
  • la préfecture de police de Paris est sollicitée en cas de fugue ou disparition inquiétante de patient, même hospitalisé en Essonne ;
  • la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) de l’Essonne intervient à L’eau vive mais jamais à la policlinique, laissant cela à la CDSP de Paris qui ne reçoit pourtant aucun des documents prévus par le CSP, tous adressés à la CDSP de l’Essonne.
  • un seul registre de la loi est tenu, à Soisy-sur-Seine, pour les deux établissements ; les mentions n’y sont pas exhaustives ;

L’organisation de l’ASM13 pour prendre en charge des soins sans consentement ne s’est pas adaptée aux changements législatifs successifs. Ce défaut majeur entraîne une qualité inégale de prise en charge.

La visite du CGLPL s’est toutefois déroulée dans un contexte favorable à l’actualisation des processus et pratiques de prise en charge des patients : un nouveau projet médical était en cours de rédaction et le projet de relocalisation des quarante lits de psychiatrie de l’Essonne dans Paris devait aboutir.