Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Recommandations en urgence relatives au centre pénitentiaire de Nouméa (Nouvelle-Calédonie)

Photo : CGLPL

 

Au Journal Officiel du 18 décembre 2019 et en application de la procédure d’urgence, la Contrôleure générale a publié des recommandations relatives au centre pénitentiaire de Nouméa (Nouvelle-Calédonie).

L’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 permet au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lorsqu’il constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de saisir sans délai les autorités compétentes de ses observations en leur demandant d’y répondre.

La ministre de la justice ainsi que la ministre de la solidarité et de la santé ont été destinataires de ces recommandations. La ministre de la justice a apporté ses observations, également publiées au Journal officiel.

 

Lire les recommandations du CGLPL et les observations de la ministre de la justice

Lire les observations de la ministre des solidarités et de la santé

Voir des photographies de la visite

Sept contrôleurs ont visité le centre pénitentiaire de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) du 14 au 18 octobre 2019 pour la seconde fois. Le CGLPL avait déjà fait usage de la procédure d’urgence à la suite de la première visite du centre pénitentiaire, en octobre 2011. Lors de la seconde visite de l’établissement, les contrôleurs ont constaté que les mesures mises en œuvre depuis 2011 étaient insuffisantes ou inadaptée. En outre, faute d’entretien et de travaux, des quartiers qui n’étaient pas visés lors des précédentes recommandations en urgence se sont sensiblement dégradés.

Les conditions d’hébergement sont précaires, dégradées et insalubres. Les deux tiers des cellules de l’établissements sont constitués de containers occupés par plus de 330 personnes. Dans l’ensemble du centre pénitentiaire, les fenêtres des cellules sont grillagées, n’offrant que peu de visibilité et de lumière naturelle. L’hygiène est insatisfaisante, les draps ne sont changés qu’une fois tous les mois aux mieux, tous les deux mois le plus souvent, tandis que certains détenus n’ont pas accès à des machines à laver pour leur linge personnel. La maintenance est défaillante, à l’image des installations électriques dangereuses dans les centres de détention, ou des boutons d’appels qui dysfonctionnent. Les cours de promenades, pour certaines particulièrement exiguës telles celles du centre de détention ouvert dans lesquelles 24 à 36 personnes évoluent dans 40 mètres carrés, sont dépourvues de tout équipement. Dans les quartiers centres de détention, les cellules-containers, sombres et sans aération, aux murs tagués et sales, connaissent des températures insupportables l’été. Au quartier maison d’arrêt, les remontées d’eaux usées sont régulières, aucun dispositif ne préserve l’intimité des sanitaires, et une obscurité permanente règne dans les cellules. Le quartier des mineurs, faute d’entretien, offre des conditions de détention indignes avec des sanitaires insalubres et des cloisons dégradées. L’ancien quartier disciplinaire, utilisé jusqu’au printemps 2019, était constitué de cellules insalubres plongées dans l’obscurité ; les personnes punies sont désormais contraintes d’effectuer leur promenade dans des containers sans aménagement n’offrant qu’un espace réduit et aucune perspective visuelle.

Ces conditions de détention dégradantes sont aggravées par la suroccupation pénale. Le jour de la visite, 90 personnes dormaient sur des matelas posés à même le sol. Au quartier maison d’arrêt, sur 35 cellules pourtant équipées de lits superposés, 12 accueillaient un matelas au sol, 21 en comptaient deux. Alors que la législation prévoit l’encellulement individuel des personnes écrouées dans les établissements pour peine, comme cela est appliqué en France métropolitaine, l’ensemble des cellules des quartiers centre de détention et du quartier de préparation à la sortie sont des cellules doubles ; au centre de détention ouvert, un tiers des cellules sont dotées d’un matelas au sol. En outre, les durées d’encellulement sont particulièrement longues. Les personnes sont ainsi maintenues dans des cellules suroccupées de 17 heures à 7 heures, soit 14 heures, ce qui excède le maximum prévu par la réglementation. Faute d’activités culturelles, de formation ou d’emplois, les personnes détenues sont également maintenues en cellule une grande partie de la journée, jusqu’à 22 heures sur 24.

Malgré la dureté des conditions de détention, le climat de l’établissement reste cependant calme en raison des comportements personnels des agents qui humanisent la vie quotidienne en détention. Le CGLPL constate ainsi que l’effet des conditions indignes et attentatoires aux droits est minimisé par des relations humaines sereines qui en permettent, de façon paradoxale, la perpétuation. La Contrôleure générale recommande que des mesures soient prises sans délai afin qu’il soit mis fin aux atteintes multiples portées à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes détenues au centre pénitentiaire de Nouméa.