Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Laon (Aisne)

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Laon (Aisne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Huit contrôleurs et une stagiaire ont effectué un contrôle du centre pénitentiaire (CP) de Laon (Aisne), du 1er au 11 octobre 2018. Cette mission constituait une deuxième visite faisant suite à un premier contrôle réalisé au mois de mai 2014. Cependant, ce premier rapport de visite n’avait pas été finalisé.

Un rapport provisoire a été rédigé et envoyé au directeur du centre pénitentiaire, au président du tribunal de grande instance (TGI) de Laon et au procureur de la République près ce même TGI, ainsi qu’aux directeurs du centre hospitalier de Laon et de l’établissement public de santé mentale du département de l’Aisne. Le président du TGI, le procureur de la République près ce même TGI ainsi que les directeurs des établissements hospitaliers ont fait parvenir leurs observations. Ces dernières ont été prises en compte pour la rédaction de ce rapport définitif.

Cet établissement, d’une capacité théorique de 388 places, a été mis en service en 1991. Il comprend un quartier centre de détention de 200 places, un quartier maison d’arrêt de 174 places et un quartier pour mineurs de 15 places. Lors de la visite, 405 adultes et 10 mineurs étaient hébergés. Le quartier maison d’arrêt est régulièrement confronté à un phénomène de surpopulation. Au cours du contrôle, son taux d’occupation était de 174%. Bien que la majorité des cellules soit occupée par deux voire trois occupants, dix personnes étaient contraintes de dormir sur un matelas posé à même le sol lors de la visite. La question de la surpopulation, qui concerne de très nombreux établissements, a toujours été dénoncée par le CGLPL comme attentatoire à la dignité des personnes et constituant un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH. En conséquence, le droit à l’encellulement individuel n’est pas respecté comme le prévoit la loi pénitentiaire de 2009. Cette situation est parfaitement connue de l’administration pénitentiaire et des autorités judiciaires.

En outre, les conditions d’occupation dégradent de façon accélérée les cellules dont la maintenance peine à résoudre les problèmes. Ces conditions matérielles de détention concernent également le quartier centre de détention et se caractérisent notamment par la vétusté des cellules et du mobilier lorsque celui-ci ne vient pas tout simplement à manquer. Il convient également de souligner le caractère sordide des cellules d’isolement et disciplinaires. Par ailleurs, la configuration des locaux du quartier centre de détention n’est pas adaptée aux personnes condamnées bénéficiant d’un régime « portes ouvertes », puisqu’il ne comporte aucune salle collective. Seuls les mineurs bénéficient de conditions d’hébergement convenables bien que les locaux collectifs soient pour la plupart exigus.

En dépit du phénomène de surpopulation, les relations entre les surveillants et les personnes détenues sont apparues globalement détendues. Les agents font preuve de souplesse et se montrent particulièrement réactifs pour répondre aux différentes requêtes émanant des personnes détenues, ce qui a pour effet d’apaiser les tensions. Cependant, la vie en détention est émaillée d’incidents qui témoignent de la réalité des trafics de produits stupéfiants et génèrent, notamment au quartier centre de détention, une forme de violence latente. A cet égard, aucun dispositif n’a été mis en place pour lutter efficacement contre ces trafics. Force est de constater que les personnes détenues s’autogèrent et les règles de vie en collectivité qui s’appliquent au régime « portes ouvertes » ne sont pas respectées. En outre, compte tenu de l’offre insuffisante en matière de d’activités, il règne une atmosphère oisive. On peut alors s’interroger sur le sens que les personnes détenues peuvent donner à leur temps passé en détention lorsque rien d’autre ne vient pallier cette vacuité.

En outre, le recours aux moyens de contraintes lors des mises en prévention au quartier disciplinaire et durant des extractions médicales s’avère disproportionné. De même, la présence d’agents pénitentiaires au cours d’une consultation médicale constitue une atteinte au secret médical et à la dignité des patients. Enfin, lors des extractions et au retour d’une permission de sortir, les fouilles intégrales sont pratiquées de façon systématique sans que cela ne se justifie.

Cette seconde visite a toutefois été l’occasion de relever quelques éléments positifs. Ainsi, une attention particulière est portée aux personnes dites « vulnérables » qui sont hébergées dans une aile spécifique. Elles bénéficient de créneaux particuliers pour se rendre en cours de promenade et pratiquer une activité sportive. Ainsi également, le quartier des mineurs s’inscrit dans une bonne dynamique. L’équipe fonctionne en synergie et adopte une approche souple et individualisée. Le personnel pénitentiaire, investi dans la mission qui lui est confiée, a à cœur d’animer des activités adaptées aux profils des mineurs. Enfin, l’unité sanitaire propose une prise en charge répondant aux besoins de la population pénale en matière de soins somatiques, notamment par l’instauration d’astreintes médicales durant les week-ends et au cours de la semaine jusqu’à minuit. Ce dispositif est suffisamment rare dans les établissements pénitentiaires pour être relevé.

En dernier lieu, si la politique volontariste d’aménagement de peines mérite d’être soulignée, il n’en demeure pas moins que l’absence d’un quartier de semi-liberté ou d’un dispositif permettant la mise en œuvre d’aménagement de peines dans le cadre d’un régime de semi-liberté limite les possibilités. Une réflexion, associant les autorités judiciaires et l’administration pénitentiaire, est en cours. Il conviendrait de la concrétiser.