Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite de la maison d’arrêt de Vesoul (Haute-Saône)

Rapport de visite de la maison d’arrêt de Vesoul (Haute-Saône)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Suivi des recommandations à 3 ans – Maison d’arrêt de Vesoul

 

Synthèse

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), quatre contrôleurs ont effectué un contrôle de la maison d’arrêt (MA) de Vesoul (Haute-Saône) du lundi 13 au jeudi 16 mai 2019. Cette mission constituait une première visite.

Le rapport provisoire a été adressé le 7 août 2019 au chef d’établissement de la MA, à la présidente et au procureur de la République du tribunal de grande instance (TGI) de Vesoul, au directeur général du groupe hospitalier de la Haute-Saône – site de Vesoul – et au directeur général du centre hospitalier spécialisé de Saint-Rémy et Nord Franche-Comté, en vue de recueillir leurs éventuelles observations. Seule la réponse en date du 10 septembre 2019 de la présidente et du procureur de la République du TGI de Vesoul est parvenue au CGLPL.

Aucune difficulté particulière n’a été rencontrée par les contrôleurs.

Le bâtimentaire de type « hispano-mexicain » a été construit en 1837. La MA est proche du centre-ville, à proximité du palais de justice et à 950 m de la gare SNCF. L’établissement occupe une superficie de 4 612 m².

Ne sont hébergés que des hommes majeurs. L’établissement compte un quartier de détention et un quartier de semi-liberté (QSL). La capacité opérationnelle, identique à la capacité théorique, est de cinquante places, dont quarante en détention, trois au quartier des arrivants et sept au QSL. Le quartier disciplinaire (QD) comporte une cellule. L’établissement ne comporte pas de quartier d’isolement (QI) ni de cellule de protection d’urgence (CProU).

La MA compte un total de quarante-six cellules et quatre-vingt-quatre lits. Ces chiffres diffèrent de ceux communiqués par l’administration pénitentiaire qui indique soixante-cinq lits en détention pour les quarante-six cellules.

Le taux d’encellulement individuel est faible et les cellules individuelles sont utilisées pour les « vulnérables » en l’absence de quartier d’isolement. La sur occupation est permanente avec parfois des matelas au sol. Le taux d’occupation était de 142 % lors de la visite et de 152 % la semaine précédente. Le directeur interrégional des services pénitentiaires (DISP) de Dijon (Côte-d’Or) organise alors des transferts de désencombrement pour limiter le nombre de matelas au sol. Ces transferts interviennent dans l’urgence et portent atteinte le plus souvent aux droits des personnes détenues en supprimant les parloirs des familles dont la plupart habite à proximité et en ne permettant pas l’aboutissement des dossiers portés par les CPIP.

Les capacités d’hébergement sont attentatoires à la dignité des personnes détenues. Les cellules ont des dimensions très inférieures aux normes définies par le Comité de prévention de la torture (CPT), les coins sanitaires (WC et lavabo) sont particulièrement étroits, les revêtements muraux sont dégradés. Les cellules ne peuvent pas être équipées de plus d’une table et d’un siège, sauf à de rares exceptions ; un réfrigérateur équipe cependant chaque cellule. Les cours de promenade ne comportent ni abri, ni banc ni matériel de sport.

L’hygiène est globalement assurée mais la surpopulation pèse : le matériel est détérioré. L’insécurité règne dans les douches collectives.

Les produits cantinés sont livrés dans des délais raisonnables, mais la détention souffre de l’absence de cantine extérieure. Les personnes dont les ressources sont insuffisantes ne bénéficient pas de l’aide qu’elles devraient recevoir, notamment les semi-libres qui en sont systématiquement exclus.

Les parloirs sont également attentatoires à la dignité : un muret sépare le visiteur du visité et les parois de plexiglas entre les « boxes » ne garantissent pas l’intimité phonique ni visuelle.

Si une permanence est tenue régulièrement par le point d’accès au droit (PAD), les questions posées relèvent le plus souvent du service de probation et d’insertion pénitentiaire (SPIP). La présence des CPIP en détention n’est pas de nature à répondre aux demandes, d’autant que la MA ne bénéficie pas du concours d’une assistante sociale.

Le nombre d’étrangers est significatif et aucun service d’interprétariat n’est disponible.

Le personnel pénitentiaire est sous-encadré. L’effectif théorique en officiers, en majors et en gradés n’est pas honoré ; ces absences sont comblées par des mises à disposition de courte durée. L’effectif réalisé de surveillants pénitentiaires est temporairement supérieur à l’effectif théorique mais ne compte pas de moniteur de sport. Le règlement intérieur est périmé et inaccessible. Les mouvements donnent l’apparence de la fluidité mais les retards sont fréquents. Les fouilles intégrales sont réalisées en très grand nombre dans des locaux inadaptés, parfois de façon collective, et sont mal tracées.

L’absence de mesure disciplinaire dans le trimestre qui a précédé la visite des contrôleurs interroge.

L’absence de travail en atelier n’est compensée ni par le service général, ni par la formation professionnelle : le classement au travail est dénué de transparence. La demande d’enseignement comme celle d’activités est forte mais les salles, le nombre d’enseignants et le travail associatif de l’AFAD[1] ne permettent pas de faire face aux besoins ni à la demande en dépit de leur dynamisme.

En matière de soins, l’unité sanitaire réussit globalement à assurer sa mission en dépit de la surpopulation et de l’absence de coordination institutionnelle – il n’existe pas de convention entre les services de santé, de justice et les forces de l’ordre.

Les moyens de contrainte sont utilisés de façon systématique pour les extractions médicales et les surveillants pénitentiaires sont toujours présents pendant les examens médicaux, comme les fonctionnaires de police. Ces derniers utilisent des entraves de l’administration pénitentiaire.

Le quartier de semi-liberté est vécu comme un lieu de punition et d’abandon : absence de téléphone, de cour de promenade, de salle commune et, en outre, absence de surveillance.

L’absence durable d’officier ou de gradé d’encadrement conduit au règne de l’arbitraire.

En dépit de ce descriptif, l’établissement accomplit a minima sa mission.

[1] AFAD : accueil des familles et amis de détenus.