Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du centre hospitalier Les Murets à La Queue-en-Brie (Val-de-Marne)

Rapport de visite du centre hospitalier Les Murets à La Queue-en-Brie (Val-de-Marne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Une équipe de six contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté a visité du lundi 2 au lundi 9 juillet 2018, le centre hospitalier Les Murets, situé sur la commune de La-Queue-en-Brie (Val-de-Marne). Il s’agissait d’une première visite de cet établissement.

Un rapport provisoire a été transmis à la direction du centre hospitalier ainsi qu’aux autorités judiciaires (procureur et président du tribunal de grande instance de Créteil) et administratives (délégation territoriale de l’agence régionale de santé). A la suite de cet envoi, la directrice du centre hospitalier a fait valoir des commentaires d’ordre général qui apparaissent en introduction du présent rapport et des commentaires visant des sujets précis intégrés dans les parties concernées.

Le centre hospitalisé spécialisé Les Murets a été créé au début des années 1960 par des partisans de la psychothérapie institutionnelle. Disposant de 185 lits en hospitalisation complète, 76 en hospitalisation de jour et 50 en hospitalisation à domicile, il reçoit les patients de cinq secteurs du Val-de-Marne. Très attaché à la notion de secteur, l’hôpital s’est organisé depuis la loi HPST[1] sur le principe « un pôle égale un secteur ». Chaque pôle a donc conservé sa liberté d’organisation, mais les actions de l’équipe dirigeante et de la commission médicale d’établissement ont permis d’éviter de créer des disparités trop importantes dans la prise en charge, hors en ce qui concerne la liberté d’aller et venir des patients. La place de l’extra hospitalier, l’important travail social, la relation patient-soignant, les dynamiques de groupe se retrouvent dans l’ensemble des pôles.

Au niveau des ressources humaines, à l’inverse de bien d’autres établissements de la région parisienne, le centre hospitalier des Murets n’est pas confronté à un « turn-over » ou à un déficit quantitatif important du personnel.

En 2017, pour un total de 1 762 patients accueillis, 783 soit 44 % l’ont été en soins sans consentement dont 620 sur décision du directeur de l’établissement et 163 sur décision du représentant de l’État. La procédure prévue en cas « de péril imminent » initiée par les services d’urgence est largement plus utilisée que dans la moyenne nationale. L’établissement n’accueille pas de personnes détenues.

L’établissement bénéficie d’atouts structurels importants, en premier lieu l’implantation dans ce qui fut, lors de sa construction, la campagne francilienne et qui est désormais une banlieue relativement mal desservie par les transports en commun. L’hôpital a été pensé et réalisé au milieu d’un parc boisé aux vertus apaisantes évidentes avec des unités installées dans des bâtiments d’un étage maximum, dont beaucoup ont connu des réfections importantes. Le parc est clôturé mais ne présente aucun caractère rappelant l’enfermement.

Malgré les réfections, il est encore constaté trop de disparités dans l’aménagement des locaux, c’est ainsi que toutes les chambres ne sont pas individuelles ni équipées de système d’appel.

L’établissement a mis en place et développé une politique de réhabilitation et de qualité des soins. Des objectifs en la matière ont été fixés et les moyens nécessaires consacrés :

– une vraie interaction entre intra et extra, conséquence bénéfique du découpage pôle-secteur ;

– une offre d’activités variée tant au sein de chaque pôle que par la structure intersectorielle « Utopia » qui propose dans des locaux rénovés des activités sportives ou culturelles pour l’intra mais aussi pour l’extra hospitalier ;

– une présence et un nombre importants de praticiens hospitaliers sont dans les unités ;

– une prise en charge pluridisciplinaire, avec en nombre dans chaque pôle des psychologues, assistantes sociales, ergothérapeutes, « artistes », intégrés aux équipes soignantes comme les aides-soignants ou les agents des services hospitaliers. La psychothérapie institutionnelle n’est pas revendiquée dans tous les pôles mais elle a largement imprégné la culture de l’établissement fondé sur ses bases ;

– une gestion intelligente de la sur occupation. Effet pervers traditionnel du choix « pôle égale secteur », le parcours du patient a fait l’objet d’une réflexion et en cas de sur occupation et donc d’hospitalisation hors secteurs les médecins du secteur d’origine du patient se déplacent dans l’unité d’hospitalisation et restent les référents du patient jusqu’à son transfert dans son unité de secteur ;

– en raison de la fidélisation du personnel, les contrôleurs ont pu constater dans la plupart des unités des dynamiques d’équipe constructives autour de choix des médecins-chefs qui sont connus et reconnus.

Dans ce contexte, les réserves formulées apparaissent comme des paradoxes.

Lors de la visite, il a été constaté rapidement que le port du pyjama sur prescription médicale était utilisé dans quasiment toutes les unités. De plus, alors que l’on pouvait s’attendre à des réponses argumentées sur cette pratique, il est clairement apparu qu’aucune réflexion n’avait été menée sur ces mesures qui semblaient être découvertes lors des remarques des contrôleurs. Depuis la visite, la directrice a fait savoir dans son courrier d’observations consécutif au rapport initial que l’établissement avait désormais exclu cette pratique.

Si la contention est peu utilisée, la réflexion sur l’utilisation de l’isolement méritait d’être plus attentive, plus réfléchie et de s’organiser autour de données incontestables. La directrice, dans sa réponse, a précisé que les données étaient désormais largement diffusées et utilisées pour une meilleure réflexion commune sur le sujet.

Enfin, la liberté d’aller et venir, elle aussi, est très inégalement réfléchie : un pôle ne possède aucune unité fermée, tandis qu’un autre ne possède aucune unité ouverte, alors même qu’ils sont dans les mêmes lieux et reçoivent une population globalement identique. Alerté sur le sujet lors de la visite des contrôleurs, mais aussi par un rapport de la Haute autorité de santé, l’établissement a créé depuis un groupe « protection des libertés et des droits des patients » et des expériences sont en cours avec des ouvertures partielles d’unités autrefois totalement fermées.

Le centre hospitalier des Murets doit également prendre en compte des contraintes extérieures qui ont des répercussions directes sur les droits fondamentaux des patients.

Il s’agit tout d’abord des audiences du juge des libertés et de la détention qui n’ont pas lieu au sein de l’établissement mais dans l’hôpital Esquirol de Saint-Maurice qui fait partie du même groupement hospitalier de territoire. Cette décision du tribunal de grande instance est certes conforme aux termes de la loi de 2013, mais elle oblige, plusieurs fois par semaine, patients et soignants à des transports longs et fatigants depuis l’extrême limite du Val-de-Marne jusqu’au périphérique parisien.

Le fonctionnement des urgences psychiatriques du CHU Henri Mondor de Créteil et celles de l’hôpital Saint-Camille de Bry-sur-Marne qui accueille en amont les patients des secteurs du CH Les Murets reste très problématique avec des délais d’attente excessifs. Ce constat partagé par la direction de l’établissement fait l’objet d’une réflexion par l’autorité de tutelle en liaison avec les services concernés.

L’établissement a réagi aux recommandations orales puis écrites des contrôleurs et montré son souci du respect des droits fondamentaux notamment en supprimant le port du pyjama et en engageant une réflexion sur la liberté d’aller et venir. Ces deux points constituaient à ce niveau les principales remarques qui ne doivent pas occulter une prise en charge globalement respectueuse et des réflexions et réalisations intéressantes.

[1] LOI HPST : hôpital patients santé et territoire promulguée le 21 juillet 2009