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Rapport de visite du centre hospitalier Ravenel à Mirecourt (Vosges)

Rapport de visite du centre hospitalier Ravenel à Mirecourt (Vosges)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Synthèse

Cinq contrôleurs ont effectué un contrôle du centre hospitalier Ravenel à Mirecourt (Vosges), du 9 au 13 avril 2018, suite auquel un rapport de constat a été adressé, le 27 juillet 2018, au directeur du CH, à la délégation départementale des Vosges auprès de l’agence régionale de santé (ARS) Grand Est, au préfet des Vosges et aux chefs de juridiction du tribunal de grande instance d’Epinal, leur donnant six semaines pour faire connaître leurs observations. Le directeur de site pour l’établissement et le procureur de la République ont transmis leurs observations, qui ont été intégrées dans le rapport de visite.

Installé dans de vastes locaux au sein d’un domaine d’une superficie de 75 hectares, le centre hospitalier (CH) Ravenel comptait, au premier jour du contrôle, 211 patients en hospitalisation complète (pour une capacité de 222 lits) et 1 214 agents (dont 59 % en intra hospitalier). Il est organisé en quatre pôles de psychiatrie pour adultes, avec chacun son unité d’hospitalisation (voire deux) et deux pôles intersectoriels : le premier pour les adultes, avec une unité d’accueil et d’orientation (UIAO) et quatre unités de soins prolongés accueillant de nombreuses personnes âgées ; le second pour les enfants et adolescents (une unité d’hospitalisation). Soit au total, onze unités d’admission, recevant ou susceptibles de recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement dont certaines disposant de chambres d’isolement et pratiquant la contention.

Le 9 avril 2018, 72 % des patients étaient en soins libres et 28 % en soins sans consentement, dont les trois quarts sur décision du directeur, à la demande d’un tiers, en procédure d’urgence, le cas échéant, ou sur le fondement du péril imminent. 

Compte tenu d’une mauvaise situation financière, l’établissement est soumis à un plan de retour à l’équilibre qui lui impose une révision profonde de son offre de soins et la prise de mesures drastiques en termes de suppressions d’emplois dès lors que les trois quarts du budget de fonctionnement sont consacrés aux dépenses de personnel. La principale mesure envisagée – la fermeture des « unités de jour » attachées à chaque unité d’admission et la réintégration des activités thérapeutiques dans les unités de soins – cristallise d’autant plus les positions et les appréhensions que ce dispositif est emblématique pour la communauté soignante et constitue une singularité de l’hôpital.

A côté de six bonnes pratiques, le rapport de constat contenait trente-sept recommandations adressées au chef d’établissement ; seize de ces recommandations ont été maintenues dans le présent rapport de visite au regard des problématiques générales soulevées dans les cinq points suivants.

  1. Les droits des patients en soins sans consentement.

Les patients sont globalement bien informés de leur situation, de leurs droits et des voies de recours grâce à une équipe d’infirmiers référents et formés à la problématique des droits des patients.

Toutefois, la décision d’admission est remise au patient mais ne lui est pas notifiée.

  1. Les restrictions des libertés individuelles.

A l’exception d’une seule unité, toutes les unités sont fermées au mépris de la liberté d’aller et de venir des patients en soins libres. A la suite d’une recommandation faite par la Haute autorité de santé (HAS) lors de sa dernière visite de certification, le CH est censé remettre désormais un badge à chacun des patients en soins libres. Les contrôleurs ont noté que la remise d’un badge était conditionnée à l’accord du médecin et que la majorité des patients n’en disposait pas. En outre, les patients d’une unité (« Symphonia »), pourtant tous en soins libres, sont maintenus dans leur chambre, porte systématiquement fermée.

Par ailleurs, les médecins considèrent, à tort, que les patients en soins sur décision du représentant de l’Etat ne peuvent pas aller dans le parc, ce qui les amène à établir des certificats médicaux pour les autoriser à sortir des locaux de l’unité.

  1. Les conditions de vie.

La situation est hétérogène selon les unités : certaines ont été refaites sur un modèle standard alors que d’autres attendent de l’être et sont en très mauvais état.

Les chambres d’isolement sont fréquemment utilisées comme chambres supplémentaires pour le dernier admis faute de places disponibles dans l’unité. Au regard des conséquences sur l’intimité et le confort, il doit être mis un terme à cette pratique.

La dispensation des médicaments se fait dans la salle à manger et pendant les repas. Les personnes sont appelées l’une après l’autre au chariot disposé au centre de la pièce au mépris de toute confidentialité et du respect du secret médical.

La question de la sexualité ne fait pas l’objet d’une réflexion d’ensemble.

  1. La prise en charge médicale.

Plusieurs aspects positifs ressortent de la prise en charge médicale : malgré une pénurie croissante de médecins, les patients sont vus régulièrement ; les filières de soins fonctionnent entre les structures extra et intra-hospitalières ; les « unités de jour » œuvrent à la réhabilitation sociale des patients ; la personne détenue hospitalisée est installée dans une chambre ordinaire au sein de l’unité après une journée d’observation en chambre d’isolement.

D’autres points sont négatifs : beaucoup de patients sont hospitalisés au long cours faute de structures pour les recevoir ; les soins somatiques souffrent du manque de médecins généralistes et de la rareté des consultations spécialisées ; l’équipe de l’unité enfants est mise à mal par son incapacité à prendre correctement un jeune en charge, d’où épuisement, absentéisme et multiplication des demandes de mutation.

  1. L’organisation et les pratiques au regard de l’intégrité des patients.

Les contrôleurs ont globalement ressenti un investissement et une bienveillance parmi le personnel. L’UIAO permet une réelle orientation des entrants, qui peuvent éviter une hospitalisation complète ou l’application d’un statut en soins sans consentement. L’isolement est peu pratiqué mais l’est dans des chambres qui, pour la plupart, ne sont pas conformes aux normes (pas de double accès, absence d’horloge, etc. La configuration du registre, créé à l’occasion du contrôle, ne permet pas de disposer d’éléments fiables d’observation et d’analyse des pratiques.

Enfin, l’établissement a connu par le passé plusieurs épisodes dramatiques, notamment des mauvais traitements tels que ceux révélés en 2015 par deux soignants en stage dans une unité composée de patients très déficitaires, ayant abouti à la mise en cause et aux sanctions de cinq soignants. Si des mesures ont été prises – le renouvellement et la rotation du personnel, l’élaboration d’un « projet de vie » dans cette unité, la mise en place d’une analyse des pratiques professionnelles – et la procédure de signalement a été reconsidérée, il est toutefois apparu que toutes les questions posées par cette affaire n’avaient pas été abordées par la communauté hospitalière. Faute d’une telle analyse, il n’existe aucune garantie pour que ce type d’exactions ne se reproduise pas.