Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite de l’unité médico judiciaire d’Hôtel-Dieu (Paris)

Rapport de la deuxième visite de l’unité médico judiciaire d’Hôtel-Dieu (Paris)

Observations du ministère de l’intérieur – UMJ Hôtel Dieu à Paris (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de l’intérieur, de la santé et de la justice auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations.

 

Synthèse

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et trois contrôleurs, accompagnés d’une stagiaire, ont effectué une visite de l’unité médico-judiciaire (UMJ) de l’Hôtel-Dieu à Paris les 3 et 4 décembre 2018. L’établissement avait été précédemment contrôlé en juin 2009.

Dans le cadre de la présente visite, un rapport de constat a été adressé, le 8 janvier 2019, au directeur de l’Hôtel-Dieu, au chef de service par intérim de l’UMJ et au préfet de police. Seul ce dernier a fait part de ses observations, par courrier en date du 8 mars 2019, indiquant notamment que plusieurs recommandations relevaient de la seule compétence de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris (AP-HP) et que celles émises à la suite de la précédente visite, relevant de sa compétence, avaient été prises en compte et suivies d’effet.

L’UMJ de l’Hôtel-Dieu, hôpital dépendant de l’AP-HP, l’association SOS Médecins et le groupement d’intérêt économique (GIE) Paris-Nord assurent les examens de médecine légale du vivant dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris, chacun ayant la charge de plusieurs arrondissements. L’UMJ traite toutefois des situations les plus complexes ; il en est ainsi pour les transporteurs de drogue in corpore, le temps nécessaire à l’évacuation des boulettes.

L’unité médico-judiciaire de l’Hôtel-Dieu regroupe plusieurs entités :

  • les urgences médico-judiciaires, divisées en deux parties : l’une pour les victimes (non visitée dans le cadre de la mission car hors du champ de compétence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté) et l’autre, installée au 1er étage d’une aile donnant sur la cour d’accès au service des urgences de l’hôpital, pour les personnes placées en garde à vue ou en retenue douanière (cas les plus fréquents) mais aussi en rétention administrative ;
  • la salle Cusco, unité d’hospitalisation de neuf lits installée dans une autre aile, éloignée des urgences médico-judiciaires, au sein de laquelle les mesures de privation de liberté se poursuivent.

L’UMJ se caractérise par la présence permanente des médecins, de soignants et de policiers, travaillant côte à côte.

En permanence, au moins un médecin et un infirmier sont présents aux urgences médico-judicaires « garde à vue » et un autre médecin, en charge de l’antenne mobile, se déplace dans les services de police pour les examens de compatibilité les plus simples. Un médecin et un interne voient systématiquement, tous les matins, les patients hospitalisés à la salle Cusco et sont ensuite joignables, si besoin. La nuit, en cas de nécessité, un médecin des urgences intervient. Un infirmier et un aide-soignant sont présents à la salle Cusco durant la journée et un infirmier la nuit.

Aux urgences médico-judiciaires, deux policiers appartenant à une équipe dédiée, relevant de la direction de la sécurité publique de l’agglomération parisienne (DSPAP) de la préfecture de police, renforcés par deux autres, provenant des commissariats, sont présents en permanence. Il en est de même à la salle Cusco avec trois fonctionnaires de police appartenant à la compagnie assurant le service au dépôt du tribunal de grande instance de Paris, unité dépendant de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police, éventuellement renforcés en fonction des besoins.

Depuis la précédente visite, l’UMJ « garde à vue » a changé de locaux. Les nouveaux sont plus fonctionnels. Deux cellules, comme il en existe dans les commissariats, ont été installées mais une troisième, pourtant nécessaire pour séparer les hommes, les femmes et les mineurs, fait défaut.

Une équipe de policiers est désormais présente en permanence pour réguler les flux, en liaison avec les services de police. Les personnes en attente de consultation dans les locaux sont ainsi en nombre limité et elles y restent généralement entre 1 et 2 heures. Les escortes de police n’attendent plus sur place. Il s’agit là d’une évolution majeure par rapport à la situation constatée en 2009.

Malgré cela, les véhicules de police stationnent toujours dans la rue et les personnes gardées à vue (menottées) effectuent un court trajet sur la voie publique pour rejoindre l’entrée de l’UMJ, alors que l’endroit, touristique, est très fréquenté.

Par ailleurs, les transferts entre l’UMJ « garde à vue » et la salle Cusco s’effectuent par les galeries ouvertes au public alors qu’un autre cheminement, non accessible au public (en sous-sol), existe.

La salle Cusco quant à elle n’a pas évolué depuis 2009 : les locaux sont exigus ; les chambres (individuelles) sont toujours aussi spartiates (un lit, un lavabo et un WC) ; une seule douche est installée, pour neuf patients.

Le régime des personnes en rétention administrative est calqué sur celui de la garde à vue (et non sur celui de la rétention), en raison de la configuration des locaux : porte de la chambre fermée, aucune activité (pas de télévision, pas de radio) sauf accès à quelques livres, des visites très limitées et très rares et un accès ponctuel à leur téléphone. Ces personnes sont pourtant celles qui restent le plus longtemps (parfois jusqu’à une semaine) alors que les autres y restent le temps de la garde à vue (et parfois durant les vingt heures maximum du déferrement effectué sur place).

Aucune salle d’audience n’existe. Les enquêteurs procèdent aux auditions dans les chambres. Les magistrats qui se déplacent font de même. Cinq personnes peuvent être présentes dans une chambre : le patient – en pyjama, sur son lit -, le magistrat, son greffier, l’avocat et l’interprète. Un dispositif de visioconférence a été installé depuis un an et, depuis le déménagement du tribunal de grande instance aux Batignolles, les magistrats viennent moins souvent ; avant, il leur suffisait de traverser la rue.

Après évacuation des boulettes, le tri s’effectue dans des conditions indignes : le « bouletteux » trie lui-même ses excréments dans un lavabo en présence d’un policier. La machine automatique de tri, déjà annoncée en 2009, n’est toujours pas installée, les raisons invoquées à ce retard étant liées à l’insuffisance de la dalle en bois pour supporter le poids de cette machine.

Cette situation va toutefois évoluer grâce aux travaux engagés à l’Hôtel-Dieu. Une nouvelle installation (provisoire) de l’UMJ aura lieu en 2019 et l’installation définitive est programmée en juin 2021. Néanmoins seule une partie des difficultés évoquées seront réglées. Les différentes entités (UMJ « garde à vue », UMJ « victimes » et salle Cusco), toujours distinctes, seront regroupées sur un même plateau technique, ce qui facilitera les transferts. Les véhicules de police pourront entrer dans une cour intérieure, évitant le passage sur la voie publique avec une personne menottée. La machine automatique de tri des boulettes sera installée dans la future salle Cusco. Malheureusement les « bouletteux » commençant à expulser dès leur admission aux urgences n’y auront probablement pas accès et continueront à trier manuellement, cette situation indigne demeurant. Par ailleurs, seules deux cellules sont prévues, ce qui ne permettra toujours pas la séparation des hommes, des femmes et des mineurs, et aucune salle d’audience ne sera créée. Ces derniers points méritent d’être de nouveau examinés avant l’achèvement des travaux. C’est en effet une opportunité à ne pas manquer.